Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue du Conseil européen.
Madrid (Espagne) , samedi 16 décembre 1995.
Je voudrais d'abord vous remercier d'être présents aussi nombreux, journalistes français ou journalistes étrangers. Très brièvement d'abord, quelques observations sur ce Sommet avant de répondre à quelques questions exclusivement sur le Sommet.
D'abord bravo, la présidence espagnole, elle a été menée de main de maître exécutée avec autant d'élégance que d'intelligence et, elle a pu se dérouler matériellement de façon parfaite. Je voudrais donc exprimer au Premier ministre et à tous ses collaborateurs, mes remerciements et ma gratitude.
Nous avons évoqué essentiellement quatre sujets que vous connaissez bien. Je serai donc fort bref.
L'Union économique et monétaire : nous avons arrêté le nom de la monnaie. Vous savez que la France n'était pas demandeuse d'un changement de nom. Je trouvais que l'écu avait une certaine qualité, mais l'unanimité s'est faite sur le nom d'euro et par conséquent, nous l'avons volontiers accepté. Nous avons également arrêté le scénario du passage à la monnaie unique : début 1998, constatation de la situation et décision sur les pays aptes à entrer ; 1er janvier 1999, fixité des taux de change; 2002, sortie des nouveaux billets et des nouvelles pièces. Ce sera d'ailleurs le moment fort pour l'ensemble des Européens concernés.
Alors, j'entends, ici ou là, parfois, quelques reproches fait à la monnaie unique, je crois qu'ils sont injustes. On dit que la monnaie unique nous impose des critères de convergence et à partir de là, des contraintes. Ce n'est pas la monnaie unique qui nous impose cela, c'est la situation de nos finances. Un grand pays, comme une famille, comme une entreprise, doit gérer ses affaires sérieusement. Et donc, nous devons, en toute hypothèse, lutter contre nos déficits. Ce n'est pas naturellement pour des critères ou pour des raisons européennes que nous le faisons. C'est parce que c'est une nécessité si nous voulons maintenir et conserver notre capacité à développer notre économie et à progresser dans le domaine social.
On nous dit parfois que cette monnaie unique est de nature à freiner l'emploi, mais vous aurez observé que c'est partout où la monnaie est forte que l'emploi est le moins touché, qu'il s'agisse du Japon, de la Suisse, de l'Allemagne et l'on pourrait allonger la liste.
On dit parfois que c'est une atteinte à la souveraineté. Je voudrais prendre un exemple qui est particulièrement fort dans mon esprit, vous l'imaginez. Je voudrais rappeler que c'est le général de Gaulle qui a proposé le premier, en 1965, l'Union monétaire, le premier. Parce qu'il savait très bien et il le disait souvent, qu'il n'y a pas de progrès ni de développement possible sans la fixité des taux de change. Et, la monnaie unique, ce n'est rien d'autre que l'achèvement de la fixité des taux de change. Il faut donc surtout insister, de mon point de vue, sur les avantages, la sécurité que donne la stabilité des taux d'intérêt par conséquent plus bas. Et cela c'est l'essentiel pour encourager les forces vives d'un pays.
Nous devons avoir aujourd'hui un pôle monétaire européen fort, si nous voulons limiter les dégâts que causent sur nos économies les fluctuations aberrantes du dollar. Nous devons en terminer avec les dévaluations compétitives en Europe qui nous ont fait tant de mal. Donc, il y a, à l'évidence, une synergie entre stabilité des taux de change et développement, donc croissance et donc emploi.
Ensuite, nous avons parlé de la conférence intergouvernementale, mais vous savez ce que nous nous sommes dits. Nous souhaitons, tous ensemble, une conférence qui soit courte et ciblée, une Politique extérieure et de sécurité commune qui soit incarnée et qui ait de l'autorité et une relation étroite avec l'Union de l'Europe occidentale.
Nous voulons voir comment nous pouvons répondre à un certain nombre de problèmes de société, notamment, lutter plus efficacement contre la drogue, ce qui suppose, entre autres choses, une harmonisation des législations internes dans la Communauté et par conséquent, une discussion sur la place de la drogue. Est-ce que cela doit être dans le troisième pilier ? Plus exactement est-ce que cela doit être dans la compétence intergouvernementale ou dans la compétence communautaire ?
