Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Tony BLAIR, Premier ministre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne à l'occasion du XXVIIIème Sommet franco-britannique
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Palais de l'Élysée - Paris, le vendredi 9 juin 2005
LE PRESIDENT - Mesdames, Messieurs, je suis heureux de saluer amicalement les représentants de la presse britannique, française ou étrangère et très heureux de le faire à l'occasion de la venue, pour ce XXVIIIème Sommet franco-britannique, du Premier ministre, de ses ministres et de leurs collaborateurs. Je leur souhaite, au sens propre du terme, la plus cordiale des bienvenues.
Lorsque l'on observe l'Histoire, on s'aperçoit que la Grande-Bretagne et la France ont eu, souvent ou parfois, des raisons d'opposition elles se sont disputées, parfois se sont combattues. Mais nous sommes, fort heureusement, aujourd'hui, et de plus en plus, profondément dans une période de solidarité, d'accord et d'entente. Et de cela, je crois pouvoir dire que le Premier ministre se félicite et, en tous les cas, moi, j'en suis particulièrement heureux. C'est donc de tout cœur que je l'accueille aujourd'hui pour ce XXVIIIème Sommet et je vais vous dire rapidement quels sont les sujets que nous avons abordés au cours de notre entretien limité et, ensuite, au cours de l'entretien élargi aux membres du gouvernement.
Le premier point que nous avons évoqué, c'est celui de l'énergie et des changements climatiques. Nous sommes très inquiets de l'évolution du monde d'aujourd'hui en ce qu'il met en cause un certain nombre d'équilibres qui risquent de se traduire par des changements climatiques lourds de conséquence pour l'avenir de la planète et de ses habitants, ceci étant dû à une utilisation peut-être déraisonnable des sources d'énergie.
Nous avons mis ensemble au premier rang de nos préoccupations une politique européenne de l'énergie qui nous permette d'être, à la fois, plus assurés pour ce qui concerne nos ressources dans le domaine de la compétitivité mais, également, plus prudent dans le domaine de l'utilisation de ces ressources et les conséquences que cela comporte et notamment pour ce qui concerne la limitation des énergies d'origine fossile. Ce programme procède de volonté et se traduit par des décisions, prises au dernier Conseil européen, qui sont des décisions importantes dans l'immédiat et aussi pour l'avenir.
Dans le même esprit, nous avons aujourd'hui décidé de créer un forum franco-britannique sur l'énergie nucléaire. Chacun comprend que l'énergie nucléaire est un des éléments de réponse au problème énergétique du monde de demain - je dis bien : un des éléments de réponse - mais qui suppose que l'on mette une coordination à la fois technique dans le domaine de la production, dans le domaine de la sécurité, dans le domaine du démantèlement, bref dans le domaine de la gestion d'ensemble de cette énergie nucléaire. Il est légitime que deux pays comme la Grande-Bretagne et la France soient soucieux d'avoir, de ce point de vue, une action commune, une réflexion commune, voire des décisions communes.
Deuxième domaine que nous avons évoqué, c'est celui de la politique défense. Il faut savoir que la défense est tout à fait capitale pour nous. La Grande-Bretagne et la France, ensemble, représentent 50 % de l'effort européen de défense, 50 % de l'effort des 25 et les deux tiers de l'effort de recherche dans le domaine militaire, de l'ensemble européen. C'est dire que notre rôle, nos responsabilités, nos ambitions au sens noble du terme, sont tout à fait déterminantes.
Nous en avons pris conscience depuis un certain temps. Nous avions déjà lancé, avec toute la prudence nécessaire mais la détermination qui était nécessaire aussi, à Saint-Malo, lors de notre rencontre, cette politique de défense commune qui s'est développée petit à petit, y compris par la création de l'Agence de l'armement et nous avons participé, ensemble, à beaucoup d'opérations. C'est vrai dans le domaine des Balkans, avec les opérations de maintien de l'ordre, de maintien de la paix. C'est vrai dans les opérations africaines, c'est vrai pour ce qui concerne des matériels essentiels comme par exemple la création en commun qui est maintenant quasiment décidée d'un porte-avion franco-britannique. Ce porte-avion est bien parti, c'est-à-dire que tout permet de penser qu'en début de l'année prochaine, une décision définitive pourra être prise pour ce qui concerne la construction de ce porte-avion.
