ALLOCUTION DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
A L'OCCASION DE LA CLOTURE DU MOIS
DE LA QUALITE FRANÇAISE
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Palais de l'Elysée - jeudi 4 mars 1999
Monsieur le Ministre,
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
Je suis naturellement très heureux de vous accueillir, une nouvelle fois comme vous l'avez souligné, chère Présidente, à l'Elysée à l'occasion de la remise du prix français de la Qualité.
Je voudrais tout d'abord adresser mes plus vives félicitations aux entreprises et établissements lauréats. Vous représentez, Mesdames et Messieurs, chacun dans votre domaine, un exemple de dynamisme et de créativité. La démarche de la qualité inspire, c'est vrai, déjà beaucoup d'acteurs de l'économie française. Je souhaite que la rigueur de votre approche et aussi votre souci d'excellence fassent école.
Cette cérémonie est pour moi l'occasion de marquer à nouveau l'importance, que -comme vous- j'attache à la promotion de la qualité. Cela vaut pour le secteur public, où de nombreux gisements d'efficience restent à exploiter, autant que pour le secteur privé. A l'heure de l'euro, il s'agit là d'un enjeu essentiel pour notre pays. C'est dans la qualité des produits, des biens et des services que se trouve la clé de notre prospérité pour les décennies à venir.
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L'euro désormais une réalité. En entrant dans l'ère de la monnaie unique le 1er janvier 1999, nous avons franchi une étape décisive dans cette aventure collective que représente la construction européenne. Le passage à l'euro constitue un événement riche de promesses -je crois- pour notre pays.
Mais c'est aussi un formidable défi à relever. Si nous voulons en tirer tous les bénéfices escomptés, nous devrons nous montrer combatifs. Car l'arrivée de l'euro est synonyme, naturellement, de concurrence, de compétition accrues.
Les consommateurs vont se trouver face à une offre démultipliée de biens et de services. Ils pourront immédiatement comparer le niveau des prix d'un pays à l'autre et choisir les produits les plus performants pour le meilleur prix.
A cela s'ajoute le formidable développement des réseaux de communication. Il est aujourd'hui possible, grâce au réseau Internet, de commander en temps réel des produits fabriqués à des milliers de kilomètres de distance. Il s'agit là d'une véritable révolution qui bouleverse les filières de distribution traditionnelles et modifie en profondeur les relations entre clients et fournisseurs.
A l'heure actuelle, l'impact du commerce électronique en France reste encore limité, puisque le montant des échanges effectués sur le réseau Internet n'a pas dépassé 3 milliards de Francs en 1998. Mais le nombre de ces transactions est appelé -si j'ose dire- à exploser, comme en témoigne l'exemple du marché américain.
Avènement de la monnaie unique, essor des nouvelles technologies de l'information. La compétition des entreprises et des territoires en Europe est commencée. Elle va redoubler d'intensité dans les années à venir. Nous devons nous y préparer. De formidables énergies sont déjà à l'oeuvre pour nous y conduire. Le rôle des responsables politiques est de les aider à s'épanouir pour que cet avenir d'innovation, de création et de conquêtes économiques s'accomplisse au mieux de nos intérêts.
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Dans ce contexte, la démarche qualité revêt une importance nouvelle et de plus en plus grande. Ce qui fera la différence, ce n'est pas tant le niveau des prix que la qualité. Qualité des produits. Qualité des services offerts aux clients. Qualité des hommes.
Fort de l'impulsion donnée par le Mouvement français pour la qualité, notre pays a d'ores et déjà accompli de sérieux progrès. La certification se développe rapidement et touche un nombre toujours plus important d'entreprises et de produits.
Mais il faut désormais passer à la vitesse supérieure. Les lauréats du prix de la Qualité sont là pour en témoigner : la qualité, ce n'est pas seulement l'excellence des produits et des techniques. C'est en réalité une démarche plus ambitieuse qui vise à concilier les attentes des consommateurs, les aspirations des salariés et les exigences des actionnaires pour assurer le développement harmonieux de l'entreprise.
La démarche qualité associe ainsi trois partenaires qui ont chacun leur logique. Elle ne les entraîne pas dans un jeu à somme nulle, dans lequel ce qui est donné à l'un est pris aux autres. Mais dans un jeu à somme positive, dans lequel chacune des parties prenantes de l'entreprise peut être gagnante.
Il s'agit d'un processus exigeant, d'un processus de longue haleine. Il nécessite une réflexion concertée sur le fonctionnement, l'organisation et les objectifs de l'entreprise. Il exige que la modernisation soit conduite dans le dialogue social qui, de plus en plus, apparaît comme une condition essentielle de la cohésion de l'entreprise et de sa réussite.
