DISCOURS
DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
À L'OCCASION DE LA REMISE DE LA GALETTE DES ROIS PAR LA CONFÉDÉRATION NATIONALE DE LA BOULANGERIE
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PALAIS DE L'ÉLYSÉE
MARDI 9 JANVIER 2001
Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Présidents, Mesdemoiselles, Messieurs les Lauréats, Mes chers Amis
Je vous remercie tout d'abord chaleureusement de vos bons voeux, Monsieur le Président. Comme chaque année, ces voeux me touchent. Et je vous remercie aussi de la confiance que vous voulez bien me témoigner. J'y suis sensible.
Je suis très heureux de vous accueillir tous dans cette maison, qui est la maison de tous les Français et plus particulièrement la vôtre cet après-midi.
J'adresse à chacune et chacun d'entre vous mes voeux très sincères, très cordiaux pour cette nouvelle année, la première du siècle, et à travers vous à vos familles, à toutes celles et à tous ceux qui vous sont chers.
Voilà un nouveau millénaire qui s'ouvre pour les boulangers. Le millénaire, c'est une échelle de temps qui n'est pas incongrue pour une profession comme la vôtre, Monsieur le Président, qui a su traverser les âges en étant toujours aussi indispensable au quotidien, et aimée par les petits comme par les grands. Les archéologues ont en effet découvert que l'homme cuit des galettes depuis neuf mille ans. Si vous me permettez l'expression, la boulangerie, c'est une valeur sûre.
Je me réjouis de vous voir réunis pour cette cérémonie amicale autour de la galette. *** Permettez-moi, Cher Président, de saluer quelques uns de nos hôtes, autour de vous, vos adjoints, Gérard DELESSARD et Jean-Claude CHOQUET. Je salue aussi le Président de la Confédération nationale de la pâtisserie, François CARTRON et le Président de la Meunerie française, Paul COUESNON.
Je voudrais également saluer Madame Danielle HERBET, Déléguée nationale des boulangères et tous les Présidents de Fédérations départementales présents ce soir ainsi que les collaborateurs de votre confédération.
Je voudrais saluer et féliciter chaleureusement bien sûr, les lauréats, lauréats des concours des meilleurs jeunes boulangers et jeunes pâtissiers de France. À eux, ainsi qu'à tous les jeunes qui ont choisi ces beaux métiers, que vous incarnez, Monsieur le Président, ou qui se préparent à choisir ces métiers, je voudrais exprimer mes souhaits particuliers de réussite professionnelle, d'épanouissement et tout simplement de bonheur personnel.
J'adresse aussi mes voeux aux élèves de 6e et de 5e de la Maison de la Légion d'Honneur des Loges, c'est notre tradition, ainsi qu'aux jeunes filles de seconde de la Maison de Saint-Denis. Elles nous font le plaisir de se joindre, comme chaque année, à ce partage traditionnel de la galette des Rois. Et je salue également Madame la Surintendante des Maisons d'Education de la Légion d'Honneur et ses collaboratrices ainsi que les professeurs qui les accompagnent, et vous-même, mon Général, qui représentez le Grand Chancelier. *** Nous célébrons aujourd'hui une très ancienne coutume. Dans chaque famille de France, entre amis, entre collègues, on se réunit autour d'une galette pour la partager.
Je voudrais féliciter et remercier M. Rémy POTEY et tous ceux qui ont contribué à la fabrication de ces deux superbes, magnifiques galettes que vous avez apportées aujourd'hui. Après avoir fait briller nos yeux, elles réjouiront nos palais tout à l'heure.
Cette coutume vivante est pleine de sens. Elle symbolise le partage et l'amitié. Elle conforte les liens sociaux dont une société a besoin. Dans un monde globalisé, comme on dit aujourd'hu, où tout circule très vite, les hommes, les marchandises, l'information, il est précieux de pouvoir se retrouver autour d'éléments de stabilité et de repères. Le partage du pain incarne les valeurs fondatrices de notre société. Ce geste qui nous rassemble exprime notre vision humaniste de l'avenir à un moment où chacun prend conscience de la fragilité de notre environnement.
Le pain a toujours été considéré comme quelque chose de sacré. Il est le fruit de la coopération entre l'homme et la nature, du travail noble et du temps laissé au temps. Sa qualité est donc primordiale.
Les gens s'interrogent de plus en plus sur la façon dont est fabriqué ce qu'ils mangent. S'agissant du pain, vous l'avez évoqué tout à l'heure, Monsieur le Président, la meilleure garantie, c'est de s'adresser à des professionnels qui maîtrisent leur processus de fabrication et leurs ingrédients. Et qui peuvent répondre directement aux questions de leurs clients, car ils les connaissent sans intermédiaire. Dans votre effort vers la qualité, vous avez avec vous tous les Français.
Je me réjouis, de ce fait, de la reconnaissance légale de la boulangerie que vous avez rappelée. C'était une revendication légitime qui reconnaît votre dynamisme et votre savoir-faire, mais c'était aussi un besoin dans le cadre de ce qu'exigent, à juste titre aujourd'hui, nos compatriotes en matière de qualité. Ils ne veulent pas être trompés. La France a le devoir de défendre ses boulangers.
