Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC Président de la République à l'occasion du dîner d'Etat offert en l'honneur de Leurs Majestés le Roi HARALD V de Norvège et la Reine SONJA

Palais de l'Elysée - Paris mercredi 1er mars 2000.


Sire,

Madame,

Soyez les très bienvenus en France. Mes compatriotes, qui ont reçu votre grand-père, le roi Haakon VII, il y a bientôt un siècle, puis votre père, le roi Olav V, en 1962, sont heureux et honorés de vous accueillir aujourd'hui. Ils se réjouissent de pouvoir saluer une nouvelle fois, à travers Vos personnes, le peuple norvégien, ami et parent du peuple français.

Parents, nous le sommes de longue date, comme en témoigne le nom même de cette grande région où tant de vos audacieux navigateurs choisirent jadis de s'installer après être parvenus par la Seine jusqu'aux portes de Paris.

Amis et alliés, nous le fûmes au cours de ce siècle dans l'épreuve de la guerre. C'est le coeur serré que le général de Gaulle se remémorait, devant votre père, notre engagement commun à Narvik et les heures où nous dûmes " répondre ensemble à l'agression d'un ennemi totalitaire ".

Amis et alliés, nous le restons dans l'Alliance atlantique. La participation active de la Norvège à l'action militaire menée par l'Alliance au Kosovo témoigne de la force de votre engagement.

Amis, alliés, nous sommes aussi partenaires. Ainsi, dans le domaine économique, les entreprises françaises ont-elles accompagné, dès les débuts, votre aventure pétrolière, aux côtés de la jeune industrie norvégienne. Depuis, notre coopération n'a cessé de se développer. Avec notamment la construction en commun du plus long gazoduc sous-marin au monde, inauguré en octobre 1998, et qui ouvre à votre pays tout le marché français et celui de l'Europe du sud.

Je souhaite que notre coopération aille plus loin encore. Je pense à vos projets d'exploitation des gisements de gaz en mer du Nord comme à la participation accrue de l'industrie française à la recherche pétrolière en Norvège.

Partenaires, nous le sommes dans le domaine scientifique et technique. Notre coopération, sous l'égide notamment de la Fondation franco-norvégienne, est en plein développement. Et nous nous réjouissons, Sire, d'accueillir dans nos universités, dans nos écoles, dans nos laboratoires et nos instituts, toujours plus d'étudiants et de chercheurs norvégiens. Ces étudiants, vous les rencontrerez après demain à Toulouse, à l'occasion du colloque consacré à l'avenir de notre coopération scientifique.


Partenaires, nous le sommes dans l'Europe. Si la Norvège a, par deux fois, repoussé son adhésion à la Communauté puis à l'Union européennes, nous appartenons néanmoins au même marché intérieur depuis 1992. Votre économie et la nôtre tirent d'ailleurs grand profit de cette ouverture.

Bien sûr, la France respecte les choix de votre peuple. Mais elle espère aussi que votre pays saura, le moment venu, trouver toute sa place dans l'Union. Cet espoir repose sur une conviction profonde née de l'expérience : la démarche européenne de la France, constante depuis le traité de Rome, lui a en effet permis de contribuer à la prospérité et à la stabilité de notre continent sans que sa liberté d'action et son identité profonde en fussent atteintes, je dirais bien au contraire.


Partenaires, nous le sommes dans les grands combats de notre temps. Votre pays, Sire, incarne une certaine sagesse des peuples.

D'abord, l'esprit démocratique. Je n'oublie pas que votre loi fondamentale est, en Europe, la plus ancienne constitution écrite en vigueur.

Mais également la paix entre les nations, le dialogue, la médiation. La Norvège, depuis plus d'un siècle, poursuit sans relâche son combat humanitaire et pacifique. C'est, bien sûr, l'événement majeur que constitue chaque année l'attribution du Prix Nobel de la Paix par votre Parlement. Ce furent, dans l'entre-deux-guerres, devant la montée des totalitarismes, les efforts du Gouvernement norvégien et de votre illustre compatriote, Fridtjof Nansen, pour trouver une solution internationale au drame des réfugiés.

C'est l'engagement constant de votre pays au sein de l'Organisation des Nations Unies dont le premier Secrétaire général fut Trygve Lie. Et c'est l'active participation des Norvégiens aux opérations de maintien de la paix, avec, depuis l'origine, 60 000 soldats engagés sous la bannière de l'ONU, souvent aux côtés des nôtres, comme au Liban ou en Bosnie-Herzégovine.

Ce furent, en Europe, l'année dernière, les efforts diplomatiques déployés, avec talent et détermination, par la Présidence norvégienne de l'OSCE et par votre ministre des Affaires étrangères, que je tiens à saluer ce soir, M. Knut Vollebaek.

C'est la contribution de la Norvège à la solution pacifique de nombreux conflits. Je veux rendre hommage au rôle historique et combien efficace joué par votre pays il y a sept ans en permettant aux Israéliens et aux Palestiniens de trouver le chemin vers un règlement pacifique. Il faut, aujourd'hui, que la dynamique retrouvée avec l'élection de M. Ehud Barak, tienne toutes ses promesses. La France, Sire, ne ménagera aucun effort pour favoriser l'aboutissement du processus engagé à Oslo.

Enfin, je n'oublie pas l'action militante de la Norvège dans le dialogue Nord-Sud. Votre pays, comme le nôtre, plaide sans relâche, dans toutes les enceintes, pour le maintien de l'aide au développement. Et la Norvège arrive, en proportion de son produit national, parmi les tout premiers donneurs d'aide publique dans le monde

Cet engagement de la Norvège, la communauté des nations l'a consacré en confiant à Madame Gro Harlem Brundtland la Direction générale de l'Organisation mondiale de la santé.


Partenaires, nous le sommes enfin en menant ensemble un combat qui me tient à coeur : la défense de la diversité culturelle qui fonde la richesse de l'humanité.

La relation franco-norvégienne illustre depuis longtemps l'indispensable dialogue des cultures et des civilisations. Au siècle dernier, vos plus grands écrivains et créateurs –Ibsen, Bjørnson, Grieg, Thaulow, Munch- sont venus vivre et travailler à Paris. La vie de Sigrid Undset, prix Nobel de littérature, témoigne de sa profonde attirance pour la France. En même temps, la Norvège accueillait sur ses rives de grands artistes français, comme Monet et, plus près de nous, Olivier Debré, disparu l'an dernier.

C'est ce dialogue qu'évoquent deux grandes expositions consacrées à " La Norvège vue par les artistes français " et à l'oeuvre d'Ana-Eva Bergman. Expositions que vous inaugurerez, Sire, Madame, pendant votre séjour en France.

Attachement à leur culture, fidélité aux traditions, mais aussi ouverture à l'autre, respect des différences : ce sont autant de valeurs communes aux Norvégiens et aux Français. Voilà pourquoi nos deux pays mènent ensemble la bataille pour que la création échappe aux seules lois du commerce, pour la diversité culturelle, contre le risque d'uniformisation.


Ainsi, Norvégiens et Français agissent ensemble pour défendre une commune vision du monde. Pour promouvoir la paix, la solidarité, la dignité de l'Homme.

C'est fort de cette volonté partagée et confiant dans nos succès que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève en l'honneur de Sa Majesté le Roi Harald V de Norvège et en l'honneur de la Reine Sonja à qui je présente mes très respectueux hommages. Je le lève en l'honneur du peuple norvégien, ami très ancien et très cher du peuple français. Je bois à l'amitié entre la Norvège et la France.