CONFERENCE DE PRESSE
DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
A L’ISSUE DU CONSEIL EUROPEEN
BRUXELLES
VENDREDI 25 OCTOBRE 2002
LE PRESIDENT – Voilà un sommet qui se termine dans de bonnes conditions et je voudrais d’abord remercier la présidence danoise, le Premier ministre, M. RASMUSSEN, pour la façon dont il a préparé et conduit ce sommet, avec beaucoup de finesse, beaucoup d’intelligence et beaucoup d’efficacité car les choses n’étaient pas si faciles. Je lui exprime donc mon estime et ma reconnaissance.
Les résultats sont évidemment importants puisque ce qui était en cause, c’était l’élargissement et que les choses sont aujourd’hui acquises dans les conditions que vous savez. Je vais rapidement revenir sur les décisions qui ont été prises mais, avant, je voudrais dire que ce sommet a été aussi marqué, et c’est d’ailleurs par là qu’il a commencé, par l’horreur que nous a inspirée la prise d’otages à Moscou. J’avais eu moi-même hier le Président POUTINE au téléphone, plusieurs des chefs d’Etat ou de gouvernement lui ont également témoigné directement leur solidarité. Nous avons tenu, cela va de soi, à l’exprimer collectivement, sur la proposition de la présidence danoise, et dire à quel point nous étions solidaires à la fois des Russes et des autorités russes. Nous avons condamné, nous condamnons naturellement le terrorisme sous toutes ses formes, sans aucune réserve. Aucune cause ne peut justifier des actes de cette nature, aucune.
En ce qui concerne le sommet lui-même, nous nous sommes donc mis en situation de conclure les négociations d’adhésion avec les 10 pays candidats retenus par la Commission d’ici à Copenhague, en vue d’une signature du Traité au printemps de 2003. Nous avons bien entendu évoqué avec un esprit de solidarité la situation des deux pays qui ne sont pas encore jugés aptes à entrer immédiatement, c’est-à-dire la Bulgarie et la Roumanie, et nous avons décidé d’augmenter notre aide à l’égard de ces deux pays pour qu’ils soient en mesure de nous rejoindre, nous l’espérons, en 2007.
Nous avons naturellement évoqué le problème de Chypre, qui remplit toutes les conditions mais qui est dans la position politique que vous savez. Nous souhaitons vivement que les actions engagées au niveau des Nations Unies permettent de régler le problème avant la fin de l’année, mais ce n’est évidemment pas certain. Et, si le problème n’était pas réglé, naturellement, la décision sur l’adhésion de Chypre serait prise à Copenhague conformément aux décisions d’Helsinki, c’est-à-dire de façon positive.
Nous avons évoqué également avec satisfaction les réformes qui ont été engagées ces derniers temps en Turquie et les progrès qu’elles représentaient au regard des exigences de Copenhague, tout en constatant naturellement que les critères de Copenhague étaient encore loin d’être acquis mais que le chemin était encourageant.
Alors, le problème le plus difficile à régler était évidemment le problème financier, le volet financier et agricole, et nous avons eu des discussions qui n’étaient pas faciles, d’abord pour mettre au point une position commune entre la France et l’Allemagne.
Chacun sait que nous avions des approches très éloignées à cet égard entre Allemands et Français, qu’il fallait donc faire preuve à la fois d’imagination et de volonté. L’Allemagne, pour l’essentiel, considérait ou considère que sa participation financière est excessive et qu’elle est due notamment à l’ampleur des dépenses agricoles et, donc, ce que je peux comprendre bien entendu, son ambition était de réduire les dépenses et tout particulièrement, puisque c’était l’objet de nos délibérations, les dépenses agricoles. La France avait une position tout à fait différente parce qu’elle a des intérêts qui ne sont pas les mêmes et, en particulier, était très attentive à ce que les décisions prises à Berlin, à tous égards, soient respectées et qu'après Berlin soit garantie, dans un contexte qui devra être naturellement défini, avec des réformes qui devront être élaborées, soit garantie une dépense globale agricole qui soit conforme aux ambitions d’une agriculture dynamique et surtout d’une position exportatrice de l’Europe dans les années qui viennent.
