MESSAGE

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC

PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

ADRESSE AUX PARTICIPANTS DU WORLD SYMPOSIUM

ON NETWORK MEDIA

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FUTUROSCOPE DE POITIERS

MARDI 29 FEVRIER 2000

Monsieur le Président, Messieurs les ministres, Mesdames, messieurs,

C'est avec grand plaisir que j'adresse aujourd'hui, pour la deuxième année consécutive, un message aux participants du Symposium Mondial des Technologies de l'Information qui doit au dynamisme et à l'esprit d'initiative de M. Bertrand SCHNEIDER, avec le soutien actif de l'Unesco et de la Commission Européenne, de rassembler aujourd'hui des penseurs et des acteurs venus du monde entier pour réfléchir à l'émergence de la société de l'information à l'échelle planétaire.

De tels forums de discussion sont nécessaires aux responsables économiques, sociaux et politiques. Ils leur permettent de prendre le temps de la réflexion, d'analyser et d'anticiper les grandes évolutions de notre temps pour pouvoir conduire le changement de manière à ce qu'il puisse bénéficier à tous.

Je suis heureux que cette rencontre d'experts des cinq continents se tienne en France, dans ce lieu symbolique du Futuroscope de Poitiers, sous l'ombre tutélaire de M. René MONORY dont l'esprit visionnaire a tant contribué à la modernisation de sa région.

Cette année, vous avez choisi d'étudier et de débattre des transformations qu'entraîne la diffusion des progrès des technologies de l'information sur l'économie mondiale, ce que l'on nomme "la nouvelle économie".

Nous vivons en effet une période de mutation accélérée de notre structure économique qui touche le secteur de l'industrie comme celui des services. C'est une période dérangeante, comme toutes les périodes de mouvement. Une période exaltante, riche de promesses, d'emplois nouveaux, de prospérité retrouvée mais aussi une période d'incertitude pour ceux, territoires, populations, qui redoutent de rester au bord du chemin du progrès.

L'effort d'adaptation est considérable. Il faut repenser nos méthodes, nos règles, nos concepts, promouvoir de nouvelles valeurs. Il faut accepter de prendre des risques dans un environnement moins assuré qu'autrefois. Il faut fixer des objectifs ambitieux, que ce soit pour les entreprises ou pour les Etats.

Si nous voulons que la nouvelle économie profite à tous, nous devons conjuguer nos efforts dans trois directions : l'éducation, le soutien à l'innovation, la recherche d'un développement équilibré des territoires.

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L'éducation d'abord. Dans une économie fondée sur la connaissance et le savoir, les enjeux de l'éducation sont cruciaux pour les nations, les entreprises et les citoyens.

Par delà l'effort primordial qui doit être fait sur les apprentissages fondamentaux, c'est tout notre système éducatif qui doit rapidement s'adapter aux exigences de la nouvelle économie. Aujourd'hui, plus que jamais, pour une Nation, pour une entreprise, il n'est de richesse que d'hommes. Chaque personne a de la valeur, des capacités, des talents. Notre mission collective est de lui permettre de les développer.

Il faut familiariser les enfants à l'ordinateur dès l'école primaire. Ouvrir aux jeunes de nouvelles filières scolaires et universitaires dans le domaine des nouvelles technologies à tous les niveaux de qualification car, dans ces secteurs, nous connaîtrons une pénurie croissante de travailleurs qualifiés. Offrir aux adultes un droit personnel à la formation tout au long de la vie, qui leur permette de s'adapter au rythme accéléré du progrès.

C'est par l'éducation que se forge désormais la compétitivité d'une économie.

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Le soutien à l'innovation ensuite. Il nous faut mener désormais une politique volontariste de soutien à la recherche et aux entreprises innovantes afin de construire une France et une Europe dynamiques, créatives, réactives, capables de faire la course en tête dans l'économie de demain. C'est la raison pour laquelle la France a vivement appuyé l'idée de réunir à Lisbonne, en mars prochain, un Conseil européen extraordinaire consacré à la réforme économique, à l'emploi et à l'innovation. J'y défendrai une stratégie européenne ambitieuse au service de la nouvelle économie. Car je souhaite un engagement collectif en faveur de la modernisation et de la rénovation de l'Europe économique et sociale.

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La recherche d'un développement équilibré des territoires enfin. Loin de constituer un média planétaire, l'Internet reste aujourd'hui un outil de transmission de l'information et de création de valeur réservé aux pays occidentaux.

Selon le dernier rapport du PNUD, plus que 9 internautes sur 10 résident dans les pays de l'OCDE, qui pourtant ne regroupent pas le cinquième de la population mondiale.

Ce "fossé numérique", qui se creuse entre ceux qui ont accès aux nouvelles technologies de l'information et ceux qui ne l'ont pas, constitue une véritable menace pour la cohésion sociale des Etats, mais aussi pour les grands équilibres mondiaux.

C'est pourquoi au sein des instances internationales, et particulièrement de l'ONU, la France continuera de faire entendre sa voie pour que l'essor de la nouvelle économie, respectant les principes de diversité et d'équité, puisse constituer un bienfait pour le plus grand nombre.

Ainsi vos travaux se situent-ils au coeur même des grandes questions de notre temps. Les résultats de vos réflexions seront précieux à tous les responsables qui s'interrogent aujourd'hui sur les progrès de la société de l'information.

Je vous adresse tous mes encouragements pour vos débats à venir.

Je vous remercie.