DISCOURS DE M. JACQUES CHIRAC
SUR L'ENVIRONNEMENT
A AVRANCHES
(CAMPAGNE ELECTORALE POUR L'ELECTION PRESIDENTIELLE)
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LUNDI 18 MARS 2002
Monsieur le Maire, Monsieur le Président du Conseil Régional, Mes chers amis,
Dans cette magnifique région d’Avranches avec, sous les yeux, ce joyau qu’est le Mont Saint-Michel, comment ne pas éprouver fortement un sentiment de responsabilité ? Responsabilité à l’égard de notre patrimoine historique et culturel, dont le Mont Saint-Michel est l’un des fleurons. Responsabilité, aussi et surtout, à l’égard de notre patrimoine naturel. Ce monument, ce site d'exception, sont une parfaite illustration de ce que l’homme peut accomplir.
Le Mont Saint-Michel témoigne du génie de l'homme, quand celui-ci lance vers le ciel un pareil défi de foi et de spiritualité, faisant de ce sanctuaire aérien un lieu de pèlerinage et de recueillement pour toute l'Europe.
Mais le Mont Saint-Michel illustre aussi les dangers que l’activité de l’homme fait peser sur ses propres créations et sur les sites qui les accueillent. Chacun sait que les travaux du début du siècle dernier, pour gagner du terrain sur la mer, ont aggravé l’ensablement du Mont, outre qu’elles défiguraient ses approches.
Le Mont Saint-Michel illustre enfin, par les grands aménagements qui vont être entrepris pour rendre à ce lieu sa beauté originelle et son caractère maritime, ce que peut la volonté de l’homme, la volonté politique, quand il s’agit d'allier l'intelligence humaine et les forces de la nature pour sauvegarder patrimoine et environnement.
Nous avons donc tout à la fois sous les yeux un rêve, une leçon, un exemple, une espérance.
L'Environnement est l'une des grandes exigences de notre temps.
Je suis venu vous dire aujourd'hui, dans le cadre de la campagne pour l'élection présidentielle, pourquoi cette exigence est au coeur de mon engagement pour la France.
Un engagement pour une écologie humaniste, qui scellera l'alliance de l'environnement, de la science et du progrès économique. Non pas une écologie alibi. Non pas une écologie politicienne et sectaire. Mais une écologie des passionnés de la terre. Une écologie qui fonde une révolution des valeurs, en plaçant avant tout le respect des autres et le respect des libertés de tous.
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Les temps ont changé. Il y a quelques décennies, l’environnement n’était pas la première urgence. Depuis, des craintes se sont affirmées, des évidences se sont imposées, une prise de conscience a eu lieu.
Jadis, nombre de catastrophes qui endeuillaient le monde apparaissaient comme des phénomènes isolés. Des phénomènes purement naturels, sans liens entre eux, essentiellement imputables à la fatalité.
Or, nous savons désormais, ou nous avons des raisons de penser, que certaines d’entre elles sont la conséquence de changements climatiques. Tempêtes de l'hiver 1999. Inondations massives, comme nous les avons vécues dans l’Aude, dans la Somme, en Lorraine, et dans le Nord Pas-de-Calais. Ou, au contraire, sécheresses interminables dans des régions pourtant non désertiques... Il est désormais établi que le réchauffement de la planète est lié aux émissions de gaz à effet de serre provoquées par la consommation excessive de pétrole et de charbon, notamment par les pays les plus riches.
Nous savons désormais que l’activité humaine peut provoquer des réactions en chaîne sur les équilibres naturels, qu'elle peut créer des situations irréparables. Je pense par exemple à la disparition de la forêt primaire ou à la surexploitation des ressources des océans, qui menacent la richesse biologique du monde.
Nous savons que notre santé, qui bénéficie depuis un siècle des extraordinaires progrès de la médecine, peut se trouver affectée par des expérimentations délirantes, faites au nom de la productivité, comme dans l’affaire de la vache folle ou, tout simplement, par un environnement dégradé. La recrudescence des cancers, des asthmes et des bronchiolites chez les enfants en témoigne.
