Discours de M. Jacques CHIRAC Président de la République, en remerciement au message d'accueil de M. Jean-Paul FOURNIER, maire de Nîmes.
Nîmes (Gard) - Jeudi 25 octobre 2001.
Monsieur le Maire, Monsieur le Président du Conseil Régional, Monsieur le Président du Conseil Général, Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs les Elus, Mesdames, Messieurs,Je vous remercie d'abord, Monsieur le Maire, cher Jean-Paul FOURNIER, pour vos paroles chaleureuses de bienvenue dans votre belle, dans votre superbe ville de Nîmes.
Nous vivons, vous l'avez rappelé, une période d'inquiétude. Je visitai ce matin la base aérienne d'Istres, pas loin d'ici, où j'ai pu exprimer à nos armées notre soutien et notre confiance.
Le contexte international que vous connaissez et les contraintes que tout naturellement il m'impose m'ont conduit à renoncer à visiter, comme j'y avais été invité, comme je l'avais souhaité, le superbe chantier de réaménagement du pont du Gard. Ce chantier qui, je le sais, vous tient tant à coeur, Monsieur le Président du Conseil général.
J'en suis désolé, croyez-le bien, car je mesure le caractère exemplaire d'une telle opération et je sais son importance pour les habitants du Gard comme pour tous les amoureux de notre patrimoine culturel national et ils sont nombreux ici par vocation.
Mais j'ai tenu à venir saluer les Nîmois, leur maire, et les membres de la nouvelle équipe municipale.
Dans une période comme celle que nous vivons actuellement, nous devons témoigner tous ensemble de la détermination de notre communauté nationale à défendre ses valeurs.
Au premier rang de ces valeurs, il y a bien sûr la démocratie.
La démocratie repose sur une certaine conception de l'Homme, de sa liberté, de sa responsabilité. Pour mieux répondre aux préoccupations quotidiennes des Français, elle a besoin de respirer, de s'adapter, de se renouveler. Et elle a besoin d'une participation toujours plus active de chaque citoyen, car pour être vivante elle ne doit pas se résumer aux grands débats nationaux sur les politiques de l'État.
La France ne s'est pas construite de la même manière que beaucoup d'autres pays. Elle n'est pas fondée sur une association de royaumes, de principautés ou de villes libres. Elle s'est faite par la volonté d'un État qui, pendant longtemps, s'est confondu avec la Nation. C'est ce qui a fait notre force dans l'histoire. Et aujourd'hui encore, comme jamais sans doute, les Français ont besoin d'un État fort et sûr de son autorité. D'abord pour pouvoir retrouver dans l'ordre interne la sécurité à laquelle les Français aspirent pour la qualité de leur vie quotidienne. Ensuite parce que, dans l'ordre international, ils doivent pouvoir compter sur l'État, sur sa diplomatie, sur son armée, pour contribuer à la paix et à la sûreté dans le monde, et par conséquent chez nous.
De cet État confiant en lui-même, assuré de ses missions et efficace dans leur exécution, nos compatriotes attendent enfin qu'il conduise des politiques permettant à la France de prendre la meilleure part de la mondialisation, une mondialisation maîtrisée, humanisée, organisée pour le service de l'Homme et du développement.
Mais l'État est trop lointain pour pouvoir répondre aujourd'hui à toutes les attentes. La France est trop diverse pour être administrée partout de la même façon. La démocratie aujourd'hui, c'est aussi permettre à chaque collectivité de prendre ses responsabilités, au plus près des citoyens. C'est refuser l'uniformité. C'est rejeter les modèles uniques, accepter l'initiative et l'expérimentation, dans le respect bien sûr de l'unité de la République, c'est-à-dire les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous les Français partout en France.
Nous devons désormais nous fixer une ligne claire pour l'action publique : toujours partir des besoins des citoyens et regarder ensuite à quel échelon il convient de se placer pour répondre à ces besoins, en privilégiant la proximité et en unissant les efforts pour mobiliser les moyens nécessaires à l'efficacité.
C'est en effet la proximité qui permet l'écoute, le dialogue et la participation, sans lesquels il n'est pas de démocratie vivante, et sans lesquels il n'est pas non plus de démocratie efficace, capable de proposer des services publics et des équipements adaptés aux réalités et aux exigences du plus grand nombre.