Au delà de la défense, nous avons évoqué la préparation du prochain Conseil européen qui a lieu à Bruxelles et nous avons également une approche tout à fait commune des choses. A savoir que nous nous référons aux décisions qu'ensemble, nous avons prises à Hampton Court, lors du Conseil européen sous présidence britannique, à l'occasion duquel nous avons décidé de privilégier les actions qui concernent l'ensemble des Européens, qu'il s'agisse de la sécurité, qu'il s'agisse de l'emploi, qu'il s'agisse du développement et de l'activité économique. Nous avons, dans ce domaine, confirmé notre action commune pour le lancement de ces actions, qu'il s'agisse de la recherche, qu'il s'agisse de l'immigration, qu'il s'agisse de l'éducation, la défense que j'ai déjà citée, qu'il s'agisse de l'énergie, j'en ai dit un mot à l'instant. Nous sommes donc, tout à fait, sur ce point, déterminés à poursuivre l'Europe des projets, c'est-à-dire l'Europe des citoyens, la construction de l'Europe des projets et des citoyens.
Par ailleurs, nous sommes d'accord sur le fait que, compte-tenu de la position prise par un certain nombre de pays, ceux qui ont approuvé le traité constitutionnel, ceux qui l'ont désapprouvé en votant "non", c'est-à-dire la France et les Pays-Bas, et ceux qui ont interrompu - ils sont au nombre de cinq ou six - les procédures d'approbation de ce traité constitutionnel, pour respecter la position des uns et des autres, nous avons estimé qu'un délai de réflexion prolongé par rapport au prochain Conseil européen était nécessaire et qu'il convenait de se rallier à l'idée d'une prolongation du délai de réflexion.
Néanmoins, cela n'impliquait pas que l'on ne fasse rien. Nous sommes d'accord pour que l'on recherche -c'est une proposition qu'avait faite récemment la France et qui a été approuvée par la Commission européenne - que l'on recherche le moyen d'améliorer le fonctionnement des institutions, dans le cadre actuel des traités existants. C'est-à-dire sans aucune modification des traités, mais avec une amélioration technique dans un certain nombre de domaines, du fonctionnement. C'est vrai, en particulier pour ce qui concerne la responsabilité des parlements au titre du principe de subsidiarité. C'est vrai dans certains domaines pour faciliter une décision à la majorité lorsqu'elle est possible et qu'elle n'était pas prévue.
Nous avons également évoqué le problème de la capacité d'absorption d'un élargissement supplémentaire et là, nous sommes également d'accord. Il est évident que tout élargissement supplémentaire, au-delà ce qui est actuellement prévu et décidé, suppose une réflexion au niveau de l'Union européenne car cela comporte des conséquences politiques, sur la capacité de nos opinions publiques à accepter des élargissements successifs et ultérieurs même s'il est nécessaire de les envisager pour des raisons qui tiennent à la paix, à la démocratie et au développement.
Et deuxièmement, sur les conséquences financières que ces éventuels élargissements peuvent comporter, notamment sur notre capacité et nos moyens pour financer les politiques communes, par exemple la politique agricole ou celle de la cohésion sociale ou d'autres.
Troisièmement, sur les conséquences sur le fonctionnement même de nos institutions qui, il faut le reconnaître, sont déjà un peu saturées par rapport au nombre de parties prenantes dans nos décisions. Donc, il y a une réflexion à avoir. Le Premier ministre britannique m'a fait valoir que cela supposait un principe au départ, c'est que l'on ne modifie en rien les critères d'élargissement, ceux que nous avons arrêtés à Copenhague en particulier. Je lui ai dit que nous étions tout à fait d'accord sur ce point, que les critères ne devaient pas être rediscutés, ne devaient pas être modifiés et a fortiori même pas discutés. Il n'y a pas lieu, il n'y a pas l'objet d'une discussion des critères.