Nous savons que les marées noires ne sont pas la conséquence des caprices de l’océan, mais de la recherche du profit à tout prix, qui pousse à faire naviguer des épaves, ainsi que du laxisme et de l'absence de civisme à l’échelle de la planète. Nous savons, enfin, et nous l’avons dramatiquement vécu à Toulouse, que certains sites industriels et chimiques, s’ils ont apporté richesses et emplois, peuvent être aussi à l'origine de tragédies.
Il y a également les prévisions alarmistes des experts. Elles nous annoncent pour 2020, si nous ne faisons rien, la désertification de la moitié des continents et des difficultés d’accès à l’eau potable pour deux habitants de la planète sur trois.
De tout cela, nous tirons un sentiment d'urgence et de menace. Sentiment que nous ne sommes pas protégés de certains dangers qui pourraient être anticipés, évités, maîtrisés. Sentiment que l’humanité, dans son ensemble, joue avec le feu.
Il y a péril en la demeure. Il est urgent qu’une autre logique s'impose, une logique de solidarité avec le futur, une logique de l’intérêt collectif, une logique portée par une vraie volonté politique, celle du développement durable.
Cette ambition est au coeur du projet politique que je propose aux Français. C’est le combat de la responsabilité et de l'éthique. C'est un combat que je mène sans relâche dans toutes les instances internationales, à travers le monde.
Je ne méconnais pas ses difficultés.
Bien sûr, des conventions internationales ont été négociées, des lois existent, des programmes sont là. Mais le grand problème, c’est l’application de ces textes. D’où l'idée d’une Organisation Mondiale de l’Environnement, aussi puissante que l'Organisation Mondiale du Commerce, qui pourrait veiller à cette application. D'où l'importance pour la France d'être un moteur de la politique européenne de l'environnement.
Devant les transformations profondes qu'exige le développement durable, les réticences sont multiples. Partout l’impératif permanent de la compétitivité à court terme et la course au profit. Dans les pays les plus pauvres, l’aspiration légitime à de meilleures conditions de vie et souvent même la lutte pour la survie. Et dans les pays riches, la recherche du plus grand confort immédiat et les conflits d'intérêt entre administrations, individus ou entreprises.
Ainsi, les Etats-Unis refusent toujours de se rallier au protocole de Kyoto pour la lutte contre les changements climatiques. Ils jugent trop lourds et trop coûteux les efforts nécessaires pour rendre leur économie moins gourmande en énergie. Cela n'est pas acceptable.
Ainsi, malgré la catastrophe écologique de l’Erika, l’Europe et le monde n'ont toujours pas fait ce qu'il fallait pour prévenir les marées noires, parce qu’on a voulu maintenir les coûts très bas du transport maritime.
Mais ni les difficultés, ni les lenteurs ne doivent nous décourager d'agir.
Agir, parce que c’est notre responsabilité à l’égard de nos enfants, de nos petits-enfants. Si nous ne faisons rien, ce sont eux qui paieront la facture écologique.
Agir, parce que nous avons tous les éléments pour le faire. En particulier, nous sommes bien informés des risques. Informés par les anciens, que nous serions bien inspirés d’écouter, au lieu de construire dans des zones inondables ou des zones d'avalanches. Informés aujourd'hui par les données de la science. On connaît et on surveille les zones sismiques du sud de la France. La progression du transport routier, la production de déchets, la pollution des nappes, les nuisances sonores sont des phénomènes parfaitement connus et quantifiés. Informés, enfin, par les outils de l’avenir, comme le satellite Envisat que l’Europe a lancé dans l’espace il y a quelques jours, et qui permettra de mieux détecter les atteintes à l’environnement.
L'heure n'est plus à la prise de conscience. L'heure est à l'action.
Tout est une question de volonté, placée au service d’une philosophie pour l’homme : l’écologie humaniste. Une écologie qui reconnaît la place centrale de l'homme sur la planète, et l’étendue de ses responsabilités. Une écologie concrète qui cherche à améliorer notre quotidien, tout en préservant les grands équilibres planétaires. Une écologie ouverte, qui inspire des règles rigoureuses, lorsque c’est nécessaire, dans le respect des libertés individuelles. Il s'agit d'inventer un nouveau mode de développement, un nouvel art de vivre où la qualité l’emporte sur la quantité, où l’environnement, l’économie et le social sont placés sur un pied d’égalité. Il s'agit de conduire le développement durable et de lui donner un contenu concret : c’est la mission historique de nos générations en ce début du 21ème siècle que de protéger l'environnement, bien commun de l'Humanité.
