POINT DE PRESSE

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

ET DE MONSIEUR GORAN PERSSON PREMIER MINISTRE DU ROYAUME DE SUÈDE

À L'OCCASION DE LA TOURNÉE DES PAYS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE

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STOCKHOLM - SUÈDE

MARDI 28 NOVEMBRE 2000

M. GORAN PERSSON - Monsieur le Président, Je vous souhaite très cordialement la bienvenue à cette conférence de presse. En effet, nous avons eu un débat excellent pour préparer le sommet de Nice et toutes les grandes questions qui seront examinées et traitées lors du sommet de Nice, la semaine prochaine. Nous sommes pleinement conscients du poids de la France pour le bon développement de l'Union européenne. Mais surtout, ceci est également très important pour la présidence suédoise qui va suivre.

La présidence française, M. CHIRAC, met beaucoup de force et d'engagement pour résoudre justement ces grandes questions. Mais dans ce contexte, j'aimerais ajouter que nous sommes très impressionnés par les efforts qui ont été déployés de la part de la France, surtout pour inscrire tout en haut de l'ordre du jour les questions sociales. Et, ainsi, il est très important que nous puissions coopérer dans le cadre de ce type de questions. Ces questions vont jouer un rôle de plus en plus central, qui sera au coeur même du débat européen. Surtout pour ce qui est des retraites et l'égalité entre les femmes et les hommes. Et la question de la démographie.

Donc, toutes ces questions seront abordées et la présidence française a pris des initiatives en la matière. Il faut respecter la présidence française à cet égard. Et nous soutenons également la présidence française dans ses efforts pour gérer les questions de pollution qui existent surtout dans le milieu marin et qui sont dues aux transports maritimes. Nous espérons arriver à un résultat. Sur l'initiative française et ce sera une bonne chose pour l'Europe.

Par ailleurs, je voulais dire que les efforts qui sont déployés dans le cadre de la sécurité alimentaire et qui sont menés par la présidence française sont quelque chose d'appréciable pour toute l'Europe. Nous espérons et nous croyons que nous allons atteindre de bons résultats à Nice, car nous deux, nous voyons ce qui va arriver après Nice. L'élargissement de l'Union qui sera une possibilité historique pour arriver à la fin de la séparation de l'Europe entre l'est et l'ouest. Donc, cela signifie qu'il va falloir avoir une CIG qui sera couronnée de succès. Nous avons discuté de toutes ces questions de façon intensive pendant presque deux heures. Et cela constitue une excellente préparation pour la présidence suédoise et les débats que nous allons avoir dans la belle ville de Nice

Une fois de plus, nous vous souhaitons très cordialement la bienvenue à cette conférence de presse et je donne la parole au Président CHIRAC.

LE PRÉSIDENT - Je voudrais d'abord remercier le Premier ministre Göran PERSSON et le remercier, en particulier, de cet accueil et de cette hospitalité typiquement suédoise, c'est-à-dire agréable, qu'il nous a réservée aujourd'hui, et comme d'habitude.

Nous avons eu, autour d'une excellente table, une discussion très positive sur tous les sujets qui seront abordés à Nice et nous avons la volonté et l'espoir commun d'arriver à un compromis qui puisse tenir compte des exigences de chacun, tout en étant d'un niveau suffisant pour permettre la gestion de l'Europe élargie de demain, puisque nous souhaitons tous, et en particulier la Suède et aussi la France, que l'élargissement puisse se faire le plus vite possible et dans de bonnes conditions.

C'est vrai que l'Europe progresse beaucoup aussi bien en Suède qu'en France ou dans les autres pays. J'en avais gardé un souvenir fort lors de ma visite d'État en avril, qui est celle qui aura marqué ma présence comme chef de l'État français. C'est vrai que l'accueil qui m'avait été réservé, les liens que nous avions pu renforcer à cette occasion, m'avaient beaucoup impressionné. Je me souviens, en particulier, de cette rencontre avec les étudiants français et suédois. Nous avons aujourd'hui un nombre très important et croissant d'étudiants français qui viennent étudier en Suède et d'étudiants suédois qui viennent étudier en France. C'est quelque chose de nouveau. Et c'est très encourageant pour l'avenir. C'est ça aussi l'Europe.