Nous avions évoqué cette affaire avec le Chancelier et le ministre allemand et le ministre français des Affaires étrangères, dans la forme dite Blaesheim, à Paris, il y a de cela une huitaine de jours. La période n’était pas très bonne pour ces discussions parce que le Chancelier était très occupé par l’élaboration de l’accord politique destiné à conduire au gouvernement de coalition entre le SPD et les Verts. Et, donc, nous avions fait des propositions, nous les avons confirmées par écrit il y a deux ou trois jours et nous nous sommes réunis hier à quatre heures avec le Chancelier et les deux ministres des Affaires étrangères pour, à la fois, affirmer que nous ne pouvions pas ne pas avoir un accord et que, donc, il fallait qu’il y ait un accord, et pour définir les termes de cet accord, la France ayant clairement indiqué qu’elle comprenait la volonté de diminution de la dépense exprimée par l’Allemagne et l’Allemagne ayant affirmé qu’elle comprenait les préoccupations particulières de la France, et notamment sa volonté de voir appliquer Berlin, tout Berlin et rien que Berlin, jusqu’en 2006.
Nous sommes donc, sur ces bases, arrivés à un accord que vous connaissez, dont on vous a dit un mot hier soir en détail, je crois que le ministre a fait un point de presse, qui vous a indiqué l’ensemble des modalités de cet accord. Et nous nous en sommes tenus à cet accord.
Alors, naturellement, il a fallu ensuite l’évoquer à 15. Une chose était un accord à 2 et une autre chose était un accord à 15. La Présidence, là encore, a été tout à fait remarquable pour présenter les choses de telle sorte qu’on arrive à un accord. Les règles du jeu de la politique agricole commune ne seront donc pas modifiées jusqu’en 2006, je veux dire que, naturellement, les engagements pris à Berlin sur les discussions à conduire sur un certain nombre de sujets particuliers ou de produits particuliers se feront normalement et conformément à ce qui est déjà engagé, et ce qui est dans l’article 22 de l’accord de Berlin, mais ces accords seront respectés. Et donc il n’est pas question qu’il y ait une modification de la politique agricole commune en 2003, ce qui ne nous empêchera pas, naturellement, cela va de soi, de discuter pour voir ce qui devrait être fait au lendemain de 2006.
D’autre part, pour ce qui concerne la proposition de la Commission qui posait problème à nos amis allemands, à savoir ce qu’on appelle l’entrée en puissance des pays candidats au titre des subventions agricoles, ce processus a été adopté conformément aux propositions de la Commission. Vous savez qu’actuellement nous avons des dépenses agricoles qui sont sensiblement inférieures au plafond qui avait été arrêté à Berlin et que nous avons décidé que les dépenses agricoles en 2007 seraient plafonnées, c’est-à-dire stabilisées, ce qui était quelque chose à quoi nos partenaires allemands tenaient beaucoup, la plupart de nos partenaires aussi d’ailleurs, et ce à quoi nous n’étions pas du tout hostiles. Mais elles sont stabilisées à un niveau qui nous paraît convenable, c’est-à-dire à partir non pas des dépenses réelles qui sont, je le répète, inférieures mais du plafond arrêté à Berlin. Il y aura d’une part ce plafond plus, bien entendu, les dépenses afférentes aux dix pays entrants avec une augmentation de 1% par an au titre de l’inflation, qui sera probablement supérieure. Le chiffre initial, je ne vous le cache pas, était un peu plus élevé mais l’accord final de nos amis hollandais a exigé que nous ramenions ce chiffre à 1% au titre de l’inflation et donc c’est cette somme qui, je le répète, est nettement supérieure à ce que de toute façon nous dépensons actuellement, qui est le plafond garanti pour la période 2007-2013.
