MESSAGE

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

AUX PARTICIPANTS À LA 14e CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LE SIDA

LU PAR MONSIEUR JEAN-FRANÇOIS MATTEI MINISTRE DE LA SANTÉ, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPÉES

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PALAIS DE L'ÉLYSÉE

MARDI 9 JUILLET 2002

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Année après année le SIDA continue sa terrible progression.

Depuis plus de vingt ans, il frappe l'Europe de l'ouest et l'Amérique et son emprise continue à s'étendre. Il décime l'Afrique où les morts se comptent par millions. Sa progression fulgurante atteint l'Europe de l'est et l'Asie où l'on découvre avec effroi les proportions qu'il pourrait prendre.

Cette épidémie rejoint dans l'histoire le terrible souvenir de la peste ou du choléra. Aux innombrables tragédies humaines qu'elle engendre s'ajoute son impact démographique et économique. L'espérance de vie a diminué de quinze ans dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne. La maladie ébranle les systèmes de santé, les politiques d'éducation, les stratégies de développement, l'action pour l'éradication de la pauvreté.

J'ai souhaité m'adresser à vous toutes et à vous tous pour vous dire ma conviction. Malgré ces perspectives effrayantes, nous avons les moyens d'endiguer le fléau par une stratégie solidaire, autour de quatre actions essentielles et interdépendantes : la recherche, la prévention, l'accès aux soins et les ressources.

La recherche d'abord, parce que c'est elle qui est porteuse d'espoir. Grâce aux efforts des chercheurs, nous avançons vers la mise au point d'un vaccin. Cette perspective reste lointaine, mais elle nous stimule.

En attendant, il est de notre devoir impérieux de traiter celles et ceux qui sont ou seront infectés. D'où l'importance de la recherche sur les traitements, de l'encouragement à la découverte de molécules et de thérapies nouvelles.

Deuxième action, la prévention. Grâce à elle, la progression de l'épidémie peut être maîtrisée. Et en l'absence de vaccin ou de traitement totalement efficace, elle demeure la seule réponse sûre au risque d'infection. Elle passe par l'éducation et l'information, y compris par des campagnes ciblées en direction des jeunes, scolarisés ou non, des femmes et des personnes particulièrement exposées. Elle doit s'accompagner d'une politique pragmatique de réduction des risques, de diffusion du préservatif et d'un effort particulier contre la transmission du virus de la mère à l'enfant, où tant de progrès prometteurs ont été accomplis. La mobilisation internationale dans ce domaine doit être encouragée.

Pourtant, ne nous voilons pas la face : chacun sait que la prévention perd de son efficacité sans perspective d'accès aux soins. Actuellement, un millième à peine des personnes infectées en Afrique est traité. C'est inacceptable. Ceux qui soutiennent que l'accès aux traitements n'est pas efficace n'ont pas seulement une position moralement insoutenable. Ils profèrent une contre-vérité que je dénonce vigoureusement.

Oui, les prix des médicaments peuvent encore baisser pourvu que les entreprises, les laboratoires et les pouvoirs publics fassent leur devoir.

Oui, les traitements sont efficaces dans les pays pauvres, pourvu que soient mises au point des mesures d'accompagnement appropriées.

Et les dommages infligés aux pays qui n'ont pas les moyens de soigner leurs populations ne sauraient être comparés au coût des traitements.

Une nouvelle fois, je le dis solennellement : refuser aux populations pauvres l'accès aux soins, c'est être coupables de non assistance à populations en danger à l'égard des 70 millions de femmes et d'hommes qui risquent de mourir du SIDA dans les vingt prochaines années. Notre époque en porterait la terrible responsabilité devant l'histoire.

Dernière action enfin, les ressources. La création du Fonds mondial contre le SIDA est porteuse d'espoir. Pour moi, qui défend cette idée depuis 1997, elle est un réconfort particulier. Le Fonds a su se mettre en place avec une rapidité exemplaire. D'ores et déjà il a engagé des projets pour près de huit cent millions de dollars.

Mais il faut aller plus loin. Je veillerai personnellement à ce que la coopération française consacre plus de moyens à la lutte contre le SIDA. Je veillerai personnellement à ce que les discussions en cours au sein de l'Organisation mondiale du commerce sur le lien entre la propriété intellectuelle et l'accès aux médicaments soient conformes à la promesse de Doha : les pays pauvres doivent avoir accès aux médicaments à des prix conformes à leur pouvoir d'achat. Il faut rapidement leur faciliter l'accès aux médicaments génériques, notamment en Afrique. * * * Je voudrais enfin rendre hommage à toutes celles et à tous ceux que concerne le SIDA. Aux médecins, aux chercheurs et aux personnels soignants qui apportent aux malades l'espoir et les soins.

Aux institutions nationales, aux organisations internationales, aux militantes et aux militants du monde associatif qui se dépensent sans compter pour mobiliser la société et les pouvoirs publics contre le fléau.

Aux malades eux-mêmes, premières victimes de cette tragédie, combattants en première ligne, avec lesquels nous finiront par vaincre le fléau.

Hommage aux enfants. À celles et ceux qui naissent infectés. Aux orphelins du SIDA. À ces millions d'enfants dont la vie est mutilée avant même d'avoir vraiment commencé, et dont le courage nous donne une leçon d'humanité.

C'est au nom des malades, de leurs familles et de leurs proches, au nom des enfants, au nom du devoir d'humanité que le combat contre le SIDA doit nous rassembler.

Je souhaite que votre rencontre fasse entendre ce message de solidarité. Je souhaite que vos travaux fassent naître de nouveaux espoirs.

Je vous remercie.