CONFÉRENCE DE PRESSE CONJOINTE

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC,

PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANCAISE,

DE MONSIEUR LIONEL JOSPIN,

PREMIER MINISTRE

ET DE MONSIEUR ROMANO PRODI

PRESIDENT DU CONSEIL

PALAIS VECCHIO

FLORENCE, MARDI 6 OCTOBRE 1998

M. ROMANO PRODI - Mesdames et Messieurs, bonjour. La rencontre au sommet Italie-France vient de s'achever. Elle s'est achevée dans ce lieu splendide de Florence et elle s'est conclue avec la réaffirmation spontanée et forte de la grande amitié qui existe entre nos deux peuples. Je dois dire avec grande satisfaction que cela a été une confirmation de la grande amitié personnelle qui me lie avec le Président, M. CHIRAC, et le Premier ministre, M. JOSPIN. Après nos conversations, j'ai dû conclure qu'entre la France et l'Italie il n'y a aucun nuage. Il n'y a aucun point divergent sinon la nécessité de réaffirmer, d'accentuer notre amitié, surtout notre travail commun. Dans quelques instants, je vous parlerai dans le détail de nos travaux et vous pourrez vous-même constater l'ampleur de l'entente qui existe entre la France et l'Italie, aussi bien sur les grands problèmes politiques que sur les points de détail.

Mais je dois vous dire très franchement aussi que sur nos travaux a plané un nuage, c'est-à-dire la possibilité concrète que dans notre pays puisse s'interrompre une période longue, fructueuse de stabilité politique. C'est grâce à cette stabilité que nous avons pu consolider de façon définitive l'assainissement des comptes publics, entamer une nouvelle politique étrangère et également faire en sorte que ces rapports d'amitié avec nos collègues existent. Et c'est grâce à cette stabilité que nous sommes entrés dans l'Europe de la monnaie unique. Donc, tout cela est un peu remis en cause et je le dis avec une certaine inquiétude parce que, à Florence encore une fois, nous avons touché du doigt l'ampleur des problèmes, l'ampleur des défis que nous devrons affronter et nous avons touché du doigt le fait que seule une grande Europe pourra affronter et vaincre ces défis. Et la France et l'Italie sont des charnières de l'Europe. Nous avons parlé de la crise financière internationale, de la crise du Kosovo et tous ces problèmes sont maintenant entre nos mains.

Ce préambule est peut-être un peu inhabituel pour une conférence de presse bilatérale mais il me semblait essentiel, c'est un devoir de franchise. Si nous voulons que l'Italie change de façon stable comme elle a commencé à le faire pendant cette période, nous devons nous habituer à suivre une règle claire qui est la règle des grandes démocraties modernes. C'est la règle du respect de la volonté des électeurs. Demain le Gouvernement se présentera devant le Parlement, demandera à sa majorité de juger le programme du Gouvernement et sa poursuite. Si nous obtenons la confiance nous continuerons notre action, dans le cas contraire, nous céderons le pouvoir.

Il y a un an déjà lors d'une autre rencontre italo-française, nous avions passé certaines journées de tension analogue. A l'époque la crise avait été surmontée et aujourd'hui il me semble encore incroyable que l'on puisse dire non à un programme que nous avons présenté, non à nos objectifs et au travail que nous nous sommes engagés à faire.

Je m'excuse auprès du Président, M. CHIRAC, et du Premier ministre, M. JOSPIN, d'avoir passé beaucoup de temps pour un problème de politique intérieure, mais cela me semblait opportun et même nécessaire.

Et maintenant, passons au très important résultat de cette rencontre au sommet.