Nous voulons aussi des institutions plus démocratiques au niveau du Parlement européen. Nous voulons une meilleure association des parlements nationaux à l'élaboration de la politique et de la législation commune. Nous sommes très attachés, comme nos amis allemands et comme les autres, à la vraie application du principe de la subsidiarité.
Et enfin, nous voulons qu'on lève une ambiguïté un peu hypocrite. C'est-à-dire que ceux qui veulent aller plus vite dans la direction donnée puissent le faire, à condition de ne pas léser les intérêts de certains et à condition de laisser, naturellement les portes ouvertes.
Ensuite nous avons évoqué l'emploi et plus largement d'ailleurs, l'Europe sociale et humaine. Personne ne peut contester que les Européens aujourd'hui sont un peu sceptiques à l'égard de l'Europe, méfiants et parfois agressifs. En tous les cas, plus qu'il y a quelques années. Il y a à cela un certain nombre de raisons, la crise en est une et quand il y a crise on cherche un bouc émissaire. Mais la gestion qui a été celle de l'Europe et notamment le caractère trop technocratique de la gestion européenne en est une autre. Donc, il est indispensable de redonner une grande ambition. Vous savez, quand on a lancé l'idée européenne au lendemain de la guerre, il y a eu une grande adhésion des peuples, parce qu'ils ont vu dans cette idée la possibilité de la paix. Aujourd'hui, nous avons vécu en paix longtemps, alors on ne se rend pas compte que la paix est un état précaire et que l'Europe est le meilleur rempart contre la guerre, l'intolérance et la violence. Mais, également, l'Europe a pour nécessité d'intégrer beaucoup plus qu'elle ne le fait la dimension humaine des problèmes qui s'y posent. Il faut que les citoyens aient conscience que l'Europe ce n'est pas seulement la paix, c'est aussi grâce à la stabilité, grâce à la coopération, grâce au dialogue, c'est aussi le progrès social.
Nous avons longuement parlé de cela. On a quelques signes positifs. Le rapport des organisations syndicales et patronales UNICE et CES, c'était un rapport, cette année, très intéressant. Pour la première fois, il y a eu rapport commun entre les ministres des finances et ceux des affaires sociales sur les problèmes de l'emploi. Ce qui prouve que la technocratie est obligée de se plier à quelque discipline. C'est un progrès. Il y a eu pour la première fois, signée hier, un accord entre le patronat et les syndicats sur l'ensemble européen au sujet du congé parental. Le congé parental est quelque chose d'important, mais ce qui est plus important encore, c'est que ce soit une première et que cela ouvre les portes à un dialogue plus affirmé sur le plan social.
Pour le reste, vous savez ce que l'on a évoqué. Le rôle et la place et l'encouragement qu'on doit donner aux petites et moyennes entreprises, dans le droit fil d'ailleurs, du plan que le gouvernement français a récemment adopté. J'ai insisté aussi : sur la préservation des services publics, car ils participent à la culture d'une nation ; sur les discussions nécessaires sur l'aménagement du temps du travail et sur la durée du travail, tout ce qui permet de faciliter le dialogue social ; sur des initiatives en matière d'éducation et de formation - et nous avons des leçons à prendre en France chez nos partenaires ; et j'ai beaucoup insisté sur la nécessité de sortir le programme de lutte contre l'exclusion, programme européen, qui est malheureusement, et toujours, bloqué pour des raisons que je n'ai pas réussi à déterminer.
Enfin, nous avons parlé de l'élargissement. Vous savez ce que nous avons dit. C'est-à-dire que tous les pays candidats étaient sur un pied d'égalité pour ce qui concerne la candidature. Naturellement, les suites données à cette candidature dépendent de la situation et des efforts de chaque pays.
Voilà ce que nous avons évoqué. Ce soir nous aurons la troïka qui reçoit Madame Ciller, Premier ministre turc, à la suite de l'heureux dénouement au Parlement européen qui a voté, à une très large majorité, l'accord d'association, enfin, j'ai fait savoir que nous étions très favorables au projet d'observatoire européen proposé par la commission que préside le Français Jean Kahn, concernant la lutte contre le racisme et la xénophobie.