Le point suivant que nous avons évoqué, ce sont les initiatives communes que nous avons prises dans le domaine de la paix mais surtout, dans celui du développement, et en particulier, la recherche de financements innovants avec les initiatives britanniques en ce qui concerne la vaccination, un programme important auquel la France s'associe. Deuxièmement, les programmes de taxation des billets d'avion auxquels l'Angleterre a souscrit également, permettant de dégager des moyens pour lutter dans les pays pauvres, notamment chez les jeunes contre la tuberculose, la malaria et le sida.
Nous sommes tout à fait d'accord, là aussi, pour une avancée forte. Ce qui est important, ce sont les effets positifs de ce qui a été appelé UNITAID et qui est soutenu par la FIFA, je vous le signale, à l'occasion de la Coupe du monde, c'est de faire un exemple, de faire une expérimentation de financements innovants. Car il est évident que nous ne réglerons aucun des problèmes de développement dans le cadre des financements actuels de l'aide au développement. Nous ne le ferons pas. On pourra le dire mais on ne le fera pas. Il faut donc trouver des financements innovants qui permettent d'augmenter l'aide au développement et de permettre un triplement de l'aide. Ce qui est nécessaire si l'on veut assurer nos responsabilités en matière de développement.
Enfin, nous avons évoqué les grands problèmes internationaux sur lesquels nous n'avons aucune divergence de vue. L'Iran, naturellement : nous sommes associés dans un processus que nous avons engagé, ensemble, les trois Européens avec l'Allemagne, qui s'est récemment élargi aux Américains, aux Russes et aux Chinois et qui, je l'espère, nous permettra de trouver une sortie de crise honorable pour chacun et efficace pour tout le monde au problème iranien tel que nous le voyons aujourd'hui se développer.
Nous avons également partagé le même sentiment sur la situation au Liban. Espoir dans le dialogue, inquiétude éventuellement, compte tenu du comportement de la Syrie qui n'est pas toujours ce que l'on pourrait souhaiter et qui doit, impérativement, respecter la Résolution 1680 des Nations Unies et accepter les exigences de la communauté internationale pour ce qui concerne la sécurité et l'indépendance du Liban. Sur le processus israélo-palestinien et sur la nécessité d'obtenir du Hamas de respecter les trois conditions qui, vous le savez, sont mises par la communauté internationale. Essentiellement, le respect de la reconnaissance d'Israël et le respect des traités entre l'OLP et Israël, mais aussi la nécessité pour l'Union européenne et la communauté internationale d'assurer les aides nécessaires au peuple palestinien qui, sans cela, sera confronté à une crise tout à fait dramatique sur le plan humain et tout à fait dangereuse sur le plan politique, y compris l'aide pour permettre le paiement des traitements des fonctionnaires.
Nous avons enfin évoqué la réforme des Nations Unies. Bref, sur tous ces points, nous avons une approche et des conclusions tout à fait identiques.
Voilà ce qui a été fait, aujourd'hui, et je me réjouis de l'excellent état d'esprit dans lequel nous avons pu discuter de ces problèmes sans y trouver de raison particulière d'opposition quelconque.
M. TONY BLAIR - Tout d'abord, permettez-moi de remercier le Président CHIRAC, tous les collègues Ministres, pour l'accueil très chaleureux qui nous a été réservé ici, aujourd'hui. Le Président a évoqué toutes les différentes questions dont nous avons parlé, je ne vais pas les répéter.