Nous avons eu des entretiens qui ont souligné la très grande harmonie qui existe entre la France et l'Italie sur l'ensemble des problèmes et également sur les solutions prévues. Tout d'abord nous sommes tombés d'accord sur la nécessité de réformes des institutions financières internationales et sur une plus grande capacité dont devraient être dotés les gouvernements pour intervenir dans l'évolution de l'économie. Sur les aspects techniques, il y a eu différents points de vue qui ont été exprimés, mais la France et l'Italie considèrent que la situation financière internationale est grave ; qu'il est urgent que l'on intervienne pour que cette crise, qui est financière en grande partie et pas seulement partiellement économique, ne se transforme pas en une crise économique généralisée. Dans ce cas, le rôle que doit jouer l'Europe est fondamental et c'est pour cela qu'il faut renforcer les structures de l'Union européenne, car nous devons nous présenter avec des idées neuves et des positions fortes au prochain sommet de Pörtschach, autour duquel il existe encore quelques problèmes car on ne sait pas si le nouveau gouvernement allemand pourra assurer sa présence, présence nécessaire et indispensable pour un sommet de ce genre. Mais nous nous sommes préparés ensemble, dans le même sillage, et tant que l'Italie et la France pensent qu'il faut étendre le vote à la majorité, repondérer les voix au sein du Conseil selon les principes démocratiques du nombre des citoyens et des Etats membres. Donc, ayons bien à l'esprit ces deux problèmes ; et là aussi la France et l'Italie sont d'accord pour modifier la composition de la Commission, pour en augmenter l'efficacité et accentuer le caractère supranational.

Enfin, nous sommes convenus que celui que l'on appelle " M. PESC ", c'est-à-dire le responsable de la synthèse de la politique étrangère européenne, devra être une personne de haut niveau, qui puisse représenter l'Europe tout entière et, comme nous l'avons dit, qui puisse siéger avec autorité face aux interlocuteurs non-européens de quelque niveau qu'ils soient. Nous avons ensuite examiné les problèmes de la politique de défense, à travers la création de plus en plus rapide d'une industrie commune européenne des armements et la politique de sécurité de l’Union. Nous avons aussi examiné les problèmes de l'immigration, de l'asile, des filières de drogue, de la criminalité organisée et du terrorisme. Les progrès dans ces matières après les derniers accords européens ont été tout à fait remarquables.

Du côté français, il a été expressément demandé que les taux d'intérêt italiens et espagnols soient baissés, pour permettre de cette façon de réduire les taux moyens en Europe et aider de cette façon la reprise économique. J'ai vu avec grande satisfaction ce matin que la banque d'Espagne a adhéré à cette invitation, qui avait d'ailleurs été prônée récemment par la Banque fédérale allemande qui a baissé le taux d'intérêt de 4,75 à 3,75, ce qui facilite une baisse généralisée des taux en Europe.

Nous avons passé en revue tout ce qui concerne l’élargissement, je ne vais pas entrer trop dans les détails car il y a un accord total entre les vues françaises et les vues italiennes.

On a parlé des problèmes du travail et d’une relance de la reprise économique dans l’Europe tout entière. J’ai d’ailleurs à ce propos fait au Président de la République et au Premier ministre une proposition en vue d’une réflexion approfondie et opérationnelle concernant l’utilisation des réserves en devises et des excédents et les nécessités de la Banque centrale européenne. Il s’agit d’une initiative qui se situe dans le sillage de ce qui avait été appelé le plan Delors, par le biais de la création de réseaux d’interconnections et de grands investissements placés dans la recherche principalement. Bien sûr nous n’avons pris aucune décision en la matière, mais nous sommes tombés d’accord sur la nécessité que nos experts se réunissent au plus tôt pour débattre de cette initiative.

Et nous avons parlé de la situation du Kosovo. J’ai fait part du fait que toute action militaire doit trouver une légitimité au plan international dans le cadre d’une solution qui doit se baser sur le cadre de référence du Conseil de Sécurité. Mais nous ne sommes pas restés sans rien faire ces derniers jours. Nous nous sommes engagés ces derniers jours de façon parallèle, et pour l’avenir également, à exercer la plus forte pression possible sur toutes les parties qui sont en cause pour qu’elles acceptent une solution par le biais de la négociation, ce qui me semble tout à fait indispensable vu que la situation du Kosovo est arrivée à un niveau intolérable.

Sur la crise financière internationale, nous avons souligné la nécessité d’initiatives qui puissent faire retrouver la confiance dans le marché et d’ailleurs les ministres, M. STRAUSS-KAHN et son homologue, ont déjà discuté de cela à Washington et nous sommes tout à fait d’accord, comme je le disais en ouverture, pour examiner l’initiative de réforme du système financier international.