Chacun des partenaires peut y trouver son compte.
Les clients, tout d'abord. La remise à plat des circuits de production permet de mieux s'adapter à la demande des consommateurs, d'offrir des services plus personnalisés, de réduire les délais de livraison.
La démarche qualité profite aussi aux salariés. Elle se traduit souvent par une amélioration de leurs conditions de travail. Celle-ci peut prendre des formes diverses. Tantôt elle passera par un enrichissement du contenu des tâches, tantôt par un aménagement des horaires, tantôt par une amélioration des qualifications ou par une évolution de carrière plus rapide.
Les possibilités sont multiples. Chaque entreprise doit pouvoir choisir librement, en accord avec ses salariés, la voie qui lui convient le mieux, en fonction de sa taille et de son secteur d'activité.
Les actionnaires, enfin, ont tout à y gagner car la qualité, c'est l'amélioration des performances et de la rentabilité. Elle garantit aux actionnaires une meilleure rémunération du capital investi.
Elément essentiel de la compétitivité des entreprises et du développement économique, la démarche qualité ne doit pas être limitée au secteur marchand. Je l'ai dit, elle a également toute sa place dans le secteur public.
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Dans une Europe ouverte, le secteur public ne saurait rester à l'écart des grandes évolutions de notre temps. Revenant aux sources du service public, il doit constamment s'interroger sur la réponse qu'il apporte aux besoins de nos concitoyens. Une adaptation permanente aux exigences de l'intérêt général est son premier devoir. La place particulière que la Nation lui reconnaît dépend aussi de sa capacité à se réformer, à rechercher toujours plus d'efficacité, un meilleur service, au moindre coût pour le contribuable. Une administration se doit d'offrir à ses usagers, comme une entreprise à ses clients, des services faciles d'accès, efficaces et rapides. L'Etat et les collectivités publiques ont tout à gagner à s'engager dans l'amélioration de leur productivité et dans une démarche de qualité.
Certains l'ont déjà fait et je me réjouis, Madame la Présidente, de constater que figurent cette année encore parmi les lauréats des prix nationaux et régionaux de la Qualité des administrations et des établissements publics. C'était également le cas lors des années précédentes.
Même si les résultats obtenus sont encourageants, cela, il faut le dire, reste encore insuffisant. Il faut que toutes les administrations, sans exception, réfléchissent à leurs missions et aux moyens d'améliorer leurs prestations.
Il faut en particulier qu'elles s'efforcent de mieux connaître leurs " clients " pour mieux les servir. Ces " clients ", ces usagers sont très divers. Ils sont parfois démunis face à la complexité et à la lenteur des procédures administratives. Il faut donc que les services publics aillent davantage au devant des attentes de nos concitoyens, deviennent plus accessibles, plus efficaces dans le traitement des dossiers et peut-être et surtout plus attentifs aux usagers.
Dans ce domaine également, l'apport des nouvelles technologies de l'information ouvre des voies prometteuses. A condition de veiller à ce que les services en réseau ne dressent pas une nouvelle barrière entre les administrations et une partie des usagers, ceux qui ne maîtrisent pas encore ces nouveaux outils. Ils deviendront -au fil des ans- de moins en moins nombreux.
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Monsieur le Ministre,
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
Au cours des prochaines décennies, le développement de l'emploi sur le continent européen sera directement lié à nos performances dans les domaines de l'innovation, de la création d'activités nouvelles, de la maîtrise des technologies de l'information. Dans la nouvelle compétition mondiale qui s'affirme, les chances ou la chance de l'Europe sera d'être le continent de l'initiative, de l'intelligence et de l'imagination, c'est-à-dire le continent de la qualité.
Nous devons être capables de proposer toujours plus de services et de produits à forte valeur ajoutée pour ne pas voir nos capitaux et nos emplois se déplacer progressivement vers d'autres continents où le coût du travail est beaucoup plus faible. C'est en relevant le défi de la qualité et de l'innovation que l'Europe sera pleinement créatrice de richesses et d'emplois sur son propre sol.
Par votre engagement au service de l'entreprise et de la qualité, vous oeuvrez tous et toutes pour cet avenir qui, vous le prouvez tous les jours, nous est grand ouvert. Il revient à chaque Français de le saisir et aux responsables économiques et politiques d'y contribuer en regardant lucidement notre monde en mouvement, en développant nos chances et en comblant nos faiblesses et en dénouant enfin et surtout tous les noeuds qui nous empêchent d'avancer.
Le changement inquiète parfois. Mais, dans un monde en plein changement, seul le mouvement protège.
Tous, ici, vous l'avez compris, et c'est d'abord pour cela que vous avez été distingués.
Je vous en félicite et je vous en remercie. |