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Les principes de l’écologie humaniste sont clairs. C’est le partage et la solidarité. C'est l’efficacité et la responsabilité collective.
Partage et solidarité.
Dans l’accès aux ressources naturelles, eau douce, pétrole, forêts, ressources minières ou réserves de poissons, ce qui est en jeu, c’est notre conception de l’Humanité. Nous ne pouvons accepter que certains peuples n’aient d’autres choix que de surexploiter la nature pour survivre.
A Rio, il y a dix ans, nos pays ont confirmé leur décision de consacrer 0,7% de leur PIB à l’aide au développement. Or, cette aide n’a cessé de décroître ces dernières années, malgré une conjoncture économique exceptionnelle. Notre parole doit être honorée, sauf à perdre tout crédit au prochain sommet du développement durable à Johannesburg en août prochain. C'est la raison pour laquelle j'irai dans trois jours à Monterrey pour le Sommet sur le financement du développement afin d'y défendre un nouveau partenariat entre le Nord et le Sud.
En contrepartie d'un fort engagement des pays riches, notamment financier, les pays en développement pourront s'engager dans la protection de leurs trésors naturels, la forêt, la faune, les sites et les ressources naturelles, et dans l'invention de modes de développement propre. Tels seront les fruits de la solidarité.
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Efficacité et responsabilité collective, ensuite.
L’efficacité, c’est celle qu'on est en droit d'attendre de la puissance publique, dans ce domaine comme dans tous ceux qui mettent en cause la sécurité et la protection des citoyens.
Pour être efficace, l’Etat doit pouvoir s’appuyer sur une législation moderne, audacieuse et adaptée. Je demanderai au prochain gouvernement de présenter une loi d'orientation globale, sur cinq ans, pour fixer l'ordre des priorités et mobiliser les moyens indispensables.
Je proposerai aux Français d'inscrire le droit à l’environnement dans une Charte adossée à la Constitution, aux côtés des Droits de l’Homme et des droits économiques et sociaux. Ce sera un grand progrès. La protection de l’environnement deviendra un intérêt supérieur qui s’imposera aux lois ordinaires. Le Conseil Constitutionnel, les plus hautes juridictions et toutes les autorités publiques seront alors les garants de l’impératif écologique. Cette démarche est celle de l'efficacité. Elle permettra d'installer la préoccupation, et même parfois la contrainte, de l'environnement dans la durée. Beaucoup d’autres pays ont déjà adopté de telles dispositions.
La Charte rappellera les droits et les devoirs de chacun à l'égard de l’environnement, et vis-à-vis des générations futures. Elle affirmera cinq principes fondamentaux : principe d’intégration, principe de précaution, principe de responsabilité écologique, principe de prévention, principe d’information et de participation.
Il faut un changement d’état d’esprit au sein de toutes les administrations de l’Etat. Il faut un changement de méthode de gouvernement. Dans les années récentes, le ministère de l’environnement a trop souvent servi de caution écologique et l'action n'a pas suivi. Le comité interministériel de l’environnement ne s'est pas réuni depuis cinq ans. Il est temps de mettre fin au dépérissement de la politique de l'environnement.
Il n'y aura pas de développement durable tant qu'on se contentera de surajouter une pincée de protection de la nature aux autres politiques publiques, politiques industrielle, agricole, des transports, de l'équipement. On se condamne alors à ne jamais pouvoir infléchir les grandes décisions. L'environnement ne doit plus être pris en compte seulement après que toutes les questions habituellement jugées importantes ont été réglées. Il doit être présent au coeur du processus de décision dès l'origine. Tant que l'on aura pas compris cette exigence, on pourra sans doute continuer à parler d'environnement, mais on ne pourra pas parler de développement durable.
Le développement durable est en effet une préoccupation transversale. Il doit être en filigrane de tout projet gouvernemental. Je propose que le ministre de l'environnement devienne un véritable ministre de l'écologie et du développement durable. Il exercera une compétence de coordination générale. Il sera au carrefour de toutes les décisions économiques et d'aménagement.
Tous les ministères qui peuvent être concernés par l'environnement, c'est-à-dire l'immense majorité d'entre eux, devront être partie prenante de cette politique globale, et chacun sera comptable de ses résultats.