Voilà mesdames et messieurs, ce que nous avons évoqué et je suis tout prêt à répondre à quelques questions, exclusivement sur les problèmes européens.
QUESTION: - Une question sur le Sommet, justement, qui a vu la continuation de votre querelle avec Monsieur Dini, est-ce qu'il y a un problème personnel entre vous et Monsieur Dini, et croyez-vous que cette querelle avec un pays voisin, ami et allié, ne soit pas déjà allée trop loin ?
LE PRESIDENT: - Ecoutez, je vous dis tout de suite, que moi, je ne me sens pas en situation de querelle avec Monsieur Dini, pas du tout. J'ai beaucoup d'estime et d'amitié pour l'Italie, je vous signale que Paris et Rome ont un jumelage exclusif, que j'ai toujours été très attentif aux relations, et aux bonnes relations, entre la France et l'Italie, et je n'ai pas du tout de querelle. Le Premier ministre italien a cru devoir prendre une attitude que j'ai considérée comme peu compatible avec les exigences de la solidarité européenne à l'occasion d'un vote à l'ONU, j'en ai tiré les conséquences, la page est tournée.
QUESTION: - - Je crois comprendre que vous avez pas mal développé le sujet de la drogue, au cours de ce Conseil européen. Je voudrais savoir, d'une part, si le projet d'un Sommet consacré à la drogue avec notamment la Hollande et l'Allemagne était toujours prévu, et d'autre part, si vous pensez qu'il y a une possibilité d'harmonisation de la législation européenne en matière de drogue ?
LE PRESIDENT: - La drogue est un problème de plus en plus inquiétant, car vous savez aussi bien que moi que la production de drogue augmente de façon forte et que dans cette production, c'est la partie des drogues dures, qui augmentent le plus fortement. Alors à partir de là, il est tout à fait indispensable d'avoir une stratégie concertée beaucoup plus efficace que celle que nous avons. Et ceci dans tous les domaines, je ne rentrerai pas dans le détail, je me suis très souvent exprimé sur ce sujet.
Alors vous me demandez si un Sommet aura lieu. Nous avons prévu, avec le Premier ministre hollandais, le chancelier allemand, et moi-même, une rencontre au premier trimestre prochain, pour parler de ces problèmes. Rencontre qui d'ailleurs a été précédée d'un dîner de travail qui a eu lieu à l'Elysée, il y a un mois et demi à peu près, avec le Premier ministre hollandais et son ministre des Affaires étrangères, le ministre français des Affaires étrangères et moi.
Je vous signale qu'à l'occasion de ce Sommet nous avons également évoqué l'initiative franco-britannique pour la Caraïbe, qui est une initiative forte. Et j'ai été heureux d'apprendre, de la bouche du Premier ministre Wim Kok, qu'il était déterminé à mettre en oeuvre tous les moyens douaniers nécessaires à Saint-Martin, qui, comme vous le savez, est une petite île coupée en deux - l'autorité hollandaise est d'un côté, l'autorité française de l'autre, pratiquement pas de frontière, naturellement - et qui est un point de passage extrêmement important, de plus en plus important, de drogues. J'ai été heureux que le Premier ministre hollandais m'annonce cette initiative de son pays.
L'harmonisation, c'est une nécessité. C'est une nécessité, je ne porte pas de jugement, sur le bien fondé ou l'efficacité des politiques des uns et des autres, dans le domaine économique, dans le domaine social, nous nous efforçons d'harmoniser les législations en Europe. Eh bien, dans le domaine de la drogue, il est indispensable que nous fassions la même chose, indispensable, et nous ne lutterons pas efficacement contre le trafic de drogue en Europe si nous n'harmonisons pas, entre autres choses, les législations intérieures des pays qui composent l'Europe.
