INTERVENTION
DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
A L'OCCASION DE L'OUVERTURE DE LA CONFERENCE INTERGOUVERNEMENTALE
ROME
SAMEDI 4 OCTOBRE 2003
Nous sommes aujourd'hui réunis pour ouvrir une nouvelle page de l'histoire de la construction européenne : adopter un Traité constitutionnel pour l'Europe élargie. Nos discussions s'appuient sur l'excellent travail effectué par la Convention où chacun a fait des pas vers les autres pour parvenir à un consensus, conformément à l'esprit qui a toujours prévalu au sein de l'Europe.
Dans ce contexte, je souscris pleinement à la démarche que nous propose la Présidence italienne : la France souhaite pouvoir conclure la Conférence intergouvernementale d'ici la fin de l'année et que l'on s'écarte le moins possible du texte de la Convention.
La Conférence intergouvernementale ne doit pas en effet remettre en cause l'équilibre général ni les éléments essentiels du projet élaboré par la Convention.
Certes, personne n'est entièrement satisfait de ce texte et nous avons tous, y compris la France, des motifs d'insatisfaction à faire valoir. Mais contester tel ou tel aspect du compromis, c'est inévitablement ouvrir la « boîte de Pandore » et donc prendre le risque d'un échec grave de conséquence de la Conférence intergouvernementale.
La Convention avait une forte légitimité démocratique puisqu'elle était composée d'une très large majorité d'élus. Ce qu'elle n'est pas parvenue à faire en 16 mois, je ne vois pas comment la CIG y réussirait en quelques semaines.
Comme la discussion va s'ouvrir à partir d'aujourd'hui, il est naturellement légitime que chacun puisse faire valoir ses difficultés. Mais chacun doit bien peser la responsabilité qui lui incombe. Ceux qui proposent des amendements doivent le faire avec l'objectif de recueillir un nouveau consensus, et non pas pour empecher que l'on arrive à un résultat. Je le répète : nous avons aujourd'hui un schéma d'ensemble équilibré, efficace et conforme aux règles démocratiques qui doivent prévaloir au sein d'une Europe élargie ; si nous touchons à un de ses éléments, il faudra pouvoir proposer une solution qui établit un nouvel équilibre qui fasse l'objet d'un consensus.
La Conférence intergouvernementale devra d'abord se consacrer à clarifier certaines questions institutionnelles que la Convention n'a pas pu régler à son niveau. Ce sont les thèmes identifiés par la présidence : je pense en particulier à la présidence des Conseils, au rôle et aux attributions du ministre des affaires étrangères de l'Union, à la défense. Ce travail, que nos ministres engageront dès cet après-midi, doit se faire bien entendu sans revenir sur le résultat adopté par la Convention : il nous faut clarifier ou préciser mais naturellement pas détruire.
Par ailleurs, la Conférence intergouvernementale devra rechercher un accord sur un nombre restreint d'ajustements concernant les politiques de l'Union. Je pense par exemple à la gouvernance économique, en particulier au renforcement de la capacité des pays membres de la zone Euro à prendre eux-memes les décisions qui ne concernent qu'eux. Je pense aussi à la nécessité de préserver un bon équilibre entre les pouvoirs des institutions, notamment lors de l'adoption du budget.
Cette négociation est le premier acte de l'Europe élargie. Nous devons faire la preuve qu'une Union forte de 25 membres peut parvenir, sans heurts et sans tensions, à des décisions ambitieuses et courageuses, adaptées aux défis auxquels elle doit faire face. Quelles que soient nos différences de situation et d'intéret, sachons nous écouter et refuser les divisions artificielles. Sachons surtout ne pas faire retomber l'espoir des citoyens européens qui, mobilisés pour un succès de la Convention, attendent que nous répondions maintenant à leur demande de « plus et mieux d'Europe ». |