Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant l'Assemblée de la province du nord de la Nouvelle-Calédonie.
Kone (Nouvelle-Calédonie) le vendredi 25 juillet 2003.
Madame la Ministre, Monsieur le Président de la Province Nord,
Monsieur le Président de la Province Sud,
Monsieur le Président du Gouvernement,
Monsieur le Président du Congrès,
Mesdames et Messieurs les élus Messieurs lest représentants des autorités coutumières,
Mesdames, Messieurs,
Merci pour l'accueil Monsieur le Président que vous me réservez ici. J'y suis très sensible et je suis particulièrement heureux de pouvoir saluer aujourd'hui à la fois les élus et la population de la Province Nord.
Les gestes coutumiers que nous venons d'effectuer témoignent de l'importance que tous nous attachons à cette rencontre. Dans la tradition mélanésienne, ils illustrent le rôle essentiel de l'accueil et du dialogue, du respect mutuel. Ce sont des valeurs fortes, qui transcendent toutes les barrières entre les civilisations.
Quinze ans après les Accords de Matignon, cette étape dans la Province du Nord est pour moi un moment riche de significations.
C'est d'abord l'occasion de témoigner la sympathie de tous les Français à leurs compatriotes meurtris vous l'avez évoqué tout à l'heure, Monsieur le Président, par le passage du cyclone ERIKA. Vous avez ici fait face à cette épreuve avec un très grand courage et une très grande dignité. L'Etat s'est attaché à mettre en oeuvre toutes les ressources de la solidarité nationale, comme il était normal et comme c'était son devoir. Je salue, après vous, l'action de l'armée et des forces de la sécurité civile, qui ont réagi très rapidement et ont effectué, avec les élus immédiatement mobilisés, et tous les habitants qui ont tous participé, un travail remarquable de solidarité et d'entraide.
Au-delà de ces événements récents, la rencontre d'aujourd'hui permet de mesurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie. C'est un grand chemin parcouru, depuis l'époque des déchirements et des affrontements entre communautés auxquelles vous faisiez tout à l'heure allusion, Monsieur le Président !
Je n'oublie pas que nous devons cette paix au courage et à la détermination d'hommes de bonne volonté. Le climat qui règne aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie, les perspectives qui s'ouvrent devant nous, sont le fruit de leur ténacité et parfois, hélas, de leur sacrifice. Je salue, chacun le comprendra, la mémoire de Jean-Marie TJIBAOU, disparu tragiquement. Son engagement pour la paix et son message de dialogue sont toujours présents dans nos coeurs. J'associe bien sûr à cet hommage mon ami Jacques LAFLEUR, sans qui les Accords qui ont ramené la paix en Nouvelle-Calédonie n'auraient pas été possibles.
Cette réconciliation doit vivre et s'approfondir dans une concertation permanente. Je sais, Monsieur le Président de la Province Nord, cher Paul NEAOUTYINE, la part importante que vous prenez à ces échanges dans la tradition de dialogue et de respect de l'autre qui est la vôtre. Je sais la volonté exigeante et constructive que vous y apportez. Vous l'avez encore montrée récemment en dirigeant la délégation du FLNKS au Comité des signataires.
La poignée de main que nous avons tous en mémoire, vous l'avez renouvelée, le 17 juin, ici, à KONÉ, lors de cette réunion qui s'est tenue à l'initiative de Brigitte GIRARDIN. Ce dialogue retrouvé, ce lien renoué, montrent que l'esprit de conciliation est toujours à l'oeuvre, qu'il dépasse les incompréhensions, les critiques ou les tensions.
Personne n'a jamais pensé que la voie tracée serait facile. Mais ce que nous savons, c'est que cette voie, celle du dialogue et celle de la paix, est la seule possible, et que nous ne devons pas en dévier. Il faut surmonter les obstacles et aller de l'avant. C'est l'intérêt de tous, c'est l'intérêt de la Nouvelle-Calédonie.