De la même façon, quand je me promène en France et que j'arrive dans une ville, qu'est-ce que je vois ? Je vois des magasins Ikea un peu partout, avec des gens qui se précipitent, la plupart du temps pour acheter leur mobilier qui est d'ailleurs, de superbe mobilier, qui a un grand succès. De la même façon, je vois les magasins H & M, où les jeunes se précipitent pour acheter des vêtements. Oui. Vous riez. Mais c'est ça aussi l'Europe. Il y a quatre ou cinq ans, cela n'existait pas. Les Français ne pouvaient pas acheter leurs meubles chez Ikea ou leurs vêtements chez H & M, ou très peu. Il y a donc, si vous le voulez, quelque chose qui se crée petit à petit, qui est fort et a beaucoup de témoignages.

Lorsque j'étais venu en Suède lors de ma visite d'État, on a fait une conférence de presse et des journalistes français et suédois m'ont dit : qu'est-ce que vous pensez des discussions entre Renault et Volvo Véhicules Industriels, elles sont très difficiles ? Je m'étais refusé, naturellement, à porter un jugement. J'avais dit : c'est une affaire entre deux entreprises privées. Aujourd'hui, l'accord est fait pour le plus grand bénéfice de ces deux très grandes sociétés que sont Volvo et Renault Véhicules Industriels.

Je prends un grand musée français qui a été, d'ailleurs, créé par mon prédécesseur, qui s'appelle le musée d'Orsay. Il y a dix ans, on n'aurait jamais vu une oeuvre suédoise. Depuis quelques années, il ne se passe pas un an sans qu'il y ait une exposition d'art qui concerne la Suède. L'année dernière, nous avions une superbe exposition Nijinsky et, cette année, se prépare une exposition Strindberg. Vous pouvez aller à ce musée, vous trouverez tout l'éventail de la peinture suédoise. Cela n'existait pas il y a quatre ou cinq ans. Je le répète, il se passe quelque chose et c'est très important.

Je voudrais prendre un autre exemple : une évolution politique comme celle de l'Europe, ça passe au travers de décisions ou de discussions techniques sur le traité, etc. Mais ça passe aussi par la vie, la vie de tous les jours. Nous avons, aujourd'hui, déjà depuis trois ou quatre ans, un diplomate suédois qui travaille au ministère des Affaires étrangères et qui est là, exactement, à égalité avec les fonctionnaires français et qui représente la France dans des négociations importantes concernant notamment les problèmes de défense et d'armement. Nous avons, ici, en Suède, un diplomate français, je pense à lui parce que je le vois, M. Jacques RAHARINAIVO, qui a passé un certain temps au ministère suédois des Affaires étrangères comme diplomate suédois et qui, aujourd'hui, est dans les cadres de l'Ambassade de France à Stockholm. Ce n'était pas imaginable il y a seulement quelques années. Donc je veux dire, il se passe vraiment des choses.

Pour donner un dernier point, peut-être parce qu'il est plus important, plus national, j'étais, il y a trois jours au Kosovo où j'avais été saluer les soldats français. J'ai donc rencontré, naturellement, le général commandant la KFOR. Et le général commandant la KFOR, qui est un général italien, actuellement, un homme très remarquable, m'a fait une présentation générale de la situation et des forces qu'il a sous ses ordres. Il m'a fait, en particulier, des compliments très appuyés sur les forces suédoises qui se trouvent actuellement dans le secteur britannique et qui, d'après le général commandant la KFOR, donnent une très belle image à la fois de la Suède et de la KFOR au Kosovo, par leurs compétences techniques mais aussi par leur comportement humain. Si je dis tout cela, c'est pour vous dire que nos évolutions s'inscrivent dans des réalités historiques. Il n'y a pas seulement les textes, les négociations techniques. Il y a un courant qui conduit à une Europe qui, petit à petit, s'organise et qui sort, en quelque sorte, des limbes.