Enfin, au plan bilatéral, nous avons parlé des collaborations dans le domaine industriel. J’ai cité tout à l’heure les collaborations dans le domaine de la défense et nous avons confirmé de façon bilatérale la collaboration dans le domaine culturel. Le Vice-Président M. VELTRONI a illustré les initiatives les plus remarquables en la matière. La signature du protocole d’accord sur la mise en place d’une université italo-française est un exemple extraordinaire de cette collaboration. C’est, dirais-je, le premier exemple de ce genre d’initiative réalisée en Europe.

Nous avons ensuite débattu du problème de la politique des transports surtout en ce qui concerne les liaisons au-dessus de l’Arc Alpin. Les ministres de l’Environnement, qui ont dû malheureusement partir avant cette conférence de presse pour aller au Luxembourg, ont parlé des changements climatiques, des Bouches de Bonifacio, d’un échange concernant la création d’un parc marin international entre La Ligurie et la Corse, et ils ont discuté enfin de l’Espace Mont Blanc. Comme vous le voyez, c’est une analyse vraiment approfondie qui a abordé de façon très sérieuse et opérationnelle les problèmes qui nous concernent, concernent nos deux pays qui, parfois, ne nous trouvent pas tout à fait convergents.

Nous avons vu que les problèmes de l’agriculture ont été approfondis dans le domaine de l’Agenda 2000 sur lequel nous sommes d’accord pour ne pas dépasser 1,27 % du budget, jusqu’à l’an 2006. Mais nous devons encore peut-être préciser, peaufiner notre politique sur des thèmes spécifiques qui concernent surtout l’agriculture et tout particulièrement le problème du lait alors que dans d’autres secteurs comme celui de la viande, les possibilités d’accord sont beaucoup plus proches qu’elles ne l’étaient dans le passé.

Voilà j’ai essayé de vous brosser un tableau général, analytique de nos discussions qui, d’après nous, ont été vraiment extrêmement fructueuses.

le president

- Mesdames, Messieurs, je voudrais d’abord remercier nos hôtes pour un accueil particulièrement agréable, remercier les autorités gouvernementales, mais aussi les autorités régionales et municipales, en particulier M. le Maire de Florence qui nous a donné tout à l’heure une leçon d’histoire bien intéressante.

C’est vrai que nous sommes ici dans un haut lieu de l’Europe, de l’Europe de la culture, de l’Europe de l’économie, de l’Europe politique. Hier soir, nous dînions dans ce Palais Medici où Laurent Le Magnifique recevait Charles VIII de France, il y a cinq siècles. La ville de Florence a donné deux reines à notre pays. Cela crée des liens. Et puis, Florence n’est pas seulement un grand centre industriel, commercial, artistique, culturel, c’est aussi un centre d’humanisme. C’est au début du XIXe siècle que Florence a aboli la peine de mort. Et enfin, je trouve que c’est une ville dont l’histoire et la vie donnent une leçon de modestie aux hommes politiques, dans la mesure où les troubles politiques, qui n’ont pas épargné Florence dans son histoire bien entendu, n’ont jamais entravé l’essor économique et l’essor artistique de la ville. C’est d’ailleurs l’une des facettes fascinantes de l’Italie que cette constatation.

