ALLOCUTION PRONONCÉE PAR MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
A L'OCCASION DU DÉJEUNER
OFFERT EN SON HONNEUR PAR SON EXCELLENCE
MONSIEUR PETRU LUCINSCHI
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDAVIE
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MOLDAVIE
Chisinau - vendredi 4 septembre 1998
Monsieur le Président,
Notre rencontre, aujourd'hui, Monsieur le Président, nous souhaitons l'un et l'autre qu'elle marque un moment important, je dirais fondateur de nos relations. Il y a tout juste un an, c'est moi qui vous accueillais à Paris. Je me souviens de la cordialité de nos entretiens, de notre large échange de vues et de la convergence de nos préoccupations et de nos analyses. Nous sommes alors convenus de nous revoir vite. Et me voilà, Monsieur le Président, votre hôte, celui de cette belle ville et de votre magnifique pays.
Il y a un an, vous et moi pensions déjà que Moldaves et Français devaient aller plus loin et plus vite. Le fait est, qu'en un an, nos relations ont progressé à grands pas.
Notre dialogue politique d'abord. Nos gouvernements multiplient rencontres et réunions et ils explorent ensemble les voies d'une coopération étroite dans les domaines agricole, industriel, commercial et dans le secteur de la sécurité.
Ce sont ensuite nos relations culturelles, exceptionnellement denses et fortes. Par-delà les distances, par-delà le rideau de fer qui déchira notre continent, Moldaves et Français sont restés proches. Ils le sont restés en esprit, par la culture et par la langue. Il est émouvant pour un Français de découvrir votre pays, d'y rencontrer des femmes et des hommes généreux, hospitaliers et qui aiment la France et la langue française.
Ce lien puissant, notre grande famille francophone, réunie au Sommet de Hanoi, en novembre dernier, l'a consacré, Monsieur le Premier Ministre s'en souvient, en accueillant la Moldavie. Elle répondait ainsi à une aspiration ancienne et profonde de vos compatriotes qui, en choisissant massivement le français, en ont fait la première langue étrangère enseignée chez vous. En nous rejoignant, vous avez, d'une certaine manière, souhaité retrouver les vôtres, vivre cette fraternité qui nous unit, car la francophonie, c'est d'abord une affaire de coeur. Et vous avez voulu prendre votre part de ce grand combat, pour la richesse et la diversité culturelles du monde de demain.
Les institutions de la francophonie ont engagé avec vous une coopération qui s'inscrit dans la durée. Sept filières universitaires francophones ont ainsi vu le jour, avec l'appui de l'Agence universitaire francophone. Et vos grandes bibliothèques bénéficient d'importants concours de l'Agence de la Francophonie et de l'AIMF et je suis heureux ici de saluer le Maire de Chisinau.
La coopération culturelle, scientifique et technique entre nos deux pays n'a cessé, elle aussi, de se renforcer. Une demande s'exprime ici. Et nous allons nous efforcer d'y répondre amicalement. Ainsi, et grâce à votre aide, nous avons doublé les locaux de l'Alliance française de Chisinau, victime, en quelque sorte, de son succès. Et l'Alliance est également présente dans huit de vos villes de province. M. le Président, je vous remercie de l'aide que votre gouvernement apporte à notre Alliance.
Sur ce capital inestimable de sympathie et d'amitié, Moldaves et Français doivent bâtir une relation ambitieuse.
La France, si vous le souhaitez, accompagnera la modernisation et le développement de votre économie. Elle n'est encore qu'un partenaire commercial trop modeste de votre pays mais nos entreprises sont prêtes à s'engager davantage.
Déjà, la France arrive au premier rang des investisseurs étrangers en Moldavie. Et nos sociétés se mobilisent pour participer à de grands projets, qu'il s'agisse des télécommunications, de l'énergie, nous avons parlé de tout cela tout à l'heure, M. le Président, de la construction et des travaux publics, de l'eau, de l'agriculture, domaines où la compétence de nos entreprises est reconnue. Elles veulent prendre part à la privatisation de votre économie. Leur technologie, leur expérience sont à votre disposition pour peu qu'elles trouvent chez vous l'environnement et la stabilité qui leur sont nécessaires. J'ai la conviction que cette volonté de travailler ensemble nous permettra de surmonter les ultimes obstacles.
Au-delà, d'autres questions nous appellent.
C'est la paix et la sécurité en Europe. La Moldavie affirme aujourd'hui son indépendance et son identité. Elle peut compter sur l'appui de la France. Notre solidarité s'est exprimée dans les enceintes internationales, en particulier à Vienne, dans le cadre de l'OSCE.
Et la France soutient la pleine intégration de la Moldavie dans la nouvelle architecture de sécurité européenne. Attachée à la paix, la Moldavie a su dénouer, avec ses voisins, les liens complexes et tendus de l'Histoire. Aujourd'hui, nous soutenons vos efforts pour trouver une solution politique au conflit transdnistrien. Et nous souhaitons, pour cette région, un statut de large autonomie qui préserve l'intégrité territoriale et l'unité de la Moldavie.
Nous approuvons votre volonté de vous rapprocher de l'Union européenne. C'est le sens de vos réformes. Bâtir l'Etat de droit et la démocratie, rénover, moderniser l'appareil économique, l'ouvrir aux lois du marché, rétablir les grands équilibres. Il s'agit de répondre aux attentes des Moldaves. Il s'agit de donner toutes ses chances à votre nation et de lui permettre de réussir, en tant que pays européen, dans la grande compétition mondiale.
Il y a plus d'un siècle déjà, le grand écrivain et homme politique Vasile Alecsandri, affirmait, et je le cite : " Trop longtemps, les nations occidentales d'origine latine ont vécu sans même songer qu'elles avaient, aux marches de l'Europe, aux portes de l'Orient, des millions de frères ". Jamais dans l'Histoire, les peuples d'Europe, que plus rien ne sépare et qui sont d'accord sur l'essentiel : la démocratie, la paix, n'eurent autant de raisons de se retrouver. Parmi ces nations, il y a la Moldavie et la France que tout pousse l'une vers l'autre. Je suis heureux, Monsieur le Président, que ma visite aujourd'hui répondant à celle que vous avez bien voulu me faire il y a un an marque les retrouvailles de nos deux pays qui partagent beaucoup de valeurs et une même ambition en Europe.
Et pour sceller notre entente, Monsieur le Président et avant votre prochaine visite à Paris, qui précédera ma prochaine visite à Chisinau, je voudrais maintenant lever mon verre. Je le lève en l'honneur de mon ami, Monsieur Petru Lucinschi, Président de la République de Moldavie. Je le lève en l'honneur des hautes personnalités moldaves et françaises qui nous entourent amicalement aujourd'hui. Je le lève, M. le Président et cher Ami, au bonheur et à la prospérité du peuple moldave, ami du peuple français. |