L'État ne doit faire que ce qu'il est le mieux placé pour réussir. C'est ce que l'on appelle le principe de subsidiarité. Il s'impose de plus en plus avec l'évolution des habitudes et des technologies modernes. L'État doit remplir par priorité ses missions de souveraineté : la diplomatie, la défense, la justice et la police. Il doit aussi jouer pleinement son rôle de garant de la cohésion sociale, d'organisateur de la solidarité, de l'éducation nationale, de responsable de la santé publique, de la sécurité sanitaire, etc. Et bien sûr, il doit être l'animateur du développement économique et social de la Nation.
Mais il doit reconnaître les libertés locales, résister à la tentation permanente de la recentralisation, se retenir de multiplier les réglementations, les charges ou les contraintes, respecter l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, proscrire les financements croisés qui placent trop souvent l'action des élus sous sa dépendance. En un mot, l'État doit s'imposer à lui-même les disciplines nécessaires pour établir en France une architecture des pouvoirs et des responsabilités conforme au mouvement profond de notre société vers plus de liberté, d'initiative et de responsabilité. La France ne se transformera et ne progressera qu'en permettant à toutes les énergies humaines qui sont à l'oeuvre dans ses profondeurs de se déployer et d'exprimer leur puissance créatrice.
Rester en permanence à l'écoute de vos concitoyens, développer des services de proximité, participer aux réunions de comités de quartiers, c'est, si j'ai bien compris, la méthode que vous avez choisie, Monsieur le Maire, pour faire de la démocratie locale une réalité plus vivante. La proximité, l'esprit de service, le pragmatisme, l'humanité... ces qualités font des élus locaux, des maires en particulier, les meilleurs, les principaux artisans de la démocratie.
Au-delà de Nîmes, votre agglomération développe une approche nouvelle, à travers la mise en place d'une communauté d'agglomération.
Dans un département dépourvu de tradition en la matière -sans doute en raison de la diversité de ses paysages et du tempérament singulier, solitaire et résistant, que l'histoire y a forgé- vous avez su, Monsieur le Maire, créer une culture nouvelle de dialogue et rassembler treize communes autour de votre ville en un temps très bref.
Je tiens à le souligner et à vous en féliciter.
Je crois depuis longtemps en l'intérêt de communautés constituées volontairement, dans le respect de l'identité de chacun, et ceci pour fédérer les énergies et réaliser ensemble des projets qui sont utiles à tous.
L'intercommunalité est le gage d'un développement plus équilibré des territoires, en même temps qu'un ferment de renouveau pour notre démocratie. Vous le savez, je souhaite qu'elle débouche sur l'élection des conseillers intercommunaux au suffrage universel direct dans le cadre de listes municipales.
En permettant à votre ville de respirer au rythme d'une démocratie locale plus vivante et innovante, vous offrez à Nîmes les moyens de conforter son expansion et de mieux répondre aux préoccupations de ses habitants.
Ainsi, en spécialiste des questions urbaines, vous avez fait de l'aménagement de la ville, Monsieur le Maire, une priorité, avec des projets ambitieux pour faciliter les déplacements quotidiens, vous nous en avez parlé, la vie sociale et le développement économique nîmois. Parmi tous ces projets, celui d'une desserte de la ville par un mode de transport plus écologique vous tient, je le sais, particulièrement à coeur.
Ces projets d'aménagement et d'embellissement que vous avez évoqué, concernent également le patrimoine architectural et culturel exceptionnel de la ville, un patrimoine légué par une histoire riche et mouvementée depuis l'antiquité, notamment le secteur sauvegardé que vous projetez de faire inscrire au patrimoine mondial de l'humanité.
Conforter les perspectives de développement de Nîmes, c'est aussi mettre les Nîmois à l'abri des catastrophes naturelles qui, par le passé, ne les ont pas épargnés. Après les terribles inondations de 1988, dont tout le monde ici garde, je le sais, le dramatique souvenir, la population du Gard a de nouveau été durement éprouvée, notamment les habitants de Sommières auxquels je demande à leur Maire, mon ami Alain DANILET, d'exprimer toute ma sympathie. Il importe que tous les moyens permettant de prévenir de tels risques soient mis en oeuvre. Je sais que vous y êtes attaché, Monsieur le Maire, vous l'avez évoqué, et je ne peux que soutenir votre appel à la mise en place rapide du plan de prévention contre les risques d'inondation.
