Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la visite de la Grande chancellerie de la Légion d'honneur.
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Hôtel de Salms, Paris le mardi 7 novembre 1995
Monsieur le Grand chancelier,
Mon Général,
Mesdames, Messieurs les membres du Conseil de l'Ordre de la Légion d'honneur,
Madame, Messieurs les membres du Conseil de l'Ordre national du Mérite,
Je suis heureux de vous retrouver dans ces lieux prestigieux où j'ai tenu à venir présider aujourd'hui les travaux du Conseil de l'Ordre de la Légion d'honneur.
J'ai voulu montrer la considération que j'éprouve pour cette petite étoile blanche suspendue à un ruban rouge - une "couronne de laurier de rayons traversée" disait Victor HUGO - qui est sans aucun doute, depuis près de deux siècles, l'une des institutions les plus célèbres dans le monde et l'une des distinctions les plus recherchées.
Ma visite est également un hommage à l'Ordre national du Mérite, dont le ruban bleu récompense, depuis 1963, date de sa création par le Général de GAULLE, les services distingués rendus à notre pays.
J'ai tenu aussi à marquer toute l'estime que je porte aux membres des Conseils de nos Ordres nationaux et à leur exprimer mon estime devant la manière dont ils les administrent.
Vous avez évoqué, Monsieur le grand chancelier, l'importante charge de travail que représente, chaque année, l'examen de 14 000 dossiers.
Je sais les efforts de chacun de vous pour renforcer en permanence le prestige de ces ordres par le choix de celles et de ceux qui y sont nommés ou promus. C'est une action qui exige un suivi scrupuleux et une vigilance permanente. Vous vous en acquittez avec une conscience remarquable. Je vous en félicite et je tiens à vous exprimer ma reconnaissance.
Je suis également sensible à l'intention que vous avez exprimée, Monsieur le grand chancelier, de récompenser des secteurs dont les mérites ont été jusque-là un peu oubliés ou ignorés.
Vous respectez ainsi la vocation tracée en 1802 par le fondateur de l'Ordre de la Légion d'honneur - qui est de rassembler tous ceux et toutes celles dont les services éminents font la fierté de la France. Qu'ils soient "princes" ou "tambours", disait Napoléon, pourvu que leur énergie soit déployée pour le pays, sans pensée de lucre et d'intérêt, ils constituent une élite et leur exemple doit guider la nation.
Au regard de nos Ordres nationaux en effet, seule compte l'excellence. Ils sont ouverts - et c'est là une caractéristique inaltérable - à toutes les catégories socio-professionnelles, en dehors de tout préjugé de catégorie ou de caste, de toute ségrégation religieuse, raciale ou ethnique, et de toute distinction entre mérites civils et militaires : c'est, comme le disait THIERS, "le triomphe le plus éclatant de l'égalité même, non celle qui égalise les hommes en les abaissant, mais celle qui les égalise en les élevant".
Cette grande originalité de l'Ordre, expressément voulue par son fondateur, est sans doute la raison de son succès, de sa permanence et de sa résonance universelle. Elle explique aussi que la Légion d'honneur ait toujours reflété la physionomie de notre pays et son évolution.
Il est donc juste, il est même indispensable aujourd'hui, que soient spécialement distingués des secteurs vitaux pour l'avenir de la France.
Vous avez cité, Monsieur le grand chancelier, ceux de la haute technologie et des industries de pointe. La notoriété et la place économique de notre pays dans le monde reposent en effet sur leur excellence.
Vous avez évoqué aussi les métiers à travers lesquels s'exprime la solidarité, des métiers qui sont aujourd'hui essentiels au maintien de la cohésion nationale. Je veux parler des professions de santé mais aussi des bénévoles qui interviennent dans de nombreux domaines. Tous ont pour trait commun une conscience professionnelle, une disponibilité, un dévouement et une générosité qui s'expriment de façon souvent discrète, trop discrète peut-être dans notre société qui méritent d'être décelées et récompensées.
Je me réjouis tout particulièrement qu'un équilibre plus juste dans l'attribution de ces honneurs soit recherché au profit des femmes : leur place dans la société, la part de responsabilités qu'elles détiennent et leurs mérites, tout concourt à les distinguer.
Lorsque la Légion d'honneur, dans quelques années, célébrera son bicentenaire, ce sera une source de légitime fierté pour les membres des Conseils de nos Ordres nationaux que de s'être attachés à effacer une disparité qui donne une fausse image de notre société et des forces vives qui la composent. Cette part nouvelle accordée aux femmes, une part plus équitable et plus conforme à leur rôle, contribuera aussi, j'en suis persuadé, à rehausser la signification de nos distinctions, ainsi que le prestige qui leur est attaché.
Vous avez d'ailleurs rappelé, Monsieur le grand chancelier, la considération qui entoure la Légion d'honneur dans le monde entier où notre Ordre peut se prévaloir d'avoir servi de modèle à de multiples distinctions. Je suis pour ma part favorable à toutes les initiatives susceptibles d'accroître son rayonnement à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières. Ce peut être par la création d'associations comme celle que vous projetez en Allemagne. Ce peut être aussi par l'excellente réputation dont bénéficie l'éducation dispensée aux demoiselles de la Légion d'honneur à la maison des Loges ou à Saint-Denis.
Et je n'oublie pas non plus les efforts qu'il vous faut poursuivre pour la conservation et la rénovation du patrimoine, afin que les maisons et le musée aient retrouvé toute leur splendeur pour l'année 2002, où sera célébré le bicentenaire de la Légion d'honneur.
Voilà, Monsieur le grand chancelier, Mesdames et Messieurs, de lourdes responsabilités qui vous sont confiées. Je sais combien elles vous tiennent à coeur. Je sais aussi que vous en êtes éminemment dignes. C'est pourquoi je suis venu aujourd'hui vous exprimer en ma qualité de grand maître, ma sincère gratitude et l'assurance de ma parfaite considération.
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