LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Paris, le 8 mars 2001
Monsieur le rédacteur en chef,
Au nom de la revue " l'Ecologiste ", vous avez bien voulu m'interroger sur les suites que la France entend donner au processus de lutte contre le changement climatique. Je vous en remercie.
Maîtriser le réchauffement climatique constitue une priorité absolue. Je me suis rendu à La Haye en décembre dernier pour affirmer l'urgence de ce combat. La publication cette semaine du troisième rapport général du Groupe International pour l'Etude des Climats confirme ce que l'on pressentait depuis quelques années : le réchauffement est une réalité ; il est engagé ; ses effets risquent d'être dévastateurs. La question pour nous n'est plus de l'éviter, mais de le contenir et de nous adapter à ses conséquences.
La conférence de La Haye a échoué. Il faut en tirer les leçons, car je ne vois pas d'alternative au processus international engagé dans le cadre de la Convention sur la lutte contre le changement climatique et de son protocole d'application.
L'échec a d'abord et avant tout pour origine les réticences de quelques grands pays industrialisés à s'engager dans des politiques volontaires et contrôlées de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. S'agissant de pays démocratiques, cela signifie que l'opinion publique n'y a pas encore pris conscience de l'ampleur du phénomène. Il est donc urgent que toutes les associations qui luttent pour la protection de l'environnement, que tous les scientifiques se mobilisent pour convaincre les populations de ces pays. C'est ainsi que leurs gouvernements et leurs Parlements se rallieront à l'approche du Protocole de Kyoto. Pour ma part, comme je le fais depuis cinq ans, je continuerai à saisir chaque occasion pour aborder cette question avec mes homologues, en particulier ceux du G8.
Un effort est également nécessaire pour associer les pays en développement. Il ne saurait être question, à ce stade, qu'ils s'engagent sur des objectifs quantifiés. Mais ils doivent pouvoir participer pleinement à l'élaboration des mécanismes de mise en oeuvre de la Convention car ils en seront, dans quelque temps, pleinement partie prenante. Ils doivent être incités à s'engager d'ores et déjà dans des politiques de " développement propre ". Ils doivent être aidés à s'adapter aux conséquences du réchauffement. Le Président de la Conférence de La Haye a fait sur ces sujets des propositions généreuses et inédites qui méritent tout le soutien de l'Union européenne, au nom de la nécessaire solidarité.
Dans les prochaines semaines, les négociations reprendront. L'Union européenne devra continuer à travailler à l'établissement d'un compromis satisfaisant pour tous, mais crédible sur le plan environnemental, de sorte que le Protocole de Kyoto puisse entrer en vigueur dès l'année prochaine.
Aux termes de ce texte, les pays industrialisés devront avoir réduit leurs émissions de 5,2% en 2008-2012 par rapport à 1990. Compte tenu de l'augmentation qui a eu lieu au cours des dix dernières années, cela constitue un véritable retournement des tendances actuelles. C'est dire s'il faudra pour y parvenir une volonté politique forte et des instruments puissants. Ainsi, la mise en oeuvre effective du Protocole de Kyoto, bien qu'insuffisante dans l'absolu pour enrayer le changement climatique, aboutira à une rupture profonde et salutaire pour nos économies et l'environnement.
Pour ma part, je suis convaincu que nous pouvons réussir. En juillet prochain aura lieu la reprise plénière de la conférence de La Haye, qui coïncidera avec le Sommet des huit Chefs d'Etat et de Gouvernement des pays les plus industrialisés à Gênes. Je ne ménagerai aucun effort pour que nous aboutissions. Et j'appelle tous ceux qui se sont engagés dans la lutte contre le changement climatique à maintenir leur mobilisation.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Rédacteur en Chef, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Jacques CHIRAC
Monsieur Thierry JACCAUD
Rédacteur en chef - L'Ecologiste
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