Alors, dans ce contexte, nous avons parlé longuement aussi des problèmes techniques. Nous avons parlé des différents points de vue qui existent chez les Quinze et qui ne sont pas tous identiques : concernant la composition de la Commission, concernant la pondération des voix, concernant les coopérations renforcées, concernant la majorité qualifiée. Là, il y a des sujets délicats qui touchent aux intérêts de chacun des pays et qui font l'objet de négociations, mais avec une volonté commune d'arriver à un compromis, à la fois acceptable et positif. Positif, cela veut dire à un niveau qui permette demain à l'Europe élargie de fonctionner.

Et nous avons évoqué un certain nombre de sujets pour lesquels il y a une espèce de sensibilité commune, voire de consensus. Et, notamment, nous avons longuement évoqué les problèmes sociaux. Ceux que l'on traitera à Nice au titre de l'agenda social. Ceux que l'on traitera au Conseil de Stockholm, en avril prochain, et qui touchent notamment, le Premier ministre l'a dit tout à l'heure, aux problèmes des retraites, de la démographie, de l'égalité entre les hommes et les femmes, etc. Toute une série de sujets importants.

Nous avons évoqué les problèmes de sécurité alimentaire sur lesquels nous sommes très en phase, nos deux pays. Les problèmes de sécurité maritime, qui sont très sensibles pour la France, pour des raisons que chacun comprend. Et là aussi, nous sommes très heureux d'avoir une approche commune de ces problèmes et une volonté commune d'aboutir à des solutions importantes et concrètes au dernier Conseil européen de cette année, qui sera le Conseil Transports du 21 décembre. Et puis, nous avons évoqué bien d'autres sujets, avec, je le répète, une volonté partagée de se comprendre. Je sais, je vois, je sens, j'ai bien senti, lors de mon passage à Helsinki, que nos peuples se comprenaient de mieux en mieux. Eh bien, il est important que leurs dirigeants se comprennent aussi de mieux en mieux, c'est exactement l'ambiance qui a prévalu lors de notre excellent déjeuner de travail.

QUESTION - Monsieur le Président, je me demande pourquoi chaque pays ne peut pas avoir son commissaire ? Deuxième question : pourquoi est-ce que la Suède devrait dire oui pour la majorité qualifiée lorsqu'il s'agit des impôts ?

LE PRÉSIDENT - Puisque la question m'est posée, je vais répondre et ensuite le Premier ministre complètera. Premièrement, il y a un débat sur la composition de la Commission. La Suède a une position très ferme. Naturellement, il sera tenu le plus grand compte de la position suédoise. Moi, je pense que l'on ne peut pas augmenter indéfiniment le nombre de commissaires. C' est un sujet délicat sur lequel il y a des divergences de vue. Mais je suis certain que nous arriverons à une solution commune, mais à Nice, dans le cadre d'un paquet d'ensemble.

Par ailleurs, sur le plan fiscal, personne n'a jamais dit que la Suède devait abandonner sa compétence en matière fiscale. Je ne crois pas qu'elle y soit prête. En revanche, on peut se mettre d'accord sur des progrès importants en matière fiscale, par exemple dans la lutte contre la fraude de toute nature.

M. GORAN PERSSON - J'ai le sentiment suivant, et je reçois le soutien du Parlement suédois, à savoir que chaque État doit avoir son commissaire. Nous sommes d'avis que ceci renforce la position et l'image de la Commission, lui donne une plus grande légitimité. L' Union n'est pas simplement une Union de citoyens, mais il s'agit d'abord d'une Union de nations et une Commission doit en quelque sorte être le reflet des nations qui la composent.

