DECLARATIONS A LA PRESSE
DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
ET DE MONSIEUR GERHARD SCHROEDER CHANCELIER DE LA REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE
A L'ISSUE DU DINER INFORMEL
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PALAIS DE L'ELYSEE
LUNDI 14 OCTOBRE 2002
LE PRESIDENT - Je n'ai pas besoin de redire le plaisir que j'ai une fois plus à recevoir le Chancelier. Ce soir, il s'agissait d'un dîner dit de "Blaesheim" avec les deux ministres des Affaires étrangères.
Nous avons décidé de nous revoir le 24 à Bruxelles, dans la même formation, afin de bien achever de mettre au point nos positions communes dans divers domaines avant le début du Conseil européen de Bruxelles. Et le prochain dîner de "Blaesheim" aura lieu en novembre, à une date que nous n'avons pas encore arrêtée, mais en novembre et à Berlin.
À l'ordre du jour de nos entretiens de ce soir, d'abord les problèmes internationaux, essentiellement l'Iraq. Sur ce point, nous avons observé une large convergence de vues entre la position de l'Allemagne et la position de la France. En un mot, nous considérons qu'il appartient au Conseil de sécurité et à lui seul de fixer une position s'agissant des modalités d'inspection des armements en Iraq.
Nous avons également bien entendu évoqué les affaires européennes, d'abord les problèmes du volet financier et agricole. Les points de vue allemand et français dans ce domaine étaient divergents à l'origine, vous le savez, et tout notre effort consiste à mettre au point une position commune. Et nous y arriverons naturellement avant les Conseils de Bruxelles et de Copenhague.
Nous avons évoqué nos préoccupations en ce qui concerne la Convention et le premier rapport qui sera fait par M. GISCARD D'ESTAING, le 24 au soir. S'agissant de la réforme des institutions, il n'y aura aucune difficulté pour que les positions allemandes et françaises convergent.
En matière de politique étrangère et de sécurité commune, nous avons également les mêmes points de vue. Nous avons enfin évoqué le 40e anniversaire du Traité franco-allemand à l'occasion duquel, pour cette commémoration, nous voulons faire ensemble une déclaration commune qui marque bien un fort enracinement et une forte relance de la relation germano-française. Sur ce point, M. Joschka FISCHER et M. Dominique de VILLEPIN nous feront des propositions dans les jours à venir.
LE CHANCELIER SCHROEDER - Vous me voyez ce soir parmi vous fatigué mais heureux. Heureux pour deux raisons. D'abord parce que nous sommes arrivés, en Allemagne, quasiment au terme de nos négociations pour notre contrat de coalition et que, bien entendu, ce sont toujours des moments difficiles, une négociation dure mais empreinte d'amitié, et donc un marathon de ce genre laisse toujours quelques traces et vous laisse fatigué.
Deuxièmement, je suis heureux parce qu'une fois encore, j'ai eu le plaisir d'être ici à Paris et que ces rencontres sont toujours à la fois intéressantes, stimulantes et qu'elles se déroulent dans un climat d'amitié et d'échanges extrêmement fructueux avec le Président de la République, et ceci sans aucune réserve ni limite.
Nous avons au cours de cette soirée une fois encore réaffirmé notre volonté commune de saisir la chance formidable qui s'offre à l'Europe, à la veille des Conseils de Bruxelles et de Copenhague, chance de l'élargissement qu'il nous faut saisir. Et nous avons la possibilité de permettre à l'Europe d'être de façon durable un espace de paix et de bien-être et cette chance nous avons bien l'intention de ne pas la laisser passer.
Cet objectif commun qui est le nôtre, celui de la grande unification de l'Europe, nous allons tout mettre en oeuvre pour y parvenir. Bien entendu, il reste encore l'une ou l'autre question sur laquelle nos positions doivent se rapprocher. Dans toute la mesure du possible, nous allons y travailler pour que ceci soit fait dès le Conseil de Bruxelles, mais en toute hypothèse ce sera fait pour Copenhague.
Quant à ce que le Président a dit sur l'Iraq nous sommes en effet très proches l'un de l'autre, nos positions sont largement convergentes. Sur la position allemande, je n'ai rien à ajouter, elle n'a pas changé.