Voilà en gros l’accord que nous avons passé d’abord avec nos amis allemands et ensuite avec l’ensemble de nos partenaires. Et, pour ce qui me concerne, j’ai considéré que cet accord était pour nous un bon accord.
Nous avons ensuite évoqué les affaires de Kaliningrad, puisque c’était le deuxième point à l’ordre du jour. Vous savez que nous étions à la fois très attentifs à assurer la libre circulation des citoyens russes dans des conditions conformes à leur dignité, ce qui excluait à nos yeux des mesures agressives concernant les citoyens russes mais, d’autre part, il fallait également préserver l’intégrité de l’espace Schengen et aussi respecter la souveraineté de la Lituanie. Tout cela a été un peu compliqué, d'autant que l’accord devait intervenir avant le 10 ou 12 novembre, qui est la date de la réunion du sommet entre l’Union européenne et la Russie. La partie russe a fait des efforts importants, la partie lituanienne également, la Commission aussi et, donc, nous sommes arrivés à un stade de négociation qui sera parachevé par la Présidence et qui devrait, je le pense, nous permettre d’avoir un accord.
Nous avons évoqué l’affaire de la Macédoine, je veux dire la conduite de l’opération "Renard roux" en Macédoine. J'avais eu l’occasion de m’en entretenir au sommet de Beyrouth avec le Président macédonien, qui était inquiet compte tenu de la décision de l’OTAN, vous le savez, de ne plus prendre la responsabilité de cette opération à partir du 15 décembre. Je ne rentre pas dans le détail, elle posait des problèmes de principe entre l’Union européenne et l’OTAN, qui posait la capacité de la Turquie de s’opposer en tant que membre de l’OTAN à un accord entre l’Union européenne et l’OTAN. Tout cela, il faut bien le reconnaître, n’est pas très convenable au regard de la mission qui est celle de l’opération "Renard roux" dont dépend, il faut bien le dire, la paix, la sécurité dans cette partie des Balkans, avec naturellement les conséquences que cela peut comporter pour les hommes, les femmes, les enfants qui y vivent.
En tous les cas, nous avons fini par trouver, je le pense, un accord. Nous souhaitons que ça soit dans le cadre d’un accord Union européenne-OTAN. Bien entendu, si c’était tout à fait impossible, eh bien, il faudrait envisager une autre solution, y compris celle de la désignation d’une nation-cadre pour prendre la direction de cette opération. Il y a 7 à 800 hommes, c’est une petite opération, mais elle pose un problème de principe. Et, notamment, nos amis britanniques sont très, très à cheval sur la relation OTAN-Union européenne et ne veulent pas que des initiatives soient prises qui soient de nature à remettre en cause ces relations. Je crois que nous nous en sommes tirés au mieux.
Je devais, j’avais fait savoir à la présidence que je souhaitais alerter nos collègues sur la situation très préoccupante en Europe du secteur des télécommunications, qu’il s’agisse des opérateurs ou des équipementiers, un secteur qui traverse aujourd’hui une crise profonde et qu’il la doit à, il faut bien le dire, une gestion aberrante et l’absence de politique européenne au moment de l’attribution des licences UMTS, qui ont eu pour conséquence de ruiner une partie de la position de ce secteur en Europe et de ce secteur européen dans le monde, de faire qu'il y a eu plus de 200 000 suppressions d'emplois et que les perspectives sont tout à fait préoccupantes. L'Europe, qui a été leader, risque fort d'avoir du mal à s'en relever. Tout cela, parce qu'à l'origine, il faut bien le reconnaître, chaque pays a voulu gérer sa petite affaire dans son petit coin. Il y a eu une espèce de surenchère. Et le résultat, c'est que le secteur a été profondément perturbé.
Les points divers étaient nombreux. La présidence a considéré que nous ne pouvions pas, à l'heure où se terminait le Conseil, évoquer l'ensemble de ces points divers. Elle a donc supprimé les points divers, ce en quoi je pense qu'au total, elle a eu raison. Et j'ai indiqué que c'est par écrit, la lettre ne sera naturellement pas confidentielle, que je saisirai la présidence et l'ensemble de nos collègues de ce problème relatif à l'UMTS.