La seule chose, pour me faire l'écho de ce qu'il a dit dès le départ, et dont je suis de plus en plus convaincu porte sur l'avenir de la France et de la Grande-Bretagne qui est un avenir dans lequel nos destinées seront liées de manière irréversible. Il est d'une importance extrême que nos deux pays oeuvrent ensemble et il est également important pour nos deux pays que l'Europe avance. Et nous devons aider à conduire et à pousser ce progrès dans la mesure du possible, aujourd'hui. Qu'il s'agisse du défi de la mondialisation économique ou des différents défis géopolitiques du monde actuel, nous voyons que les choses vont mieux quand nous y travaillons ensemble et qu'elles vont moins bien quand nous ne le faisons pas.
Je me réjouis donc de l'esprit qui a prévalu aujourd'hui et je remercie le Président et les ministres, non seulement, d'avoir organisé cette réunion mais également de l'esprit qui a prévalu.
La deuxième chose que je voulais dire et que nous avons évoquée et, en particulier, je voudrais remercier le Président et les ministres, pour notre coopération sur la question de l'Iran, qui a été très importante mais aussi comme il l'a dit, sur tous les problèmes internationaux. Nous avons une position commune ; nous avons tous deux une passion pour l'Afrique et nous voulons intensément améliorer la situation et nous voulons, tout comme les Français ont soutenu l'IFF sur les vaccinations, soutenir l'idée qui a été promue par la France et nous y apporterons notre contribution, en temps voulu.
Je voudrais également souligner que l'agenda de Hampton Court sur lequel le Président a attiré votre attention, il y a un instant, est très important en ce qui nous concerne, non seulement en soi, mais également parce que cela illustre l'intérêt de notre coopération et celui d'une Europe qui se consacre à des projets importants pour nos citoyens. Bon nombre de discussions se sont tenues sur le sujet de l'énergie, aujourd'hui, et je crois que c'est là un des éléments les plus importants qui sont ressortis de notre réunion.
Il y a deux choses qui poussent nos pays à considérer que la politique énergétique est un facteur important de notre politique nationale et de la politique européenne. La première est la sécurité. Nous avons une réflexion énergétique et nous ferons un rapport, le mois prochain, et fixerons la voie future des besoins en énergie du Royaume-Uni pour l'avenir mais il y a tellement de domaines sur lesquels nous pouvons travailler et apprendre des uns des autres, en particulier dans le domaine de l'énergie nucléaire.
Etablissement d'un forum nucléaire franco-britannique nous permettra de résoudre les problèmes pressants qui se posent. Une chose certaine est que cette politique, pour des raisons de sécurité énergétique, est tout en haut de l'ordre du jour de nos priorités. Mais une autre raison pour laquelle la sécurité énergétique domine les débats dans le monde entier, c'est le changement climatique.
Le Président est d'accord avec moi pour dire que nous avons des éléments probants sur le changement climatique. Il est important d'avoir une politique dans le cadre du traité de Kyoto et également au-delà, en espérant que les principaux pays du monde y participeront. Et je suis convaincu que, sans ce cadre qui contiendrait des objectifs contraignants, il nous sera très difficile de faire les investissements dans la recherche et le développement qui encourageront les milieux d'affaires et industriels, et qui permettront à nos pays d'avoir une croissance durable. C'est d'une importance extrême, non seulement pour nos propres pays, mais également à cause de la croissance économique actuelle de la Chine et de l'Inde.
Dans le domaine de l'énergie, nous avons une coopération très étroite aujourd'hui. Et dans le domaine militaire, comme l'a dit le Président, il y a le porte-avions sur lequel nous travaillons en étroite collaboration, et toute la question de la défense européenne sur laquelle nous coopérons. En ce qui concerne le Conseil européen lui-même, je crois que ce qui est intéressant, c'est que sur des domaines tels que la subsidiarité ou le rôle des parlements nationaux, les positions britanniques et françaises sont très proches.
Donc, encore une fois, Monsieur le Président, merci infiniment de nous avoir accueillis, ici, aujourd'hui. La discussion a été des plus utiles et je serai ravi de la continuer pendant le déjeuner.
QUESTION – Qu'est-ce que le Royaume-Uni peut apprendre du programme nucléaire français ?