Alors, soyez assurés que ce scepticisme dont certains aiment à parler, scepticisme quant à la volonté, à la faculté de la France et de l'Allemagne de vraiment coopérer, tant en ce qui concerne l'élargissement que l'approfondissement de l'Union européenne, eh bien, ce scepticisme est totalement sans fondement. Nous allons atteindre l'objectif commun qui est le nôtre.
QUESTION - En ce qui concerne le volet financier agricole, est-ce qu'il est déjà possible de discerner les grandes lignes d'un accord éventuel sur ce sujet, par exemple en ce qui concerne le développement des dépenses de l'agriculture après 2006 ?
LE CHANCELIER SCHROEDER - Nous avons compris que la France ne souhaite pas que les modes de financement de la politique agricole commune soient modifiés avant 2006. Par ailleurs, nous savons que les candidats, les futurs nouveaux pays membres, souhaitent bénéficier des aides prévues au titre du "phasing-in" et nous allons devoir en effet travailler sur le mode de financement au-delà de 2006. C'est à cela que nous allons nous attacher dans les jours et les semaines à venir. C'est la raison pour laquelle il serait prématuré, ce soir déjà, de citer une date ou de tracer les grandes lignes sur les futures modalités de ce financement.
QUESTION - Deux questions, Monsieur le Président, Monsieur le Chancelier. Est-ce que vous avez échangé quelques mots sur l'attentat de Bali ? Est-ce que vous avez des premières réactions ? La presse française, notamment, dit qu'à la suite des récents attentats, la pression exercée par les États-Unis va augmenter, pression pour encourager à agir tant en ce qui concerne l'Iraq que dans la lutte contre le terrorisme.
D'autre part, deuxième question, sur l'endettement de vos deux pays et sur les critères de Maastricht. Est-ce que vous avez envisagé ensemble un assouplissement desdits critères ?
LE PRESIDENT - Nous avons bien entendu évoqué l'attentat inqualifiable, innommable, de Bali pour, d'abord, exprimer notre solidarité avec toutes les victimes et leurs familles, notre horreur à l'égard d'événements de cette nature et notre détermination à participer ensemble à une lutte sans merci à l'égard du terrorisme.
S'agissant du pacte de stabilité, nous sommes, Allemands comme Français, tout à fait décidés à le respecter dans son esprit et dans sa lettre.
LE CHANCELIER SCHROEDER - D'abord, je voudrais souligner ce que le Président a dit sur la lutte internationale contre le terrorisme, pour dire que la guerre contre le terrorisme n'est pas gagnée et que, donc, elle doit être poursuivie avec détermination.
Je voudrais justement, et particulièrement parce que je suis en France, vous dire qu'en matière de lutte contre le terrorisme, l'Allemagne n'a rien à se reprocher, ni aucun reproche à accepter qu'on puisse lui faire. Et je citerai à cet effet, pour illustrer mon propos, deux chiffres : en 1998, avant que nous n'arrivions au pouvoir avec ma coalition, l'Allemagne consacrait aux missions internationales sous l'égide des Nations Unies environ 170 millions d'euros par an. Aujourd'hui, nous consacrons à ces mêmes missions 2 milliards d'euros. Je crois que ces chiffres parlent pour eux et montrent toute notre détermination et toute notre volonté. Nous sommes, avec la France, le pays qui met le plus de troupes à disposition de cette lutte contre le terrorisme, ce qui vraiment, encore une fois, prouve notre engagement sans faille.
En ce qui concerne le pacte de stabilité, j'aimerais expressément souligner ce qu'a dit M. le Président de la République. Nous voulons respecter bien entendu le pacte de stabilité. Mais nous voulons le faire également dans un esprit de croissance, parce qu'après tout, la stabilité n'est pas un concept purement formel. Il faut voir la stabilité en relation avec la croissance. Et avec la politique en faveur de la croissance. Et je me réjouis tout particulièrement que la Commission, gardienne des Traités, ait elle aussi compris cette dimension de la stabilité et l'ait exprimée récemment. Et c'est donc dans ce sens que nous souhaitons que l'on interprète de façon flexible et adaptable ce pacte de stabilité, en fonction de la situation conjoncturelle internationale. C'est ce que nous allons faire ensemble car nous avons à cela le même intérêt, la même détermination.
LE PRESIDENT - J'ai voulu tout à l'heure être bref, trop peut être. Je partage sans réserve l'opinion que vient d'exprimer le Chancelier.
Je vous remercie. |