Hier, au centre TJIBAOU, nous avons entendu les jeunes. Il faut être attentif à leurs démarches et à leurs demandes, à leurs besoins et à leurs attentes. Nous ne pouvons pas, face à cette jeunesse, nous contenter des rancoeurs du passé :
- les jeunes calédoniens veulent à l'évidence une paix durable,
- ils veulent un pays fraternel,
- ils veulent le progrès économique et social, l'amélioration de leur situation et l'accès aux responsabilités qui supposent la formation, le développement, et le rééquilibrage.
Nous avons entendu ce message, porté avec force et avec générosité.
Cette volonté de paix et de développement est aussi celle du Nord. Tous les témoignages montrent qu'il y a ici une forte aspiration à un progrès que vous avez qualifié, Monsieur le Président, du nom et mot de rééquilibrage. Dans ce mot, nous devons mettre une exigence de justice, une aspiration au développement, et une volonté d'aménagement du territoire qui, au lieu de subir la tendance naturelle à l'exode de la population, doit mettre tout en oeuvre pour développer les richesses de la Province.
Pour répondre à cette attente, il faut poursuivre le dialogue avec la volonté de parvenir à des solutions équilibrées.
Ce souci d'équité et d'équilibre vaut d'abord pour les questions institutionnelles. Vous avez rappelé l'importance que vous y attachez, Monsieur le Président de la Province Nord. Il est essentiel de continuer le travail qui a été entrepris depuis l'Accord de Nouméa, en tenant compte de l'opinion de tous les Calédoniens, mais aussi de l'équilibre politique du territoire. Pour mener à bien ce travail, il ne suffira pas, comme on l'entend parfois, de convoquer le Congrès à Versailles. Ce n'est pas si simple et nous devons éviter tout effet d'annonce, si nous voulons aboutir sur un sujet juridiquement complexe et politiquement sensible et nous devons trouver une solution qui soit admise, acceptée par chacun.
Les institutions issues de l'Accord de Nouméa sont à l'évidence le fruit d'un compromis. Il faut les faire vivre, en s'attachant à lever les ambiguïtés qui peuvent encore peser sur leur fonctionnement. Vous en avez discuté, Monsieur le Président, avec la ministre de l'Outre-Mer, et nous allons ensemble poursuivre dans cette voie que vous avez ouverte au sein du Comité des signataires.
Vous aurez devant vous s'agissant de l'Etat, des interlocuteurs ouverts et décidés à tout faire pour que les problèmes se règlent dans le dialogue, dans la concertation et surtout dans le respect de chacun.
Je ne saurais oublier les paroles que vous avez échangées, Monsieur le Président, avec Jacques LAFLEUR et qui, vous l'avez dit, doivent être comprises. Ni chez lui, ni chez vous, il n'y a eu de remise en cause des engagements durables que vous assumez.
La qualité du dialogue et l'esprit de responsabilité de chacun ont permis de progresser sur le chemin du consensus retrouvé. L'Etat, je le répète, ne se dérobera pas et en tirera toutes les conséquences, le moment venu.
Le même souci d'équilibre doit nous guider en matière de développement économique et notamment en ce qui concerne les investissements miniers.
L'Etat considère que la réalisation du projet du Nord est une priorité absolue pour le rééquilibrage et le développement de la Nouvelle-Calédonie et il fera tout pour que ce projet réussisse.
C'est dans cet esprit que j'aborderai la réunion qui s'ouvrira tout à l'heure, Monsieur le Président. Elle permettra de faire le point sur les projets métallurgiques qui vont beaucoup transformer l'économie de votre territoire dans les prochaines années. Je voudrais souligner le consensus qui se réalise autour de ces projets industriels et saluer tout particulièrement le travail de réflexion et de planification urbaine qui se fait ici pour anticiper les effets sociologiques, économiques et démographiques du grand projet du Nord. L'Etat accompagnera bien sûr les communes dans ce travail de préparation de l'avenir.