M. TONY BLAIR – La situation en Grande-Bretagne, comme vous le savez, est que 20% de notre électricité est d'origine nucléaire. Je crois que c'est de l'ordre de 80% en France, la France a une très longue histoire, depuis plusieurs décennies, où l'énergie nucléaire représente une partie importante de son programme.
Or, le fait est que nous avons tous à faire face aux mêmes problèmes : le démantèlement des centrales, une fois qu'elles ont terminé leur durée de vie, comment l'on traite la question de la gestion des déchets nucléaires, la science, la technologie pour l'avenir··· Dans tous ces domaines, nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres, aujourd'hui. Pendant que nous parlons, il y a, je crois, dans le monde, cinquante ou soixante centrales nucléaires qui sont en cours de construction. C'est avant tout parce que les pays veulent avoir une sécurité, mais aussi parce qu'ils s'inquiètent du développement durable et du changement climatique.
Le fait que la France ait une si longue tradition dans ce domaine nous donne la possibilité de coopérer, en utilisant les expériences des uns et des autres. Si nous décidons de remplacer les centrales nucléaires existantes au Royaume-Uni, cela permettra un exercice des plus utiles entre la France et le Royaume-Uni. Je crois donc que si nous travaillons ensemble de manière raisonnable, nous pouvons enrichir tout le débat européen, car toute l'Europe nous regarde. Je parlais à des entreprises britanniques qui ont vu leurs coûts énergétiques augmenter de 30 à 40% au cours des derniers mois, ceci a un impact énorme sur leurs affaires. Tous les pays européens et pratiquement tous les pays du monde étudient ces questions et nous devons prendre des décisions sur l'énergie nucléaire. La France a une longue expérience et il paraît donc raisonnable de coopérer dans ce domaine.
QUESTION – Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, dans cinq semaines, il y aura un référendum dans les territoires palestiniens. Les fonctionnaires ne sont pas payés depuis plus de deux mois, mais ils vont devoir organiser quand même ce référendum. L'Europe est-elle prête à trouver une solution pour venir en aide à l'organisation de ce référendum, crucial pour le processus de paix ?
LE PRESIDENT – Le Quartet a donné des instructions à l'Union européenne, selon lesquelles l'aide devait être donnée aux Palestiniens dans tous les domaines, y compris celui du règlement des fonctionnaires. Ce qui n'est pas seulement le cadre de la préparation d'un référendum, mais, comme vous l'avez dit concerne près d'un million de personnes qui, avec leurs familles n'ont généralement pas d'autres ressources que le salaire du père ou de la mère de famille. Ils n'ont pas été payés depuis plus de deux mois, il y a donc là une obligation, à la fois morale et dont les conséquences politiques peuvent être tout à fait graves. C'est la raison pour laquelle je pense qu'effectivement, la solution sera trouvée très vite et ce sur quoi nous mettons l'accent, c'est sur l'urgence plus que sur le principe.
M. TONY BLAIR – Je crois qu'il est important que nous suivions la ligne qui a été fixée par le Quartet. Mais je voudrais aussi élargir le propos -et je suis convaincu que le Président le pense également- car les progrès entre Israël et la Palestine sont la chose la plus importante pour la paix dans le monde. Je crois qu'il y a un consensus aujourd'hui, au sein de la communauté internationale et, probablement, au sein de la population israélienne et palestinienne, sur la nécessité d'une solution avec deux Etats. Je crois que c'est une obligation absolue pour nous tous du Quartet et également en Europe, de toute évidence, de faire tout ce que nous pouvons pour essayer de faire redémarrer le processus de négociation. Je crois que c'est extraordinairement important, sur la base des principes de démocratie, et de négociation pacifique et non-violente.
LE PRESIDENT – Je suis tout à fait de cet avis.
QUESTION – Monsieur le Premier ministre, est-ce que vous êtes convaincu maintenant que la seule façon d'avancer, c'est avec l'énergie nucléaire ?
