Extraits de l'iInterview accordée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à "BBC NEWSNIGHT"

QUESTION - Vous avez, Monsieur le Président, toujours estimé que la guerre en Irak était illégale. Diriez-vous maintenant que cela a été un échec ?

LE PRESIDENT - Vous savez, j'ai eu dès le départ une position simple : je pense que le droit d'ingérence est un droit qui doit être reconnu, mais qui ne peut s'exercer que dans le cadre d'une décision internationale, qui aujourd'hui relève naturellement de l'ONU. Cela n'a pas été le cas et je l'ai regretté. J'ai pensé dès le départ que ce serait une opération longue, difficile et hasardeuse. Je n'ai pas changé d'avis, même si je souhaite de tout coeur que la dernière résolution de l'ONU pour sortir de la crise et restaurer en Irak la paix et la démocratie soit effectivement une réussite. La France est associée d'ailleurs, elle a voté la résolution et est associée à l'effort dans ce sens. Enfin, je reconnais que les objectifs me paraissent encore difficiles à atteindre.

QUESTION - M. le Président, pensez-vous que le monde soit plus sûr maintenant qu'on n'a plus Saddam Hussein, comme l'a répété à maintes reprises le Président Bush, ou au contraire que c'est un monde plus dangereux pour les Français et pour d'autres peuples de par le monde ?

LE PRESIDENT - Sur la personnalité de Saddam Hussein, je n'ai naturellement pas de divergence de vues, notamment avec nos amis britanniques. Il était nécessaire d'agir pour mettre un terme à l'action d'un homme qui était, au fil des ans, devenu au sens propre du terme, un tyran. Les conséquences, tant sur le peuple irakien que sur le plan international, sont plus difficiles à apprécier. Est-ce que le monde est plus sûr ? Je n'en suis pas certain dans la mesure où, certes le départ de Saddam Hussein a été quelque chose de positif, mais qu'il a aussi généré des réactions, des mobilisations de la part d'un certain nombre de pays ou d'hommes et de femmes en terre d'Islam, qui ont rendu le monde plus dangereux. Il est certain que nous voyons bien une augmentation du terrorisme, qui trouve l'une de ses origines dans la situation en Irak. Donc je ne suis pas sûr que l'on puisse dire que le monde soit plus sûr.

QUESTION - Alors, est-ce que cela ne vous préoccupe pas que sur cette grande question de notre époque, la France soit perçue par certains, dont le Premier ministre Allaoui, comme une simple spectatrice en quelque sorte, des événements en Irak, et non pas en tant que pays participant à ce qui s'y passe?

LE PRESIDENT - J'ai naturellement entendu le Premier ministre Allaoui évoquer quelques critiques à l'égard de la position de la France, c'est son droit le plus strict. Je veux simplement vous rappeler que la France a voté la résolution des Nations Unies et qu'elle est prête à participer à tout ce qui pourra rendre à l'Irak sa souveraineté et, je l'espère, ses capacités de développement. Et nous serons présents dans ce domaine : nous le serons pour la formation des moyens policiers et militaires dont un Etat a besoin. Nous le serons sur le plan des dettes de l'Irak dans des limites raisonnables et qui puissent être acceptables, en particulier, pour les pays les plus pauvres et endettés. Nous le serons pour faciliter les choses au nouveau gouvernement irakien. C'est d'ailleurs la position que nous prendrons à Charm-el-Cheikh, dans quelques jours, à l'occasion de la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de la région et des pays du G8.