Nous avons donc tenu ici nos dix-huitièmes consultations. Le Premier ministre Romano PRODI a très justement évoqué l’ensemble des problèmes. Je dirai que l’essentiel réside dans la convergence de nos vues sur presque tous les sujets : sur le plan européen, nous sommes entièrement d’accord sur la vision de l’Europe de demain ; nous sommes d’accord sur la réforme institutionnelle indispensable pour progresser avec l’élargissement ; nous avons une même conception de la nécessaire identité de défense de l’Europe ; nous avons la même volonté d’anticiper sur la nécessaire restructuration de nos industries, notamment dans le domaine aéronautique et spatial, civil ou militaire. Nous avons, bien entendu, certains points de divergences. On les observe, en particulier, dans le domaine de la politique agricole commune, mais nous avons aussi la volonté de réduire ces divergences, c’est ce qui est clairement apparu à l’occasion de nos entretiens et de ceux des ministres. Nous avons une vue commune des grands problèmes internationaux. Je soulignais hier auprès du Président du Conseil des ministres la nécessité pour l’Italie et la France, la France et l’Italie, d’avoir une convergence mieux assurée dans le domaine de la politique étrangère et mondiale. Nous avons des raisons pour cela. Nous avons une responsabilité et une vocation communes en Europe. Nous avons une vocation particulière dans le domaine de la Méditerranée et la Méditerranée est aussi l’une des âmes de l’Europe. Nous avons des intérêts communs dans cette région des Balkans qui nous pose les problèmes que l’on sait. Nous devons donc renforcer notre relation en matière de politique étrangère sur tous les sujets du monde, de l’histoire contemporaine du monde. Nous l’avons fait sur la crise financière, sur laquelle nous avons là encore la même analyse, et nous avons étudié, notamment, les propositions faites par M. PRODI. Nous avons étudié de façon ouverte, et je dirai favorable, le problème urgent et grave du Kosovo.

Sur ce point, nous avons également une approche commune. Nous constatons d’abord qu’il y a au Kosovo une situation inacceptable, qui a trop duré et qui ne saurait continuer. C’est ce constat, d’ailleurs, qui a conduit le Conseil de Sécurité à adopter récemment une résolution -la résolution 1199-, une résolution qui doit être appliquée par les deux parties. Il faut en particulier que les forces serbes se retirent ; il faut que les combats cessent. Si tel n’était pas le cas, une intervention de l’OTAN deviendrait inévitable. L’heure d’une décision à ce sujet approche, nous le voyons bien. Je le dis avec force, les prochains jours seront décisifs. Une action militaire peut encore être évitée, il faut pour cela que le Président MILOSEVIC applique sans délai et sans réserve la résolution 1199. Aujourd’hui, le Conseil de Sécurité va étudier le rapport du Secrétaire général, Monsieur Kofi ANNAN, et réfléchir aux suites qu’il faut lui donner. Et je voudrais réintégrer cette crise particulière dans la conception générale qui est celle à la fois de l’Italie et de la France. Notre position de principe commune c’est que, je le rappelle, le Conseil de Sécurité, avant toute intervention militaire destinée à maintenir ou à imposer la paix, doit adopter une résolution autorisant cette intervention. Mais dans le cas particulier du Kosovo où une résolution sous chapitre 7 a déjà été adoptée, la résolution 1199, nous devons être très attentifs naturellement, -c’est notre vocation-, à l’aspect humanitaire des choses. Une situation humanitaire peut exiger une concertation très rapide et la mise en oeuvre de moyens destinés à répondre à une situation d’urgence, je dirais d’assistance à personne en danger.

Voilà pour les problèmes généraux. Nous avons naturellement évoqué aussi les problèmes bilatéraux. Je voudrais simplement évoquer la liaison Lyon-Turin pour laquelle nous avons un intérêt commun et qui, pour nous, est une priorité mais aussi ce par quoi nous avons terminé, c’est-à-dire la création de l’université franco-italienne. C’est un enjeu très important dans la mesure où l’Europe doit aujourd’hui s’intéresser davantage et promouvoir davantage les liens entre les hommes, et notamment entre les jeunes, et ne pas exclusivement concentrer son action sur les problèmes économiques, aussi importants soient-ils naturellement, ou monétaires, aussi importants soient-ils évidemment. Voilà les quelques réflexions que je voulais faire. Je conclus de cette dix-huitième réunion qu’il est dans la nature des choses de nous entendre, mais il est surtout de notre intérêt commun, et de l’intérêt de la construction européenne, que nous nous concertions en permanence, notamment sur les problèmes de politique étrangère et de sécurité, et que nous travaillons ensemble.