Évidemment, une Commission qui n'aurait pas par exemple de commissaires qui venant de grands pays ne serait pas forcément une Commission qui travaillerait bien. Et voilà une des questions que nous allons discuter. Autres questions, la pondération des voix, la coopération renforcée et la majorité qualifiée.

Et, en fait, ces quatre questions sont reliées les unes aux autres d'une certaine façon et je suis convaincu que l'on trouvera une solution d'ensemble J'ai présenté les positions de la Suède et ensuite je voudrais dire que je serai heureux de reprendre ce débat à Nice. Maintenant pour ce qui est de la question des impôts, hier, nous avons eu une excellente décision concernant les taxes des impôts sur le capital. Voilà une décision qui se présente bien. Évidemment, on pourra poser d'autres questions d'impôts plus épineuses, mais l'impôt ainsi que le dit le Président CHIRAC, est une question qui relève des tâches essentielles d'un Parlement national. Et s'en remettre à la compétence d'un organe européen, eh bien, cela veut dire que ceci constituerait une ingérence dans la souveraineté nationale et ensuite, que cela pourrait dénaturer la mission de l'Union européenne. Sans quoi nous verrons qu'avec la même méthode que nous utilisons maintenant pour le dossier de l'impôt sur le capital, nous verrons demain diminuer d'autres impôts, d'autres taxes mais pas au prix de modifier la question de principe, à savoir qu'une décision en matière fiscale soit prise au niveau européen et non pas au niveau national.

QUESTION - Ma question porte sur les forces de paix qui sont positionnées en Europe. Je veux savoir quel est le sentiment de la Suède et de la France en la matière, car vous avez discuté de ces questions avec M. POUTINE le 30 octobre à Paris. Alors, quel rôle doivent jouer ces forces de maintien de la paix en Europe ? Comment est-ce-que l'on va les utiliser ? Est-ce qu'il va y avoir un mandat des Nations Unies, par exemple ? Comment est-ce que l'on traite de toutes ces questions ?

LE PRÉSIDENT - L'Europe a vocation à participer au maintien de la paix. Malheureusement, il y a des moments et des endroits où ceci suppose une intervention militaire. Cette intervention militaire doit être exclusivement fondée sur le rétablissement ou le maintien de la paix. Et, naturellement, elle doit être légitime. Et la légitimité ne peut être donnée que par un mandat de l'Organisation des Nations Unies. Telle est la position de la France, je le pense de la Suède et aussi de l'Europe.

M. GORAN PERSSON - Je n'ai pas grand chose à ajouter. Je pense que M. CHIRAC décrit fort bien ces décisions qui ont été prises dans le cadre de l'Union européenne. Et en fait, nous sommes tous pour cette question de la gestion des crises. La Suède est pour cette doctrine de la sécurité militaire. Nous pouvons participer à la gestion des crises. Nous ne faisons pas partie de l'Alliance militaire mais, évidemment, il faut à ce moment là parfois qu'il y ait un mandat des Nations Unies.

QUESTION - Je suis Palestinien et maintenant je suis citoyen suédois, Je veux dire que je suis un citoyen européen, alors donc loyal vis-à-vis de mon peuple palestinien, mais également loyal vis-à-vis de l'Europe. Ma question : la France, dans le cadre de la présidence de l'Union européenne, n'a rien fait pour arrêter les massacres contre les Palestiniens. Vous allez remettre la présidence à la Suède et j'espère que la Suède pourra faire quelque chose en la matière. Mais il faudrait penser à ce peuple palestinien.

LE PRÉSIDENT - Cela fait longtemps que la France s'efforce d'apporter sa contribution au retour à la paix dans cette région. Chacun sait qu'un accord, dans l'esprit d'Oslo, ne pouvait intervenir qu'entre les deux protagonistes et le "parrain" américain. La France n 'a jamais manqué une occasion d'apporter sa contribution chaque fois que c'était possible ou chaque fois qu'on lui demandait. Et elle continue. Quant à l'Europe, elle s'est prononcée récemment au niveau du Conseil affaires générales, il y a quelques jours, dans un texte clair qui donnait également sa position unanime. Je souhaite, vous le savez, de tout coeur, vraiment de mon coeur, que l'on puisse arriver à un peu plus de raison et à un retour à la paix pour des gens qui la méritent vraiment, qu'ils soient israéliens ou palestiniens.