L'éducation nationale, car il faut apprendre l'écologie dans les écoles.
La justice, pour mieux former les magistrats aux enjeux du droit de l'environnement.
L'économie et les finances, pour mesurer l'impact environnemental de nos choix fiscaux.
L'équipement, pour les grandes infrastructures et l'action en faveur d'un système de transport propre.
L'agriculture, pour développer une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable.
Voilà comment la puissance publique pourra mieux assumer ses missions de protection et de sauvegarde.
Parmi ces missions, je mettrai l’accent sur trois d’entre-elles, qui ne sont pas convenablement assurées aujourd'hui : la prévention des risques. La politique de l'énergie. La qualité de la vie.
La prévention des risques, qui participe de la sécurité des citoyens au sens large, est le premier devoir de la puissance publique. Sans paralyser l'initiative, il faut tendre vers le risque zéro en recherchant la protection maximale. Nous en sommes encore loin.
Protection, d'abord, contre certains risques naturels, ceux que l'on peut prévoir et prévenir. J'évoquais les inondations qui ont durement frappé la France ces dernières années. Elles ont révélé l’extrême fragilité de nos systèmes de prévention des crues. On ne peut se résigner à la répétition de ce phénomène année après année.
Les 14.000 communes concernées par ce risque, doivent impérativement être dotées par l'Etat d'un plan de prévention.
Protection, ensuite, contre les risques industriels.
Le tragique accident de Toulouse a amplement démontré l’insuffisance des moyens de contrôle et les efforts à faire en matière de réduction du risque à la source. Cela suppose plus de surveillance et un plan national de réduction des risques industriels et technologiques, sans écarter aucune solution, y compris le déplacement ou même l'arrêt définitif de certaines activités.
Cela doit se faire en concertation avec les populations qui sont les premières concernées, et qui doivent être pleinement informées et associées : les citoyens doivent pouvoir contrôler les dispositifs qui sont censés les protéger. Le non-dit, l'inconnu font peur. Au contraire, la transparence, la responsabilité, la volonté claire de prendre les décisions qui doivent l’être, rassurent.
Protection contre les risques liés aux transports maritimes.
L'objectif est simple, c'est d'éviter de nouveaux Erika. Pour cela, la France doit balayer devant sa porte en respectant son engagement international de bien contrôler les navires qui font escale dans ses ports ou approchent de ses côtes. Elle doit s'en donner les moyens. Elle doit aussi exiger le même effort de nos partenaires européens.
Protection dans le domaine des OGM et plus généralement des biotechnologies.
Leur essor n’est pas contraire, en lui-même, aux exigences de l’environnement. Elles sont même porteuses d'espoir, pour l'environnement et pour répondre au défi alimentaire mondial.
Toute la question est de savoir comment les exploiter sans mettre en cause des équilibres naturels qui sont nécessaires à l’homme.
Une certaine pratique du secret qui a entouré le développement des organismes génétiquement modifiés n’a pas été propice à l’instauration d’un climat de confiance. Il faut en tirer les leçons. Pour tous les produits qui résultent de manipulations du vivant, et en particulier ceux destinés à l'alimentation humaine, je souhaite que soient mises en oeuvre des procédures comparables à celles qui prévalent en matière de médicaments.
Cette meilleure protection des Français sera naturellement au coeur de la loi d’orientation que j’évoquais tout à l’heure, loi qui concernera en particulier la sécurité industrielle, alimentaire, sanitaire et maritime.
Conduire une véritable politique de l’énergie est la deuxième grande mission de l’Etat dans le domaine de l'environnement.
L’énergie est indispensable à notre société. On a tendance à l'oublier quand elle est abondante et bon marché. Mais, l'approvisionnement énergétique de la France est une question stratégique. Les Français sont en droit de savoir précisément ce qu'on leur propose pour l’avenir et ils doivent pouvoir en débattre.
D'abord, les économies d’énergie, qui doivent s’imposer à tous. Le gaspillage n'est pas seulement une perte d'argent, c'est une source importante de pollution et donc de risque pour les autres.