Voilà en gros les décisions qui ont été prises et je suis tout prêt à répondre à vos questions.
QUESTION – Monsieur le Président, dans la maîtrise des dépenses après 2006, vous aviez souhaité une meilleure maîtrise, aussi, des dépenses non agricoles. Et, là-dessus, vous n'avez pas été suivi ? Ou jusqu'à quel point l'avez-vous été ?
LE PRESIDENT – Il est tout à fait évident que la maîtrise des dépenses doit concerner l'ensemble des dépenses. Et l'ensemble des dépenses, cela veut dire pour l'essentiel, en dehors des dépenses agricoles, les dépenses relatives aux fonds structurels et les dépenses particulières, la plus importante étant le chèque britannique dont chacun voit bien qu'il n'a plus aujourd'hui la signification qu'il pouvait avoir lorsqu'il a été décidé et qu'il conduit à une situation particulièrement choquante puisque, grâce à ce chèque britannique, qui date, je ne sais pas, de 15 ans, grâce à ce chèque britannique, l'Angleterre va être dispensée de payer les deux tiers des dépenses dues à l'élargissement. Ce qui est évidemment une situation qui n'est pas convenable et que rien ne justifie.
J'ai donc indiqué que, naturellement, la maîtrise des dépenses devrait être une maîtrise globale. Je n'ai pas besoin de vous dire que nos partenaires allemands ont abondé dans ce sens. Tout le monde en a pris conscience, tout en remarquant que ce n'était pas aujourd'hui, où l'on parlait de la dépense agricole, que l'on pouvait traiter les autres dépenses, si ce n'est par une révision en baisse de la dépense structurelle prévue pour les pays entrants. La Commission avait proposé 25 milliards et demi, si j'ai bon souvenir, qui ont été ramenés à 23 au titre, précisément, de cette maîtrise des dépenses. Mais c'est à partir de maintenant la maîtrise des dépenses structurelles et aussi des dépenses exceptionnelles du type du chèque britannique qui doit faire l'objet d'une étude.
Je l'ai d'ailleurs dit hier, puisque j'ai eu un entretien bilatéral avec le Premier ministre britannique, et je lui ai dit que, de toute façon, à partir de 2006, il fallait bien qu'on revoie, en tous les cas qu'on ait discuté et que l'on revoie cette affaire du chèque britannique. Je ne préjuge pas des résultats mais il est évident qu'on doit revoir cette affaire qui, de mon point de vue, n'est plus justifiée. Mais, enfin, je ne tiens pas à préjuger.
QUESTION – Monsieur le Président, vous avez entendu le Président de la Convention européenne faire un rapport d'étape, en quelque sorte, des travaux de la Convention. Il a souligné le travail excellent des Allemands et pas un mot concernant les Français. Est-ce que cela ne vous a pas un peu chagriné ?
LE PRESIDENT – Le Président GISCARD D'ESTAING ? Nous n'avons pas dû entendre le même discours, parce que je n'ai pas du tout entendu cela. Et, non seulement je ne l'ai pas entendu mais, en sortant à la fin de la rencontre, je suis allé féliciter le Président GISCARD d'ESTAING qui, comme à l'habitude, avait été d'une rigueur et d'une clarté tout à fait exceptionnelles. Et il nous avait fait comprendre des choses qui, souvent, sont expliquées avec beaucoup de confusion.