QUESTION: - Vous dites qu'il y a égalité de traitement entre tous les pays candidats, n'y a-t-il tout de même pas une différence entre des pays comme Chypre et Malte qui sont assurés de commencer leurs négociations six mois après la fin de la conférence intergouvernementale et les pays d'Europe centrale et orientale, pour lesquels, d'après ce que l'on sait, il n'y a pas de date fixée ?
LE PRESIDENT: - Si, il a été admis que les PECO, - je n'aime pas beaucoup ce mot - auraient vocation à engager le processus en même temps que Chypre et Malte, c'est-à-dire : tout le monde a vocation à commencer six mois après la fin de la conférence intergouvernementale.
QUESTION: - On a fait un pas en avant, en ce qui concerne la monnaie, ici à ce Sommet, et en même temps on a rappelé qu'on ne ferait pas l'Europe sans s'occuper du chômage et des problèmes sociaux, vous même, je crois, vous avez souligné cet aspect est-ce qu'on peut dire, qu'à partir de ce qui s'est passé, ce qui s'est dit ici, il va y avoir une avancée européenne non seulement en ce qui concerne la monnaie, mais également en ce qui concerne les aspects sociaux de la construction européenne ; et, bien évidemment, il semble que quand même, bien que la distance soit grande entre Madrid et Paris, on ait écouté ici les rumeurs des manifestations de Paris, et qu'on ait tenu compte d'un climat social qui s'est détérioré en Europe ?
LE PRESIDENT: - Je ne sais pas si le climat social s'est détérioré en Europe. Ce que je peux dire, en revanche, pour avoir suivi directement ou indirectement les Sommets depuis fort longtemps, c'est que j'observe que, depuis un an, la place des problèmes sociaux et notamment du chômage - y compris maintenant de l'exclusion - est dans nos délibérations beaucoup plus importante qu'elle ne l'a jamais été, ou qu'elle ne l'était dans le passé, ce qui montre une évolution. Je n'ai pas besoin de vous dire que je suis, pour ma part, très favorable à cette évolution, et que je m'efforce de la promouvoir.
QUESTION: - Il y a 18 millions de chômeurs dans l'Union européenne, vous l'avez tous répété, le Président Gonzalez devait présenter un rapport sur la politique de l'emploi, il semble qu'il n'y ait pas d'initiative nouvelle et que l'Europe soit un peu en panne de recettes pour augmenter l'emploi ?
LE PRESIDENT: - Vous savez, celui qui aurait la recette pour faire augmenter l'emploi ferait immédiatement fortune, cela il n'y a pas l'ombre d'un doute, et l'Europe n'a certainement pas la prétention d'avoir une baguette magique avec laquelle l'emploi pourrait être sensiblement amélioré, comme, hélas, aucun gouvernement européen n'a non plus cette baguette magique.
En revanche, il y a quelques certitudes, la première est que le monde est tel qu'il est aujourd'hui et qu'il n'est pas le monde d'il y a dix ans. Il n'y a pas de lutte possible contre le chômage - tout le monde en est bien maintenant convaincu - sans une grande rigueur sur le plan de la gestion des finances publiques. Et cela pour une raison simple : c'est parce qu'à partir du moment ou il n'y a pas rigueur dans la gestion des finances publiques, il y a des déficits. Quand il y a déficit, naturellement il faut les combler, on les comble en augmentant les prélèvements obligatoires, alors que parallèlement, ces déficits provoquent sur les marchés internationaux une augmentation des taux d'intérêt, si bien que par le biais des prélèvements obligatoires et des taux d'intérêt, les forces vives, ceux qui travaillent, ou qui investissent, sont doublement pénalisés. On crée ainsi du chômage qu'on est obligé d'indemniser à son tour en augmentant à nouveau les déficits, c'est un cercle vicieux. Cela au moins, on en a pris conscience.
Et donc, tout le monde est bien convaincu qu'une rigueur sur le plan de la gestion des deniers publics est le préalable, ou est une condition essentielle, de la lutte contre le chômage. A partir de là, il y a naturellement d'autres moyens. Le très important effort que fait l'Europe par exemple, dans le domaine de l'aide aux petites et moyennes entreprises, et qui va se développer, est un élément de cette nature, puisque aussi bien, on le sait, les petites entreprises sont l'un des gisements - je n'aime pas ce terme - comme disent certains spécialistes, d'emplois les plus importants. Il y a également tout ce qui touche aux grands réseaux sur lesquels on progresse avec une sage lenteur, hélas. Enfin, on progresse, cela y est. Le TGV reçoit ses premiers écus. Cela pourrait aller plus vite.