Le Gouvernement a engagé une grande mission d'expertise en vue de réunir toutes les conditions pour la réussite du projet « KONIAMBO », en prenant en compte les accords de Bercy. Il ne s'agit pas pour l'Etat de se substituer à l'industriel dans sa responsabilité économique, mais d'apporter tous les concours nécessaires à son succès. Car le projet du Nord est indispensable à un aménagement équilibré du territoire calédonien.
Les moyens de poursuivre cette politique d'aménagement du territoire sont nombreux. Ils doivent être tous mobilisés. Je pense aux contrats de développement, dont les taux de participation de l'Etat sont plus élevés dans cette Province, et qui ont permis la réalisation de belles infrastructures routières reliant les côtes Ouest et Est du Nord, avec l'opération « Cadres-Avenir », qui permet de préparer l'avenir aux responsabilités d'une génération plus nombreuse de cadres mélanésiens, effort qui doit être souligné mais qui reste encore tout à fait insuffisant, par rapport aux ambitions légitimes et aux besoins de ces jeunes, qui doivent faire l'objet de nouvelles et importantes initiatives pour assumer leur formation, de façon à ce qu'ils soient en mesure, demain, étant formés, non seulement de trouver les emplois auxquels ils peuvent prétendre, mais également de participer à ce rééquilibrage et au développement économique souhaité ici par tous..
Pour compléter cette politique, nous devons renforcer l'enseignement du second degré et en particulier le second cycle, vous l'avez évoqué Monsieur le Président. Le Gouvernement s'attachera à accompagner l'évolution des besoins en matière scolaire dans la Province Nord. Cette politique se traduira, dans un premier temps, par l'adjonction de sections d'enseignement général et technique au lycée de Koné Poembout. La construction d'un nouveau lycée auquel vous faisiez tout à l'heure allusion, Monsieur le Président, fera l'objet d'une étude intégrant les conséquences de l'installation de l'usine du Nord, cela va de soit.
Au-delà des investissements miniers, et probablement aussi permis par l'impact et l'impulsion donnés par ces investissements miniers, le développement économique passe par la mise en oeuvre de politiques diversifiées. Je salue l'action que vous menez, Monsieur le Président, pour développer le tourisme et la pêche.
L'aquaculture de la crevette que vous évoquiez tout à l'heure, mise au point par les instituts de recherche, est également une réalité aujourd'hui. Le colloque qui s'est conclu récemment ici à KONÉ a montré le potentiel que recèle cette activité.
Vous disposerez bientôt, dans votre Province, d'un laboratoire réunissant d'importants moyens de recherche appliquée. Le Nord s'affirme ainsi, petit à petit, mais de plus en plus, comme un pôle de recherche pour l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie en matière d'aquaculture, d'agriculture et d'élevage. C'est une évolution positive, qui doit être poursuivie. Je sais Monsieur le Président que vous y êtes attentif.
Le développement économique dans lequel vous vous engagez doit naturellement aussi être un développement durable. Cela suppose de faire toute sa place au respect de l'environnement.
Les rivières, les récifs, les lagons, les villages constituent une richesse exceptionnelle pour la Nouvelle-Calédonie. Nous devons la transmettre intacte aux générations futures. Nous avons pour cela des connaissances et aussi des moyens. Nous partageons le même objectif. L'Etat apportera son concours à cette entreprise, notamment en veillant, dans le respect de vos compétences, cela va de soit, à tirer toutes les conséquences de la nouvelle charte de l'environnement qui sera adossée à notre Constitution.
Monsieur le Président de la Province Nord, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs,
Pour tous, pour le respect de celles et de ceux qui habitent ici, nous avons le devoir de faire fonctionner les institutions de la Nouvelle-Calédonie et de travailler à son développement économique dans un esprit d'équilibre, de dialogue et d'équité. La Province du Nord avec vous, Monsieur le Président, avec ses élus, avec vous toutes et vous tous, a choisi cette voie, je crois que c'est sans aucun doute, la plus conforme aux intérêts de la population, des jeunes et de l'avenir de la province et du territoire.. Vous pouvez compter, Monsieur le Président, sur l'Etat et sur mon engagement personnel pour vous accompagner dans cette démarche.
Je vous remercie. |