Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, en l'honneur de la communauté française de Tunisie.
Tunis, (Tunisie), le jeudi 5 octobre 1995
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Madame et Messieurs les ministres,
Monsieur l'Ambassadeur, que je tiens à remercier ainsi que son épouse pour cet accueil chaleureux, auquel nous sommes sensibles, chère Madame,
Messieurs les délégués du CSFE,
Mesdames et Messieurs, mes chers compatriotes,
En venant en Tunisie, j'ai voulu apporter le témoignage fort de l'amitié de la France, amitié traditionnelle et renouvelée à la Tunisie. J'ai voulu voir les progrès accomplis par ce pays si proche, si exemplaire à bien des titres dans sa diversité et aussi dans son ouverture au monde.
J'ai voulu répondre à l'invitation que le président Ben Ali a bien voulu m'adresser dès mon élection. J'ai voulu redire l'importance que la France attache à la stabilité au Maghreb et à ses relations avec la Tunisie, qui joue un rôle capital dans cette région du monde.
Et ici, dans cette belle maison de France, avec à mes côtés, mon ami Philippe Séguin, président de l'Assemblée nationale, né à Tunis et symbole même des affinités anciennes et fortes entre la France et la Tunisie, avec les membres du gouvernement, je suis venu adresser à tous, un message d'amitié et de confiance, un message d'amitié de la France à la Tunisie, un message d'amitié des Français de la France aux Français de Tunisie.
Certains, parmi vous, ont été déjà ici avant 1957, ils ont accompagné l'essor des relations entre nos deux pays. D'autres se sont intégrés à la Tunisie d'une autre manière, par une filiation ou par un choix de coeur. D'autres, enfin, y font un séjour plus court au service d'une entreprise ou d'une administration.
Mais tous, par votre présence, chacune et chacun d'entre vous, vous incarnez la France. Par votre travail, vous concourez à la construction d'une Tunisie moderne, de la Tunisie de demain. Par vos activités, vous contribuez à l'établissement du bilinguisme et du biculturalisme, qui sont pour la Tunisie une vraie richesse. Vous êtes les témoins et les acteurs privilégiés de ce que je souhaite être une grande coopération, celle qui existe entre nos deux grandes nations.
La Tunisie et la France entrent, aujourd'hui, dans une nouvelle phase de leur relation : je le souhaite.
La Tunisie, la première, a signé, le 17 juillet dernier, un accord de partenariat d'une nouvelle génération avec l'Union européenne. Ce faisant, elle s'est délibérément tournée vers l'avenir. La France l'a encouragée à faire ce choix courageux et visionnaire qui représente, c'est vrai, un vrai défi. Mais je suis convaincu que la Tunisie, forte de ses atouts, saura relever ce défi en accomplissant les réformes nécessaires.
La France entend accompagner l'oeuvre accomplie ici pour que se prolonge le "miracle tunisien", en adaptant les modalités de sa coopération à la nouvelle situation. Nous avons décidé cette année un effort exceptionnel en faveur de notre coopération avec la Tunisie et ceci pour combattre les effets de la sécheresse et aussi pour encourager à la modernisation des entreprises.
Nous avons également sensiblement progressé ces derniers temps, ces dernières semaines, dans le domaine du "contentieux immobilier", grâce aux instructions personnelles données par le président Ben Ali. Nous espérons encore de nouveaux progrès pour tous les dossiers en souffrance, dossiers qui conduisent parfois nos compatriotes, parmi les plus âgés ou les moins jeunes, à désespérer de leur avenir.
J'entends aussi que le rayonnement francophone puisse se poursuivre. Tout récemment, nous avons signé avec les autorités tunisiennes un accord qui permettra de prolonger la diffusion sur le réseau hertzien de France 2 sur le territoire tunisien. Très bientôt, la ville de Tunis disposera d'un espace culturel français. Ce lieu de culture assurera dans ce pays francophone la diffusion de la langue et de la culture françaises. Il sera construit dans les locaux du petit lycée, ex-lycée Carnot, au coeur de Tunis. Il illustrera notre volonté de renforcer notre présence culturelle en Tunisie.
Mes entretiens avec le président tunisien ont été marqués comme de coutume par des sentiments de confiance et d'amitié, par un esprit de coopération. Le président m'a redit son souhait de voir la France investir davantage, être toujours plus présente, établir de nouveaux partenariats avec la Tunisie. Et je lui ai répondu que tel était bien notre volonté.
Permettez-moi, mes chers compatriotes, d'évoquer pour conclure en un mot la situation de notre pays qui, je le sais, vous concerne et vous intéresse tous.
Comme la Tunisie, la France a une longue histoire. Une histoire qui ne lui a épargné ni les remous, ni les fractures. Mais une histoire riche, belle, une histoire qui atteste que, toujours la volonté, est un chemin.
Souvent au fil des siècles, la France a connu des moments où l'évolution des choses requérait d'elle un sursaut, un dépassement. Eh bien, une fois de plus, tel est le cas aujourd'hui.
Les déficits, l'endettement public constituent un fardeau insupportable pour notre société, pour notre économie, et surtout pour les plus faibles, les plus démunis de nos compatriotes qui paient en résultat cher les conséquences d'un certain laxisme dans nos gestions passées. Il faut réduire ces déficits, retrouver les indispensables marges de manoeuvre, préserver notre monnaie et poursuivre la construction de l'Europe. C'est ainsi que nous retrouverons les voies du progrès social et de la croissance économique. C'est ainsi que nous ferons de la France un grand pays moderne et solidaire.
Un sursaut, un dépassement : c'est ce à quoi j'appelle les Français. Nous devons tous ensemble nous mobiliser pour renforcer la cohésion de notre pays, réduire la fracture sociale, développer l'emploi, servir l'idéal républicain. J'ai été élu président de la République pour mener ce combat, et c'est ce combat que je mènerai avec vous.
Ne doutez pas de ma détermination. Je ne méconnais pas les difficultés, je sais qu'il faut du temps - et plus que du temps, du caractère - pour infléchir les tendances. Mais j'ai le temps et j'aurai le caractère. Je maintiendrai le cap et je tiendrai mes engagements.
L'avenir, mes chers compatriotes, est entre nos mains. Il est affaire de volonté et de détermination. La France est sur la bonne voie, ici, à Tunis, où la France a laissé tant d'elle-même et tant des siens, comme nous l'avons vu tout à l'heure, où elle a aujourd'hui tant d'amis. Je vous appelle à la confiance et à l'action. Ainsi, tous ensemble, nous pourrons donner le meilleur de nous-mêmes. C'est ce dont la France a besoin.
Mes chers compatriotes, sachez que je compte sur vous, à votre place, dans vos différentes activités, pour contribuer à la grandeur et au rayonnement de notre pays.
Vive la Tunisie, vive l'amitié franco-tunisienne et vive la France.
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