le premier ministre -

Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier ministre, Mesdames, Messieurs, j’ai peu de choses à rajouter. Je partage ce qui a été dit par le Président de la République française, en particulier sur le Kosovo. Si je voulais mettre en lumière quelques points, je dirais un mot de la crise économique et financière dont nous avons parlé assez longuement avec le Président PRODI, en dépit de l’absence du ministre de l’Economie et des Finances, retenu justement à Washington. C’est quelque chose d’un peu absurde qu’une crise financière puisse, si nous n’y veillons pas, passer dans la sphère de l’économie réelle et nous faire déboucher d’une crise spéculative et financière sur une crise économique, alors que les perspectives mondiales étaient différentes il y a encore quelques mois, et maintenant quelques semaines. J’approuve, entièrement, ce qui a été dit par Romano PRODI. La question de la stabilité politique dans les pays est une question tout à fait importante. Si l’on regarde le cas russe, si l’on regarde d’une autre façon le cas japonais, et même si l’on voit la situation aux États-Unis aujourd’hui, on comprend que les situations politiques existant dans les pays, la capacité à aborder directement les problèmes fait partie de cette crise financière et la capacité d’y répondre. Et de ce point de vue, la stabilité en Italie est un élément. Nous pensons que nous devons y répondre sur le plan national par des politiques de croissance, sur le plan européen puisque les Européens font l’essentiel des échanges entre eux, et sur le plan international. Et à cet égard, on le sait, le Gouvernement français et le Président de la République ont fait des propositions à l’Union européenne à travers un mémorandum. Nous avons examiné la proposition faite par le Premier ministre PRODI pour l’utilisation d’une partie des réserves de l’Union européenne à la suite de l’euro. Nos préoccupations sont la baisse des taux d’intérêt et d’éviter la surévaluation de l’euro par rapport au dollar et donc nous voulons que dans l’Union européenne on examine techniquement cette proposition, ses avantages, ses risques. Pour autant, tout ce qui ira dans le sens d’une croissance concertée au sein de l’Union européenne a notre appui. Nous avons assez longuement parlé, également, des coopérations industrielles bilatérales, en particulier dans le champ de l’aéronautique, et je me réjouis bien sûr de cette création d’une université franco-italienne hors les murs, qui s’inscrit, d’ailleurs, dans les démarches engagées par les ministres italien, français, anglais et allemand de l’Enseignement supérieur l’année dernière. Enfin, puisque le Président de la République avait commencé son propos en insistant sur l’importance et la richesse des biens historiques et culturels qui sont les nôtres, je voudrais terminer en m’inscrivant dans l’actualité immédiate et insister sur l’importance de l’Italie pour la France et pour le grand respect que nous avons pour son Gouvernement.

question -

Je voulais revenir sur le Kosovo. M. le Président, vous avez dit qu'une résolution avait été adoptée à l'ONU, il y a à peu près dix jours, sous chapitre 7, est-ce que cela signifie que, s'il fallait demain une intervention de l'OTAN au Kosovo, il n'y a pas besoin de nouvelle résolution ?

le president -

Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je vous ai dit que la France, comme l'Italie d'ailleurs, considère qu'une action militaire quelle qu'elle soit, doit être demandée et décidée par le Conseil de Sécurité. Dans le cas particulier, nous avons une résolution qui, certes, ouvre la voie à la possibilité d'une action militaire. J'ajoute que, et je le répète, la situation humanitaire constitue une raison qui peut justifier une exception à une règle si forte et ferme soit-elle. Et s'il apparaissait que la situation humanitaire l'exige, alors la France n'hésiterait pas à se joindre à ceux qui voudraient intervenir pour assister ceux qui sont en danger.

question -

Ne craignez-vous pas M. le Premier ministre que l'initiative de M. BERTINOTTI contre le gouvernement de M. PRODI puisse donner des idées à M. HUE qui, déjà dans les derniers temps, ne semblait pas trop tranquille ?

le premier ministre -

Il vaut mieux en matière politique, et M. PRODI l'a indiqué, fonder ses analyses sur des principes, des réalités, l'idée de stabilité plutôt que sur des spéculations. Par ailleurs, je fais rarement des commentaires sur la vie politique de mon pays à l'étranger et pas non plus sur la politique d'un pays ami comme l'Italie. Je crois que les situations sont différentes et je suis confiant sur l'issue de la situation qui est nouée en Italie et dont je ne vois pas les prémices dans mon pays.