QUESTION: - M. le Président, comment comptez-vous apporter un supplément d'âme à l'Europe ?
LE PRESIDENT: - C'est un beau sujet de premier jour. Je crois que si déjà on prenait conscience du fait que la société moderne doit être une société solidaire, comme l'étaient les sociétés traditionnelles qu'on ne doit pas laisser se développer l'exclusion sous toutes ses formes, on aurait ce supplément d'âme. Le jour où les Européens auront bien compris que cette Europe se veut une Europe de solidarité, une Europe luttant contre l'exclusion, une Europe où chacun aurait sa place, comme ce fut le cas, et comme c'est toujours le cas dans beaucoup de sociétés que nous avons tendance à considérer comme sous-développées, déjà, on aurait retrouvé ce supplément dont vous parliez.
QUESTION: - Certains pays aimeraient bien taxer un peu plus les revenus financiers et un peu moins les revenus du travail, mais c'est difficile, parce qu'il n'y a pas d'harmonisation fiscale en Europe. Alors, il y avait une bonne idée qui était d'instaurer une retenue à la source. Est-ce que cette idée va revenir dans les jours prochains sur la table des discussions européennes ou est-ce que vous pensez qu'elle est définitivement abandonnée ?
LE PRESIDENT: - Non, je ne crois pas qu'elle soit abandonnée, de surcroît, je crois qu'elle est bonne et enfin je crois qu'il est nécessaire de faire quelque chose pour qu'il y ait une certaine harmonisation, parce que, s'il n'y a pas harmonisation, chacun le comprend bien, il y aura immédiatement un flux créé vers les pays les plus favorisés. Donc, il est nécessaire d'harmoniser. C'est aussi un problème moral et j'y suis tout à fait favorable.
QUESTION: - Monsieur le Président, vous avez dénoncé le caractère trop technocratique de la gestion de l'Europe et vous avez souligné la nécessité de faciliter le dialogue social. Pensez-vous que la gestion de la crise des derniers jours en France est un modèle à montrer à l'Europe pour justement la gestion technocratique et la façon de faciliter le dialogue social. Nonobstant votre...
LE PRESIDENT: - Je ne sais si vous faisiez la sieste - ce que je comprends très bien, l'heure est propice - quand j'ai ouvert ce point de presse. Alors, je m'excuse de vous avoir réveillé, mais, je peux vous dire que je ne ferai pas de commentaires sur les sujets.
QUESTION: - Que pensez-vous de l'attitude adoptée lors de ce Sommet et avant ce Sommet par John Major, le Premier ministre britannique et notamment les déclarations faites ce matin à la BBC affirmant qu'il s'agissait d'un acte de pure folie quant à la monnaie unique ?
LE PRESIDENT: - Je laisse à John Major la responsabilité de ses jugements que je n'ai pas entendus et, par conséquent, je ne cautionne pas ce que vous venez de citer, la citation que vous avez faite. Moi, j'ai une grande confiance dans la participation de l'Angleterre à l'Europe. Je suis persuadé que nous serons surpris et agréablement surpris. J'ai aussi une grande confiance dans le réalisme et le sens politique de John Major.
QUESTION: - Le chancelier Kohl a dit qu'il ne pourrait pas y avoir de lancement de la monnaie unique le 1er janvier 1999 sans la France. Est-ce que vous avez pu donner des garanties aux Allemands et aux autres partenaires pour dire que nous serons bien au rendez-vous du 1er janvier 1999, en dépit des problèmes que nous connaissons.
LE PRESIDENT: - Premièrement, la France a ratifié le traité de Maastricht, certains étaient pour, certains contre, à peu près moitié-moitié, enfin, elle l'a ratifié. C'est donc sa loi Nous avons pris un engagement. Vous n'imaginez tout de même pas, que la France, surtout à la place où je me trouve, ne tiendrait pas ses engagements. Donc la question est sans fondement.
