Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la remise des insignes de Grand Croix, dans l'Ordre de la Légion d'Honneur à M. Juan Carlos WASMOSY, Président de la République du Paraguay.

- Palais de l'Elysée - Paris le lundi 18 décembre 1995.


Monsieur le président,

Messieurs les ministres,

Messieurs les parlementaires,

Monsieur l'ambassadeur,

Je suis très heureux, cher président et ami, de vous accueillir à Paris. Ces décorations que nous allons échanger, - ce qui pour moi est très exceptionnel - j'y vois le signe de l'estime, de l'amitié qui depuis longtemps président aux relations nos deux pays, et dont je souhaite et dont vous souhaitez, qu'elles se renforcent. Je voudrais qu'à l'occasion de votre visite, au cours de laquelle vous allez rencontrer des hommes d'affaires, inaugurer une exposition d'art religieux du Paraguay dans l'un de nos plus beaux musées parisiens, je voudrais que nous allions plus loin. Que votre séjour parmi nous, avec les ministres et les parlementaires de la majorité et de l'opposition qui vous accompagnent marque un nouveau départ des relations entre le Paraguay et la France.

Depuis 1989 et la fin d'un long régime de dictature, au cours duquel le Paraguay s'est retrouvé isolé des nations démocratiques, que de chemin parcouru par votre pays. D'abord sous la présidence du général Rodriguez, puis sous la vôtre. Le Paraguay s'est ouvert à la démocratie, organisant des élections, se dotant d'une constitution. Il a restauré les libertés fondamentales, il réorganise aujourd'hui sa justice.

Il a fait aussi le choix de l'économie libérale, s'ouvrant largement à ses voisins, dans le cadre notamment du MERCOSUR auquel vous avez adhéré en 1991. Vos voyages à l'étranger vous ont permis de donner du Paraguay une image nouvelle : celle d'un Etat moderne et qui assume ses responsabilités.

Votre tâche n'est pas facile. Mais les succès sont déjà là, qui vous encouragent à poursuivre sur la voie que vous avez ouverte à votre Pays. Dans cette entreprise difficile, mais pleine de promesse, la France et l'Europe - l'Union européenne - veulent être à vos côtés.

Les relations entre nos deux pays sont anciennes et amicales. Votre histoire et votre culture nous sont bien connues, en France. Qu'il suffise de rappeler l'écho suscité dans mon pays, au XVIIIe siècle, par les réductions jésuites du Paraguay. Ces collectivités, organisées par les Jésuites pour protéger les communautés indiennes de ceux qui voulaient les asservir, avaient permis le développement et l'éducation de ces peuples de ces " premières nations ", qui existent encore dans plusieurs pays d'Amérique latine.

Plus récemment, le succès mondial de votre écrivain Roa Bastos qui, après de nombreuses années d'exil passées en France, regagnera bientôt son pays natal, illustre également la qualité de nos relations. L'amitié entre nos deux pays, et vous-même le rappelez souvent, c'est aussi le succès des coopérations lancées dans les domaines de la médecine, vous m'en parliez tout à l'heure avec le ministre des Affaires étrangères, dans celui du coton également, au lendemain de la visite, en 1964, chez vous, du Général de GAULLE. Ces dernières années, nos entreprises ont participé à la construction de plusieurs ouvrages importants au Paraguay, je pense par exemple au très important barrage de Yacyreta.

A mesure que nos échanges s'intensifient, nos liens se renforcent, et je comprends que vous souhaitez cela. C'est ce qui disait également, tout à l'heure, le président qui soulignait l'importance des investissements européens au Paraguay pour lutter contre les difficultés, notamment sociales, et nous aussi nous le souhaitons, pour bien des raisons, d'abord c'est notre intérêt, c'est l'intérêt des affaires qui investissent, et je crois beaucoup que c'est l'intérêt de la France et de l'Europe que de renforcer ces liens économiques, ces capacités de développement avec les pays du MERCOSUR et en particulier, le Paraguay.

Cette vigueur que nous voulons renforcer de nos relations prend effectivement une dimension nouvelle au lendemain de la signature, à laquelle nous avons participé, tous les deux, vous comme actif et moi comme observateur de l'accord interrégional de coopération entre le MERCOSUR et l'Union européenne. Accord, dont je rappelle qu'il a été très largement réalisé sous la présidence française, et qu'à l'époque, j'avais beaucoup incité notre ministre des Affaires étrangères, Monsieur Juppé, à mettre toute son ardeur dans la résolution de ce problème.

D'importantes perspectives de coopération se dessinent désormais entre nos deux pays et, ce que vous avez évoqué, par exemple, dans le domaine du gaz est une illustration, parmi d'autres, du potentiel de développement de nos relations.

Monsieur le président, c'est au terme d'un remarquable parcours professionnel et politique que vous avez accédé aux plus hautes charges de l'Etat. Après que votre compétence ait été internationalement reconnue dans les domaines de l'économie, de l'agriculture et de l'élevage ; disciplines auxquelles vos études d'ingénieur vous avaient préparé. Votre réussite à la tête de diverses entreprises et banques a accompagné le développement de votre pays. Vous avez pris part à la réalisation de ces ouvrages hydroélectriques considérables que sont le barrage d'Itaipu et celui de Yacireta.

Votre sens de l'Etat et du service public, vous l'avez également exercé comme conseiller d'Etat, puis comme ministre en charge de l'intégration. Dans ces hautes fonctions, vous avez contribué au développement mais aussi au rayonnement de votre pays et à son ouverture sur le Monde.

Aussi, est-ce pour moi une grande joie de reconnaître à la fois l'estime que je vous porte, mais aussi ce lien particulier que je souhaite voir se renforcer entre la France et le Paraguay en vous remettant la plus haute des distinctions de la République française les insignes de grand croix dans l'ordre de la Légion d'honneur créées par Napoléon 1er pour se substituer à tous les ordres monarchiques antérieurs et qui est et reste le plus grand témoignage d'estime de d'amitié que mon pays peut offrir à ceux de ces concitoyens ou aux étrangers qu'il veut particulièrement honorer.

Juan Carlos WASMOSY, au nom de la République française, nous vous élevons à la dignité de grand croix dans l'ordre de la Légion d'honneur.