L'État a une responsabilité première à exercer pour prévenir et gérer des risques qui sont aujourd'hui multiples : environnementaux, sanitaires, alimentaires et aussi, vous l'évoquiez à l'instant, risques liés au développement de l'insécurité et de la délinquance.
La sécurité, vous l'avez dit, Monsieur le Maire, est devenue la première préoccupation des Français. Chacun le sait. Sur le moyen terme, nous devons bien sûr la traiter par la prévention, l'éducation, l'insertion, l'action sociale, la politique de l'emploi dans la ville, le soutien aux parents dans l'exercice de leurs responsabilités familiales. C'est d'abord en luttant contre les causes de la délinquance que l'on empêchera que se forment de nouvelles générations de la violence. Mais cela n'est pas suffisant et cela ne peut répondre dans l'urgence à la situation très dégradée que nous connaissons.
Les phénomènes d'insécurité ont en effet franchi un pallier inacceptable, que jamais nous n'aurions imaginé atteindre dans une France qui se veut un pays d'équilibre, de mesure, d'intégration et de tradition civique.
Au fil des années, à force de trop tolérer et de toujours vouloir expliquer, comprendre et excuser au lieu tout simplement de faire respecter la loi, notre société s'est montrée peu sûre d'elle-même et de ses valeurs. Pour ne parler que des jeunes, elle s'est refusée à poser des limites, à donner des repères. Elle a insensiblement laissé des adolescents désemparés, livrés à eux-mêmes, cherchant à trouver estime de soi et respect des autres dans l'image qu'ils se font de leur violence, passer de l'incivilité ordinaire à la délinquance et même, aujourd'hui, pour certains d'entre eux, glisser de la délinquance au crime. Nous avons tous été plus ou moins complices de cette évolution.
Beaucoup de Français ont découvert cette année avec stupeur et indignation que des armes de combat pouvaient être utilisées pour des agressions gratuites contre des représentants de l'autorité.
Pour réagir avec efficacité, nous devons nous en tenir à un principe simple et robuste, susceptible d'être entendu et compris de tous, susceptible d'être accepté par tous. Et nous ne devons pas seulement le proclamer mais l'appliquer effectivement. Ce principe de responsabilité, c'est qu'à toute violation d'un interdit doit correspondre une sanction immédiate et proportionnée à la gravité de la faute.
Alors qu'aujourd'hui les représentants des forces de l'ordre sont les premières cibles d'actions criminelles qui ne connaissent plus de limites, je voudrais réaffirmer à ces forces de l'ordre toute ma confiance et leur dire au nom des Français mon entière solidarité dans l'exercice de la plus exposée des missions du service public. Et je veux rendre hommage aux policiers qui, récemment encore, sont tombés en voulant protéger leurs concitoyens.
En matière de lutte contre l'insécurité, les maires, vous l'avez dit, Monsieur le Maire, ont aussi un rôle essentiel à jouer, dans le respect des prérogatives de l'État, mais ils restent les mieux placés pour mettre en oeuvre des solutions de proximité qui ne se réduisent pas à l'action des services de la police nationale et de la gendarmerie. On ne peut se résigner à comparer l'étendue des responsabilités que nos concitoyens font peser sur leurs maires et la faiblesse de l'information et des moyens dont ceux-ci disposent pour les exercer, dans un domaine si crucial pour le bien être de chacun.
Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs,
Le renouveau dont la démocratie a besoin aujourd'hui s'appuiera sur la vitalité du dialogue local, sur une plus large participation des citoyens aux décisions qui les concernent et sur la défense des valeurs et des principes, notamment la liberté d'aller et venir et le droit à la sécurité pour tous, qui sont en fait au coeur de notre pacte social républicain.
L'ouverture de nouveaux espaces de démocratie et de dialogue ici dans le Gard est un signe, à mes yeux, tout à fait positif, Monsieur le Maire, et je vous en félicite.
Dans la nouvelle architecture des pouvoirs et des responsabilités que la France des libertés locales est en train petit à petit de dessiner, des villes comme la vôtre prennent déjà leur place en encourageant les initiatives et en libérant les énergies. Vous démontrez ainsi le dynamisme et la capacité de développement dont la démocratie locale est porteuse.
De cet exemple comme de la chaleur de votre accueil, je vous remercie Mesdames, Messieurs, mes chers amis, Monsieur le Maire, mon cher ami. |