QUESTION: - Tout d'abord, Monsieur le Président, je suis très content que la France soit en train de régler son problème, parce que les problèmes de la France sont les nôtres, comme la joie de la France, c'est aussi notre joie.
LE PRESIDENT: - Voilà l'Europe !... Je suis très sérieux. C'est cela l'Europe ! Voilà un journaliste espagnol qui dit - Felipe Gonzalez me dit exactement la même chose - : "les problèmes de la France c'est aussi nos problèmes, et la joie de la France, c'est aussi notre joie". Voilà l'Europe, cela prouve que nous progressons. Je vous en remercie.
QUESTION: - Je suis espagnol, mais je ne suis pas socialiste.
LE PRESIDENT: - Moi non plus. Nous avons donc un point commun.
QUESTION: - Ma question est la suivante, pensez-vous qu'il y a un risque de déviation de l'Europe vers sa dilution dans une vaste zone de libre échange ?
LE PRESIDENT: - Cher Monsieur, je crois que ce risque a existé. Il a existé d'abord au début, dans les années 60, avec, en particulier, la création de l'association de libre échange, puis ensuite le risque a régressé. Après de nouveau, il est apparu au moment où l'on a conçu l'idée de l'élargissement. Certains ont vu dans l'élargissement la possibilité d'une dilution, autrement dit, on opposait l'élargissement à l'approfondissement. Je crois qu'aujourd'hui, tout le monde est bien convaincu que ce risque a disparu. Plus personne aujourd'hui ne remet en cause l'acquis communautaire et donc, l'élargissement se fait sans remise en cause de cet acquis. C'est d'ailleurs précisé, vous le verrez dans le document qui a été adopté par le Conseil, il est bien précisé que l'élargissement se fait sans remise en cause de l'acquis communautaire et des politiques communes, notamment agricoles. Donc, je crois qu'il n'y a plus ce danger, je crois que c'est fini.
QUESTION: - La décision qui a été prise sur la monnaie unique doit permettre le déclenchement d'une vaste campagne d'information et de sensibilisation des Européens sur cette monnaie unique avec comme objectif, qu'ils puissent se l'approprier selon les termes même du Commissaire qui a proposé le scénario. Qu'est-ce que la France compte faire pour effectivement participer à cette campagne de popularisation et permettre aux Français non seulement de s'approprier cette future monnaie, mais de s'approprier un peu plus une image positive de l'Europe !
LE PRESIDENT: - Ce que la France fera dans le cadre de cette campagne, c'est le gouvernement qui en décidera, mais je suis sûr qu'elle participera activement à cette campagne. Je crois que ce qui est important, c'est votre dernière phrase, à savoir, qu'il faut que les Européens, petit à petit, s'approprient cette monnaie. C'est toujours un exercice difficile, quand vous pensez qu'il y a encore des gens qui parlent en anciens francs. Chez moi, en Corrèze, sur le plateau de Millevaches, les gens qui parlent en anciens francs sont plus nombreux que les gens qui parlent en nouveaux francs.
Donc, il y a un problème, une habitude qui doit être assumée. Effectivement, je crois qu'aujourd'hui, naturellement, les moyens médiatiques sont beaucoup plus forts que ceux qui existaient quand on a créé le nouveau franc et donc on peut espérer que si l'on fait une campagne de communication à la fois forte et intelligente, cohérente entre les différents pays, animées par les autorités européennes, probablement, on arrivera plus rapidement, mais cela demandera quelques années, d'imprimer cette idée dans l'esprit des Européens.
Mais, elle commence, regardez par exemple les organisations syndicales et professionnelles agricoles, qui sont des gens très sérieux, toujours un peu à l'avance des autres, eh bien ils ont déjà parfaitement réalisé et ils demandent avec beaucoup d'exigence la mise en place de la monnaie unique le plus rapidement possible, et ils l'ont déjà complètement intégrée. Les paysans sont des gens réalistes, alors je pense que cela ira, probablement, maintenant, grâce aux médias, plus vite que prévu.
Je vous remercie.
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