M. TONY BLAIR - Je n'anticipe pas l'issue finale, ni la conclusion de ce document que nous allons publier et qui est un rapport sur notre situation énergétique. Je constate simplement que 20% de notre énergie nous vient de nos centrales nucléaires, qui sont en cours de démantèlement sur une période de quinze à vingt ans. Nous sommes, à l'heure actuelle, dans une situation d'autosuffisance en matière de gaz et de pétrole, alors que d'ici quinze à vingt ans, nous allons importer 80 à 90% du pétrole et du gaz que nous consommons.
Que cela soit examiné sous l'angle de l'énergie propre ou du changement climatique, je note que nous nous trouvons dans une situation où nous ne sommes pas capables de remplacer notre capacité nucléaire et que nous allons être en très sérieuse difficulté. Nous devons évidemment y réfléchir de façon très attentive et, évidemment, il faut que le débat soit aussi large que possible. Je note que les décisions que nous prendrons aujourd'hui en tant que dirigeants politiques auront des répercussions et un impact d'ici vingt, trente ou quarante ans. Et je ne veux pas que les générations futures se disent « mais qu'ont-ils décidé, alors qu'ils avaient toutes les clefs en main pour prendre toutes les bonnes décisions ?».
QUESTION - Que peut faire le monde occidental, aujourd'hui, face à l'intransigeance et à la mauvaise foi du régime iranien ?
LE PRESIDENT – D'abord, n'utilisons pas de facilité excessive en matière de qualificatifs. Il y a un problème fondamental : est-ce que le monde peut accepter, aujourd'hui, qu'un pays, quel qu'il soit, puisse engager délibérément un processus devant conduire à la production d'armement nucléaire ? A l'évidence, l'immense majorité du monde répond « non » à cette question, et avec sagesse.
Il y déjà eu suffisamment de prolifération. Il faut surtout arrêter la prolifération, c'est probablement vital pour l'équilibre du monde de demain. Il faut arrêter la prolifération mais ce n'est pas l'Iran qui est particulièrement visé. Alors, à partir de là, nous avons un problème iranien. Bien entendu, nous souhaitons régler ce problème dans le respect de l'Iran, cela va de soi, de ses droits évidents en ce qui concerne notamment l'électronucléaire, le nucléaire civil.
Nous ne contestons pas du tout à l'Iran le droit qu'il a à faire de l'énergie nucléaire civile. En revanche, au titre de la non prolifération et, d'ailleurs, des traités existants dans ce domaine, nous ne pouvons pas accepter qu'il engage et poursuive un processus qui, notamment par le biais de l'enrichissement, pourrait, en réalité, le conduire à la création d'une arme nucléaire. Voilà ce qui est actuellement en cause et en discussion entre, d'une part -et je me réjouis de cet élargissement de la communauté internationale-, l'Europe, qui était le leader dans ce domaine, avec maintenant les États-Unis, la Chine et la Russie, et d'autre part, l'Iran.
Les discussions sont en cours. Elles sont conduites, à mon avis, d'excellente façon, par le responsable de l'Union européenne en matière de politique étrangère, M. Javier SOLANA. Je l'ai encore vu hier et il m'a rendu compte de ses dernières discussions. D'autres vont suivre. Je me garderai bien de préjuger de leur résultat, que je souhaite, naturellement, positif.
M. TONY BLAIR – Je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit par le Président. Je pense, effectivement, que nous ne pouvons que nous réjouir de la façon dont les choses ont évolué depuis quelques semaines vers une solution diplomatique que nous appelons tous de nos vœux. C'est-à-dire que la volonté de la communauté internationale sera respectée. Nous tiendrons compte des besoins des Iraniens et nous avons enfin l'occasion de le faire.
Comme le Président l'a très bien dit, il faut que l'Iran respecte ses obligations, c'est ce que nous cherchons à faire, à obtenir. Nous ne cherchons absolument pas l'affrontement. Nous cherchons à résoudre ce problème par des voies pacifiques et par la négociation.
LE PRESIDENT – Je vous remercie.
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