M. GORAN PERSSON - Je veux ajouter quelques commentaires. Nous aussi, nous sommes fortement engagés dans le cadre de l'Union européenne et sur un plan bilatéral, également, dans le cadre du conflit du Moyen-Orient. Je suis persuadé que, de maintes façons, nous allons tenir très à coeur cette question dans le cadre de la présidence suédoise. Et nous allons faire tout notre possible pour améliorer la situation, que l'on puisse relancer les négociations de paix aussi bien sur le plan bilatéral et sur le plan européen. Et, évidemment, depuis Camp David, il y a malheureusement une situation très difficile. Il est facile de devenir pessimiste. Et si le développement va dans la mauvaise direction, ceci aurait des retombées non seulement pour le Moyen-Orient mais pour toute notre situation politique. Il faudrait donc en tenir compte également dans le cadre de l'Union européenne.

QUESTION - Au Premier ministre suédois, au cours du Sommet de Biarritz, on avait cru sentir une séparation, un divorce, une tension entre les grands et les petits pays. Certains pays ont même parlé d'arrogance de la France. Est-ce que le Président de la République française, Président de l'Union européenne, vous a, aujourd'hui, rassuré, et de quelle manière ?

M. GORAN PERSSON - D'abord, je n'ai jamais ressenti une arrogance quelconque de la part de la présidence française. Tout au contraire, il y a toujours une excellente coopération avec la présidence française. Et ce sentiment de coopération existe dans tout le cercle des quinze États membres. Mais par ailleurs, ce serait faux de nier que, parfois, nous avons des divergences de vues ou des intérêts différents. Et lorsque ces intérêts, dans une négociation difficile, vont à l'encontre des uns et des autres, il ne faut pas, à ce moment là, dire qu'il existe un conflit quant aux principes, c'est-à-dire qu'il y a des problèmes entre les grands et les petits pays. Moi, je vois ceci comme étant plutôt un travail de négociation difficile, c'est vrai. Mais en même temps, il y a beaucoup de sentiments et de bonne volonté pour que l'Union européenne puisse continuer à bien agir. Mais je n'ai jamais ressenti d'arrogance de la part de la présidence française, jamais.

QUESTION - Monsieur le Premier ministre, je voudrais savoir comment vous voyez fonctionner une Commission avec vingt-cinq ou trente commissaires ? Quels pourraient être les portefeuilles qui pourraient leur être attribués, étant donné que déjà, en ce moment, ils ont du mal à se répartir le travail ? Et à quel texte faites-vous allusion ou vous référez-vous lorsque vous dites que la Commission doit être le reflet des pays de l'Union ? C'est plutôt le rôle du Conseil des ministres, non ?

M. GORAN PERSSON - Oui, on peut penser que ceci relève du Conseil des ministres. Mais, en même temps, c'est la Commission qui prend un grand nombre de décisions qui sont parfois très controversées les États membres. Et que la légitimité d'une telle Commission sera accrue si chaque État membre a un commissaire. À notre avis, il ne s'agit là pas forcément de raisonnement logique. Mais, d'un point de vue politique, je pense que ceci pourra avoir ce type de conséquence de retombées. À titre d'exemple, qui pourrait s'imaginer qu'une Commission sans l'Allemagne, sans commissaire allemand pourrait prendre des décisions difficiles ? Par exemple, s'il y avait une fusion d'entreprises entre deux sociétés allemandes, à ce moment là, est-ce que l'on pourrait prendre ce type de décision sans commissaire allemand ? Il faudrait renvoyer ce type de décision au Conseil des ministres, à ce moment là. Voilà de quoi il s'agit.