Il a eu l'occasion de me dire la satisfaction qu'il avait de voir qu'un certain nombre des thèses de la France étaient reprises par la Convention, ce qu'il a indiqué. C'est vrai en ce qui concerne la présidence. Je vous rappelle que c'est nous qui avions proposé une présidence pour cinq ans, ou deux ans et demi renouvelables, par une personnalité qui n'ait pas de responsabilité, mais qui aurait pu en avoir dans le passé en Europe, et qui serait élue par les chefs d'Etat et de gouvernement. La proposition d'associer beaucoup plus les parlements nationaux au travail du Parlement européen et à l'évolution des choses, notamment dans le domaine du contrôle de la subsidiarité, c'était aussi une proposition, je me permets de vous le rappeler, que j'avais faite également dans un discours que j'avais prononcé à Strasbourg et une position que nous avons beaucoup soutenue et qui, je crois le comprendre, sera retenue par les propositions de la Convention. Il en va de même pour notre proposition relative à la création d'un ministre des Affaires étrangères qui regrouperait à la fois les compétences du Commissaire, disons du commissaire PATTEN pour éclairer les choses, et de Monsieur SOLANA. Je crois comprendre que la Convention devrait probablement retenir aussi cette proposition qui, je le rappelle une fois de plus, est une proposition de la France.
Enfin, je pourrais multiplier les exemples qui marquent que toutes les propositions que nous avons faites depuis quelques mois ont été, en tous les cas, prises en considération de façon assez positive par la Convention, ce dont je me réjouis.
QUESTION – Monsieur le Président, dans le texte est inscrit le fait que, si le calendrier est donc tenu, à Athènes, en avril prochain, on signera le Traité d'adhésion des nouveaux pays candidats. Donc, va commencer une période de ratification, y compris pour les Quinze. Cette ratification va donc se passer en l'espace de huit mois, puisqu'il faudra boucler tout pour fin 2004, enfin 2004, pour les élections au Parlement européen. Quel est pour vous le mode de ratification : parlementaire, référendum ?
LE PRESIDENT – C'est une décision qui n'a pas encore été prise et j'aurai l'occasion, si vous le permettez, de réserver la primeur de la discussion et de la réflexion là-dessus au Gouvernement.
QUESTION – Vous avez commencé par les tragiques événements de Moscou et vous avez dit que rien ne pouvait justifier une prise d'otages.
LE PRESIDENT – Rien ne pourrait justifier le terrorisme sous quelque forme qu'il s'exprime, c'est-à-dire une attaque barbare à l'égard d'innocents.
QUESTION – Ma question était de savoir si le Conseil européen, peut-être vous-même pour le compte de l'Etat français, qualifiait d'une façon ou d'une autre la manière dont les autorités russes mènent la guerre en Tchétchénie depuis maintenant trois ans.
LE PRESIDENT – Je ne pense pas que c'était le jour de le faire. Vous connaissez la position de la France, que j'ai eu souvent l'occasion d'affirmer et de développer depuis déjà plusieurs années. Je crois qu'il n'y a pas d'autre solution que politique à ce type de conflit.
Moi, j'ai une conviction bien ancrée et que j'exprime en toutes occasions, c'est que la guerre ne peut être que l'ultime solution, lorsque vraiment tout a été essayé et que la solution, dans un monde civilisé, reste la solution politique, est la seule qui soit utile. Cela s'applique à la Tchétchénie comme à tous les conflits potentiels.
QUESTION – Vous allez écrire au Conseil européen à propos des télécommunications. Est-ce que vous pouvez nous donner quelques éléments supplémentaires ? Est-ce que, par exemple, vous pensez à un emprunt européen consolidant les dettes des différents opérateurs ou équipementiers de téléphone ?
LE PRESIDENT – Je me garderai bien de préjuger les décisions qui pourraient être prises et qui, de mon point de vue, dans ce secteur, ne peuvent être qu'européennes. Donc, je ne vais pas imposer ma solution. Ce que je dis, c'est que cette crise a été notamment provoquée par des ponctions tout à fait excessives, je dirais irresponsables, sur les entreprises à l'occasion de l'attribution des licences UMTS. Cela a eu un impact très lourd en termes d'emplois, on a dû supprimer quelques 200 ou 220 000 emplois, et aussi sur la situation financière des opérateurs concernés.