question -

Pour M. JOSPIN. Vous avez évoqué la surévaluation de l'euro vis-à-vis du dollar, est-ce que vous dites que la proposition italienne sur les réserves aurait pour effet de faire surévaluer l'euro et quelles autres idées avez-vous évoquées ici, pour relancer la croissance en Europe, à part la politique monétaire ?

le premier ministre -

Je ne crois pas que la proposition de M. PRODI, même si elle parle des réserves, donc elle parle de la monnaie, ait exclusivement un caractère monétaire, puisque, au contraire, il s'agit par des mécanismes de transformation de financer des investissements dans le domaine des infrastructures ou dans le domaine des nouvelles technologies. J'ai dit que nous étions attachés à tout ce qui, en Europe, permettrait de consolider la croissance et de lutter contre le chômage. Et nous avons des raisons de penser, et nous en avons parlé avec Romano PRODI, que le changement politique en Allemagne permettra, à cet égard, des évolutions positives. Il y a, naturellement, bien des façons d'agir pour la croissance à un moment donné : politique nationale, coordination des politiques économiques, projets d'investissement en commun, façons d'aborder les problèmes de la stabilité. La proposition de Romano PRODI est une proposition intéressante. Elle est, pour nous, nouvelle. Nous pensons donc qu'il faut l'examiner dans le cadre de l’Union comme je l'ai dit tout à l'heure. Et donc je ne rattache pas telle ou telle préoccupation que j'ai exprimée à la proposition de Romano PRODI en tant que telle. J'ai simplement insisté, tout à l'heure, sur deux points essentiels pour l'Union européenne : l'idée que les taux d'intérêt doivent être aussi bas que possible dans la période actuelle, compte tenu de ce qu'est le taux d'inflation en Europe, en dessous de 1 %, et des risques de baisse de la croissance qui existe et, de ce point de vue, la décision de la banque d'Espagne est une bonne décision. J'ai compris que le Président PRODI l'ait considérée comme telle et nous souhaitons une baisse des taux d'intérêt et d'autre part, nous pensons effectivement, cela a toujours été l'approche du gouvernement français, qu'il n'est pas souhaitable que l'euro soit surévalué par rapport au dollar. Donc ces deux objectifs restent pour nous des objectifs essentiels et nous entendons y veiller, quelles que soient les propositions qui pourront être examinées entre pays de l'Union européenne. En tout cas cette proposition, dans la mesure où elle signifie volonté de dynamisme, de croissance, d'investissements dans l'avenir, est dans son esprit positive.

question -

M. PRODI, vous avez rappelé la nécessité de la stabilité dans notre pays, en Europe, avec tous les problèmes que cela comporte. De votre point de vue, en ce qui concerne la stabilité, vaut-il mieux gouverner avec une majorité très étroite que vous auriez, si vous surmontez la crise, ou bien avoir recours aux élections anticipées ?

m. romano prodi

- C'est évident, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, je n'ai pas décidé et je ne décide pas des élections anticipées. Ma tâche, c'est de donner la stabilité à notre pays et de mener de l'avant la majorité qui m'a élu le 20 avril 1996 de la manière la plus cohérente possible. Il y a encore une fenêtre ouverte avant ces élections et il est évident que nous allons dans ce sens.

question -

M. le Premier ministre JOSPIN, récemment le ministre des Finances italien a donné un entretien dans lequel il a souhaité que l'on soit un petit peu plus " relax " sur les critères de Maastricht, et notamment le critère du déficit, et que l'on ait la possibilité d'aller jusqu'à un déficit de 3 % pour se donner un peu plus d’oxygène en Europe pour financer la croissance, certaines propositions qui viennent évidement après l’élection de SCHRODER en Allemagne, on voit un axe un petit peu centre-gauche se créer dans les trois grandes puissances de l’euro. Je voulais savoir ce que vous pensiez de cette idée du ministre VISCO ?