Donc il y a certains pays qui mettent l'accent sur le rôle de la Commission. Je pense que c'est le cas de la majorité des pays. Et ainsi, à notre avis, la Commission serait renforcée s'il y avait une représentation de chaque État membre. Et voilà la toile de fond de ce raisonnement que nous avons et, en même temps, cela revient au raisonnement que nous avions à Amsterdam. Et là, nous avions déclaré que la pondération ou une repondération des voix doit justement faire en sorte que les commissaires des grands pays vont aller de deux à un. Et je pense que cette discussion devra avoir lieu à Nice. Mais, par ailleurs, d'autres questions seront discutées, la pondération des voix. Nous aurons une discussion concernant la majorité qualifiée et une discussion concernant la coopération renforcée, également. Et j'imagine aisément qu'il y aura une décision d'ensemble qui sera prise à Nice et là, la position ou les positions, quelle que soit la position qu'on puisse avoir, eh bien, ceci donnera lieu à un certain compromis et donnera comme résultat que l'Union européenne pourra poursuivre sa marche et aller vers l'élargissement.

QUESTION - Monsieur le Président, Monsieur Göran PERSSON. Au mois de juin dernier, M. CHIRAC a dit que l'objectif de la France était de renforcer l'Europe, au cours des six mois, et ensuite qu'il fallait réformer les institutions, renforcer la politique de défense et avancer avec l'élargissement. Et puis pour répondre aux aspirations des peuples, il y aurait des actions pour la croissance, l'emploi, la sécurité, la justice, l'environnement et l'éducation. Alors je pose la question suivante à vous deux, d'ailleurs : est-ce la France a vraiment accompli tout ceci ? Et si ce n'était pas le cas, alors que remet la France à la Suède, en fait, quel est le cadeau, en quelque sorte, que la France remet à la Suède ?

LE PRÉSIDENT - Son amitié sans réserve et une volonté de tenir compte, autant qu'il est possible, des préoccupations particulières de la Suède, parce que chacun des pays de la Communauté a des préoccupations particulières. La présidence française entend bien tenir le plus grand compte de ces préoccupations. Elle le fera. Mais il arrive un moment où il faut naturellement trouver un accord de synthèse.

M. GORAN PERSSON - Ce que vous avez dit est un excellent programme également pour la présidence suédoise, cette citation que vous avez faite. Et nous allons travailler dans cette même direction, avec le soutien que nos amis français nous ont promis et en très étroite coopération avec nos amis belges. Donc il y aura une continuité dans le travail entre les différentes présidences.

LE PRÉSIDENT - Je vais terminer en faisant deux courtes réflexions : la première, on le voit bien en Suède comme dans d'autres pays, l'Europe c'est aussi la culture. Je l'ai évoqué tout à l'heure, mais j'ai été frappé, il y a peu de temps par le fait que le festival du film, à Stockholm, qui est un grand festival et qui a pour caractéristique d'être un festival très populaire, a donné son premier grand prix, cette année à un film francophone, d'origine marocaine et française. Cela aussi, c'est un signe. D'ailleurs, je dis aux journalistes, ici, qu'ils devraient encourager leurs lecteurs à aller voir ce superbe film et au-delà, d'ailleurs, à apprendre le français pour pouvoir mieux comprendre et apprécier toute la finesse et la force de ce film. C'est tout de même très significatif d'une construction de l'Europe que j'évoquais tout à l'heure.

La deuxième réflexion, c'est qu'une fois de plus, comme nous l'avons vu lors de ma visite d'État, comme nous le constatons chaque fois que le Premier ministre et moi-même nous nous rencontrons, une fois de plus, il apparaît clairement que la Suède et la France sont décidées à marcher sur la voie, sur le chemin européen la main dans la main. C'est tout à fait clair. Et naturellement, je confirme ce que vient de dire le Premier ministre : la France apportera un soutien sans réserve, je dis bien sans réserve, à la présidence suédoise de l'année prochaine.

Merci.