Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Boris ELTSINE, Président de la Fédération de Russie.
Palais de l'Elysée, Samedi 21 octobre 1995
M. ELTSINE: - Messieurs les journalistes, Mesdames et Messieurs, tout d'abord je voudrais exprimer ma profonde satisfaction de ce que, en dehors du calendrier, sur la demande du Président de la République française, Jacques Chirac, je suis venu pour vingt-quatre heures ici avant de me rendre à New York au cinquantenaire de l'Organisation des Nations Unies, et y rencontrer Bill Clinton. Je dois vous dire qu'hier, et pendant une demi-journée, et aujourd'hui pendant une autre demi-journée, et bien ces heures que nous avons passées ensemble ont été fructueuses. Nous n'avons pas abordé de problèmes secondaires, on appelle ces réunions, des réunions de travail, mais nous avons abordé des problèmes globaux, nous avons parlé des problèmes de la sécurité en Europe à moyen terme et nous avons parlé de la sécurité globale pour le XXe siècle.
Quelles sont nos pensées en la matière ? Eh bien nous avons confronté nos points de vue et je dois dire, de même que pour les autres questions, je peux dire avec satisfaction que nos opinions convergent s'agissant des affaires internationales, s'agissant de nos approches internationales, quant à ces problèmes différents, et il en va de même pour la Bosnie. Je remercie Monsieur le Président, je remercie tous ceux qui ont participé à la préparation de cette visite, je les remercie pour les conditions remarquables de travail qui ont été créées et pour le repos qui m'a été accordé cette nuit.
LE PRESIDENT: Mesdames et Messieurs les représentants de la presse et notamment de la presse russe qui accompagnent le Président, Boris Eltsine a dit l'essentiel. Nous avons examiné les problèmes à la fois du monde et de l'Europe, notamment en matière de sécurité, les problèmes concernant bien entendu l'ex-Yougoslavie, les problèmes touchant au désarmement, les problèmes économiques et financiers. Nous avons enfin parlé des problèmes bilatéraux, et tout cela nous a permis de constater qu'il y avait une grande convergence de vues, et nous avons l'intention de renforcer nos relations, nos échanges de vues, notre dialogue, de façon à participer pleinement à la construction de cet ensemble du monde et de l'Europe de demain.
Je voulais aussi dire au Président Eltsine que j'avais parfaitement conscience que la Russie était une très grande nation. Que les Russes étaient un très grand peuple, fort d'une longue histoire, d'une brillante civilisation, d'une forte culture et quels que soient les aléas du moment, la Russie est, et reste, un élément essentiel de l'équilibre du monde. Ceux qui ne s'en rendraient pas compte feraient une grave et dangereuse erreur.
Maintenant s'il y a quelques questions, je crois que le Président souhaite que ce soit assez bref parce qu'il doit partir le plus rapidement à New York, et il est déjà en retard.
QUESTION: D'après ce qu'a dit votre porte-parole, au cours des négociations hier et aujourd'hui on a examiné de façon détaillée le problème de sécurité européenne, notamment on a parlé d'un conseil de sécurité européen. Pourriez-vous de façon plus détaillée, nous parler de ce thème et nous dire quel conseil on pourrait créer ? Je vous remercie.
M. ELTSINE: Oui, naturellement nous avons parlé de façon assez détaillée de ce thème, car le thème de la sécurité en Europe, au XXIe siècle nous préoccupe, mais ce problème est si complexe que nous sommes convenus de créer une commission conjointe sur l'élaboration d'une conception commune de sécurité en Europe pour l'avenir stratégique. Voilà tout ce que je peux vous dire, rien de plus.
QUESTION: Question qui s'adresse à la fois au Président Eltsine et au Président Chirac : jusqu'où et dans quelle mesure envisagez-vous que soit admissible l'extension de l'OTAN aux pays d'Europe centrale et aux Pays baltes ?
LE PRESIDENT: C'est un point qui a fait l'objet d'une divergence de vues entre les Etats-Unis et la Russie et qui doit donc être approfondi. Je comprends très bien la volonté d'un certain nombre de pays européens de s'amarrer si j'ose dire, de s'ancrer à un système de sécurité. Il faut également comprendre les réserves de la Russie, et donc dans cette affaire, je crois que nous devons avoir une véritable concertation entre les principales parties intéressées, notamment bien entendu les Européens, les Américains, avec les Russes, de façon à pouvoir arrêter définitivement un système qui soit acceptable par tous et qui donne la sécurité à chacun.
M. ELTSINE: .- Je voudrais compléter quelque peu notre position avec le Président Chirac, qui converge quant à notre approche de cette question, mais il y a d'autres pays. Nous devons essayer lui et moi de convaincre les autres pays, et en premier lieu Bill Clinton. Jacques Chirac a l'intention de lui parler, de le voir, de lui écrire. Ils se sont déjà vus, et moi, après mon intervention à l'ONU, nous sommes convenus de consacrer toute une journée à une réunion avec le Président des Etats-Unis et nous allons examiner cette question ; elle occupera la première place, et une fois que nous nous serons mis d'accord, eh bien, nous vous dirons, à vous journalistes, la décision adoptée.
QUESTION: Vous venez de dire que vous avez examiné de façon détaillée la question de la Bosnie. Pourriez-vous élargir la réponse à ce problème grave en Europe ?
M. ELTSINE: .- J'ai déjà dit que nous, tous les deux, nous nous sommes mis d'accord, mais maintenant, publier notre opinion sans connaître l'opinion des Etats-Unis, de MM. Major, et Kohl, ce ne serait pas éthique. C'est pourquoi nous allons nous rencontrer là-bas, nous allons nous mettre d'accord entre nous, et je pense que nous trouverons un point de vue de compromis parce que ne pas trouver ce point de vue, c'est impossible. Nous sommes contraints en tant que leaders des grands pays du monde de dénouer ce noeud, et nous saurons le dénouer.
LE PRESIDENT: Sur ce point la position russe et la position française sont parfaitement convergentes.
Une dernière question pour un Français ...
QUESTION: Je voulais savoir, toujours sur la Bosnie, sur le problème de la participation russe, est-ce que sur ce point particulier, vous pourriez toutefois nous donner quelques éléments de la participation militaire russe à une force internationale de paix en Bosnie ? Est-ce que les propositions du Président Chirac de la France sur une sorte d'inclusion des forces russes dans un cadre français vous paraissent satisfaisantes, est-ce que vous avez d'autres propositions ?
LE PRESIDENT: Mes propositions ne sont pas celles-là. Ma proposition, c'est que la Russie, évidemment, ne peut pas être absente du système mis en place pour assurer l'application du plan de paix. Donc il faut qu'elle ait sa part de responsabilité, ce qui pose un problème de commandement, compte tenu de l'existence de l'OTAN, et donc il faut qu'il y ait entre l'OTAN et les autorités russes, un accord sur les modalités d'un commandement pour ce qui sera, je pense ou je l'espère, la zone de responsabilité russe ; il faut, pour simplifier, qu'il y ait un accord de commandement entre le général commandant l'OTAN et le général commandant les troupes russes.
M. ELTSINE: - Bien sûr, les troupes russes participeront, mais pas sous commandement de l'OTAN. C'est-à-dire que les troupes russes auront leur propre commandement, mais il est évident qu'il y aura une coordination comme vient de le dire M. le Président de la République française, et il y aura une coopération pour que tout marche bien, que tout fonctionne. Voilà je vous remercie, Mesdames et Messieurs. Je vous remercie. Nous nous sommes mis d'accord. C'était clair et bref.
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