Et ceux-ci le méritent. La qualité de notre pain contribue à la considération internationale pour la gastronomie française. Le pain français est extrêmement apprécié, chacun le sait, par nos visiteurs étrangers et, je le dis aux jeunes, le succès de nombreux boulangers français qui se sont expatriés un peu partout dans le monde témoignent de cet intérêt. Ce n'est pas qu'une simple curiosité pour l'une de nos coutumes locales de la part de touristes de passage. Le pain français participe de l'image et du prestige de notre pays. *** Je partage aussi, Monsieur le Président, vos soucis quand surgissent des freins à votre dynamisme.
Dans vos métiers, la question de la durée du travail se pose, de toute évidence, d'une manière tout à fait spécifique. Vous l'avez à l'instant évoqué, la qualité du pain dépend en particulier du temps mis pour le fabriquer. Votre mobilisation aux côtés des autres professions a déjà permis que soit différé au 1er janvier 2002 le passage aux 35 heures pour les petites entreprises. Je souhaite, pour l'avenir, que les conditions de la réduction du temps de travail soient revues pour tenir compte du caractère spécifique des petites entreprises pour en limiter le coût, pour éviter des obstacles à l'activité, ceux que vous avez évoqués ou d'autres et pour d'autres professions, chacune ayant sa spécificité. La réduction du temps de travail doit prendre en compte la réalité des choses. C'est pourquoi, des assouplissements sont indiscutablement indispensables.
Vous m'avez fait part aussi, Monsieur le Président, des difficultés de recrutement des jeunes. Presque toutes les professions artisanales sont concernées. L'image de ces professions n'est pas assez valorisée auprès des jeunes, à qui certains veulent faire croire que le travail peut-être sans contraintes et que l'argent peut être gagné sans effort. Les jeunes doivent retrouver les chemins du travail indépendant. Notre système d'orientation scolaire doit faire toute sa place aux métiers de l'artisan afin qu'ils soient mieux informés et afin de leur donner réellement le goût de ces métiers qui sont, s'il en est, des métiers nobles. Cette formation doit être suffisamment longue pour leur donner un véritable savoir-faire. Elle doit aussi se prolonger tout au long de la vie professionnelle de l'artisan-boulanger.
La boulangerie est un métier d'avenir chez nous comme à l'étranger. Vous devez être un exemple fort et rayonnant des joies et mérites d'un métier de service qui a su concilier remarquablement la tradition et la modernité.
Nous devons faire connaître les réussites de la profession. Et je me tourne, à nouveau, vers les jeunes lauréats des concours des meilleurs boulangers et pâtissiers. Ils sont l'illustration, de l'excellence de la profession dont ils sont aussi l'avenir. Et vous pouvez en être légitimement fiers.
Vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, j'ai dit mon souhait que 2001 soit pour la France une année utile, utile pour notre pays et pour les Français. Les artisans ont souhaité une loi d'orientation. J'ai plusieurs fois indiqué que j'y étais, pour ma part, très favorable. J'ai eu, à maintes reprises, l'occasion de m'en entretenir avec le Gouvernement. Il faudra néanmoins être très attentif à ce que cette loi n'ait pas pour effet de défavoriser les entreprises qui ont fait le choix de la qualité en maîtrisant la totalité de leur fabrication et en employant pour ce faire plus de salariés. Ce serait évidemment absurde.
Enfin, vous n'avez pas seulement un rôle économique, votre métier vous place en contact direct par définition avec vos clients. Vous instaurez avec eux un lien de confiance et de convivialité et vous avez un rôle irremplaçable de création de lien social, notamment dans le monde rural et dans les quartiers.
Vous savez qu'à la fin de l'année, enfin, nous changeons de monnaie pour faire entrer l'euro dans la vie quotidienne. Ceci va changer bien des habitudes pour nos concitoyens. Ils devront se créer de nouveaux repères de prix, apprendre à connaître les nouvelles pièces de monnaie. Tout cela ne va pas être facile. C'est un vrai souci pour beaucoup de Français. De par votre position exceptionnelle dans leur vie quotidienne de nos concitoyens, vous aurez un rôle pédagogique particulier à jouer pour vos clients. Et je sais que vous le ferez. La confiance que les Français, que vos clients vous accordent sera précieuse car vous les aiderez à s'habituer à notre nouvelle monnaie. Pendant une période de transition, nécessaire mais heureusement courte, les francs et les euros cohabiteront, ce qui ne nous facilitera pas la tâche, et à vous non plus. Je sais que vous vous y préparez dès maintenant, et je vous remercie par avance, au nom de tous nos concitoyens, de ce que vous ferez pour, dans cette circonstance exceptionnelle, leur rendre la vie plus facile. *** Monsieur le Président, Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, je vous félicite et je vous remercie une nouvelle fois pour ces superbes galettes et je vous invite, maintenant, à les partager et les déguster.
Et je vous renouvelle, de tout coeur, mes voeux de très bonne et très heureuse année. |