le premier ministre -

Nous accordons la plus grande importance à ce que les autorités italiennes peuvent dire dans la situation actuelle. A cet égard, d’ailleurs, les spéculations qu’on a pu entendre sur le concept de triangle ne correspondent pas à l’approche du gouvernement français. Le projet de budget pour 1999 prévoit une décroissance du déficit budgétaire, et donc nous menons progressivement une politique d’assainissement dans le même temps où nous voulons contribuer à consolider la croissance en France dont les moteurs intérieurs se sont réveillés. Consommation plus forte d’une part, grâce à un certain retour de confiance et à des transferts de pouvoir d’achat vers les salariés, et puis redémarrage de l’investissement d’autre part. Nous pensons qu’il faut garder un équilibre entre cette politique volontariste destinée à soutenir la croissance, et en même temps la démonstration que nous continuons à faire de façon progressive les efforts d’assainissement et d’équilibre qui sont nécessaires. Voilà ce qui inspire donc la politique budgétaire et économique du Gouvernement pour l’année qui vient et quant à la politique italienne où les autorités italiennes en décident souverainement. Quant aux concertations au sein de l’Union européenne, elles ne doivent pas avoir pour objet de remettre en cause des décisions qui ont été prises antérieurement, mais elles doivent sans doute tenir compte de l’évolution de la conjoncture économique internationale et ce sont des débats que nous aurons avec nos partenaires et notamment avec nos nouveaux partenaires allemands.

le président

- Je voudrais rajouter une chose puisque les déficits publics ont été évoqués par l’intervenant. On voit bien que la crise aujourd’hui, dans le monde, dont l’Europe a été jusqu’ici -je dis bien jusqu’ici- à peu près protégée grâce, notamment, à sa politique de sagesse et de prévision, on voit bien que cette crise fait apparaître clairement que le moment n’est certainement pas favorable au laisser-aller.

m. prodi -

Je voulais conclure sur cela justement. Il faut qu’il soit bien clair, qu’il n’y ait pas de malentendus, que l’Italie maintienne rigoureusement les engagements qu’elle a pris, 2,6 % de déficit cette année, 2 % l’année prochaine et les années suivantes de la façon dont nous nous sommes engagés. Je suis tout à fait d’accord sur ce qui a été dit par Messieurs JOSPIN et CHIRAC. Notre politique qui a été l’objet de nos entretiens, une relance de l’Europe pour le développement du travail, et bien tout cela n’est possible que dans le respect rigoureux d’une discipline financière. Parce que si nous n’étions pas dans une situation d’inflation qui est celle que nous avons heureusement aujourd’hui, nous ne pourrions même pas penser à la relance qui a été l’engagement commun de nos entretiens. Nous pouvons faire cette relance, la mettre en oeuvre, seulement parce que justement il n’y a pas d’inflation en Europe, sinon nous ne pourrions absolument pas nous le permettre.

Donc, et je conclus cette conférence de presse de cette façon. Considérons la cohérence de ce qui a été dit de façon complète, la baisse des taux d’intérêt, parallèlement à une analyse d’instruments de développement qui ne concerne pas le déficit comme par exemple les réserves excédentaires dans une politique économique correcte et de taux bas pour que l’euro ne soit pas excessivement surévalué par rapport au dollar. Donc il y a une politique par laquelle, non seulement, le travail et le développement ont une priorité, parce que c’est une priorité qui est absolue, et je l’ai dit pendant ces derniers jours, le travail et donc l’emploi représente des objectifs et les piliers de notre collaboration, et bien sûr nous souhaitons que ce dialogue puisse très rapidement s’étendre à notre collègue allemand dès qu’il rentrera pleinement dans ses fonctions. Nous désirons fortement que cette politique puisse être discutée et adoptée au niveau européen.

Je vous remercie tous. Je remercie surtout Monsieur le Président CHIRAC et Monsieur le Premier ministre JOSPIN de la collaboration et de l’amitié qu’ils nous ont démontrées pendant ces deux journées et encore une fois vis-à-vis de notre pays.