Alors, il faut que l'Europe réagisse et réaffirme son soutien au secteur des télécommunications dans un contexte où la concurrence mondiale est forte, où notre position était éminente et où, naturellement, nous avons pris un très mauvais coup.
La coordination européenne pour le moment est, le moins que l'on puisse dire, tout à fait insuffisante et, pourtant, elle est essentielle. Alors, j'ai demandé que la Commission nous fasse le plus rapidement possible des propositions afin que le Conseil européen de mars 2003 puisse se prononcer sur les initiatives qu'il fallait prendre à l'échelle européenne afin de répondre à la situation de ce secteur et de promouvoir le développement de l'UMTS.
Voilà ce que je propose. Je ne veux pas préjuger naturellement ce que décideront la Commission et le Conseil.
QUESTION – Monsieur le Président, l'accord que vous avez conclu avec le Chancelier SCHROEDER en matière agricole présage-t-il d'autres accords franco-allemands dans d'autres domaines, en particulier au sein de la Convention européenne ? Les positions de la France vont-elle se rapprocher des positions allemandes, maintenant ?
LE PRESIDENT – Je pense depuis longtemps que la construction de l'Europe, si elle veut progresser, suppose un accord dynamique entre l'Allemagne et la France. Si cet accord existe, les choses vont de l'avant. Toute l'histoire, depuis la création de l'Union à Six, en témoigne. Si cet accord existe, l'Europe fonctionne. Si cet accord n'existe pas, elle s'arrête. Il ne s'agit pas du tout naturellement d'une espèce de volonté d'hégémonie. C'est une constatation mécanique. Et quand parfois on l'oublie, on est durement rappelé à l'ordre par la réalité des choses. C'est une conviction que partage le Chancelier. C'est cette conviction qui nous a conduit à rechercher un accord, je dirais, dans le domaine économique et financier. Cette conviction doit nous conduire à avoir une position commune devant la Convention pour la réforme des institutions. Je ne voudrais pas préjuger les choses, mais je suis convaincu que nous aurons une position commune sur les différents points concernant la réforme des institutions.
Cela, c'est pour les prochaines semaines et mois. Et je voudrais que ceci, et c'est aussi naturellement l'avis du Chancelier, puisse s'exprimer de façon particulièrement ambitieuse, le 22 janvier prochain, à l'occasion de la commémoration du quarantième anniversaire du Traité de l'Elysée, du Traité germano-français de l'Elysée, et qui nous permettrait non pas de changer le Traité, naturellement, mais de faire une déclaration politique très forte permettant de créer des synergies nouvelles entre nos parlements, nos armées, nos entreprises, nos associations, la société civile, etc., de façon à bien marquer la volonté d'agir ensemble et de façon dynamique pour la construction européenne de demain. Mais il n'y a aucun doute sur le fait que, s'il n'y a pas un accord entre l'Allemagne et la France, la construction européenne patine ou s'arrête.
QUESTION – Une question sur la Turquie, s'il vous plaît. Au sommet de Copenhague, est-ce que vous pensez qu'il conviendrait de donner une date pour le début des négociations avec la Turquie ou faudrait-il peut-être une clause de rendez-vous ? Faudrait-il prendre rendez-vous pour fixer une date ou est-ce qu'il faudrait ne rien faire du tout à ce moment là pour la Turquie ?
LE PRESIDENT – Tous les Européens sont, d'une part, impressionnés par les progrès récemment faits par la Turquie, notamment dans le domaine des droits de l'Homme, mais sont obligés de constater que ces progrès sont encore insuffisants et que nous sommes assez loin du respect des critères de Copenhague. Alors, à partir de là, il est très difficile de fixer des dates. On peut fixer des espoirs ou des ambitions. Mais fixer des dates, c'est difficile parce que, je le répète, le début des négociations suppose tout de même la certitude que les critères de Copenhague seront respectés.
Alors, nous verrons cela naturellement au sommet de Copenhague au mois de décembre.
Je vous remercie. |