Ensuite, la diversification des sources d'énergie. Cessons de regarder les énergies renouvelables avec condescendance, comme je le constate encore trop souvent. Le solaire thermique, l'éolien, la géothermie ou la biomasse doivent occuper plus de place dans notre consommation d'énergie. Toute part de marchés supplémentaires pour ces énergies, ce sera moins de pétrole, de charbon et de nucléaire. Je veux que les technologies de l’énergie deviennent un volet essentiel de la grande politique de recherche et d’innovation que doivent mener la France et l’Europe.
L’énergie nucléaire doit faire l'objet d'un débat raisonné. Elle comporte des avantages indéniables pour notre indépendance et pour la limitation des émissions de gaz à effet de serre.
Mais bien entendu, elle exige aussi une très grande vigilance, notamment sur deux points essentiels : la sécurité et les déchets. Sur la sécurité, je souhaite qu'une loi encadre mieux les activités nucléaires civiles. Sur les déchets, il faut préparer, par un grand débat public, les décisions qui devront être prises en 2006, en particulier sur la nature et les conditions de stockage de ce que l'on appelle des déchets ultimes. L’objectif est de ne léguer aux générations futures que le minimum possible de plutonium et de déchets radioactifs à vie longue, notamment grâce au tri des déchets réalisé par le retraitement. C'est un problème que vous avez évoqué, Monsieur le Président. Je sais qu'on y est, ici, particulièrement sensible.
La troisième grande mission de la puissance publique, c’est de veiller à la qualité de la vie.
La qualité de la vie, c’est l’air que l’on respire, c’est l’eau que l’on boit, c’est le bruit que l’on entend, ce sont les paysages qui s’offrent à nos regards.
L'air. Contrairement à ce que l'on croit, la qualité de l'air s'améliore progressivement dans nos villes sous l'effet de la réduction de la pollution industrielle et du rajeunissement du parc automobile. Pourtant, les affections pulmonaires augmentent. C'est lié à l'accumulation des années de vie dans un air pollué. Je suis stupéfait de constater que la loi sur l'air de 1996 n'est toujours pas complètement appliquée. Elle devra l'être sans nouveau retard et il faudra l'étendre à la qualité de l'air que nous respirons à l'intérieur des bâtiments ou des moyens de transport.
Restent tous les problèmes liés au transport des marchandises. Les solutions sont connues : modernisation de la flotte des camions, développement du fret ferroviaire, et surtout du ferroutage, meilleure utilisation des voies maritimes et fluviales. Elles ont été trop longtemps différées. C'est une question de volonté politique, de méthode et de dialogue.
L'eau. La situation est aujourd'hui inquiétante. La qualité de la plupart des cours d’eau est mauvaise. Les nappes sont surexploitées ou polluées, alors qu’elles sont aussi utilisées pour l’alimentation en eau potable. La France rejette par ses fleuves de grandes quantités de polluants dans les océans. C'est une lourde responsabilité pour un grand pays maritime comme le nôtre car la pollution des mers provient pour l'essentiel des activités terrestres. Pour remédier à cela, dix ans après la loi sur l'eau de 1992, il apparaît nécessaire de légiférer à nouveau. Le projet de l'actuel gouvernement n'est pas satisfaisant, parce qu'il n'a pas été suffisamment concerté avec les différents acteurs régionaux et locaux auxquels il faut faire confiance. Un texte entièrement nouveau devra être adopté. Son principal objectif sera l'amélioration des milieux aquatiques et des réserves d'eau souterraines. Une autorité unique devra être chargée d’appliquer la police de l’eau au niveau régional.
Le bruit. Il affecte aujourd’hui plusieurs millions de Français. Là encore, il faut clarifier les responsabilités. C'est aux deux ministères chargés de l'environnement et de la santé de conduire la politique de lutte contre le bruit des avions, des trains, et des automobiles, et non au seul ministère des transports . On ne peut être à la fois juge et partie.
Les paysages. La beauté de nos paysages participe bien évidemment de la qualité de notre vie. Tout doit être fait pour la préserver. Un exemple : les lignes à haute tension. Il n’est pas acceptable que des forêts de pylônes de toutes natures défigurent nos campagnes, et même nos plus beaux sites. Je souhaite qu’un plan ambitieux d'enfouissement des lignes électriques soit mis en oeuvre. Cela prendra du temps, mais il est nécessaire de commencer dès que possible cette reconquête de nos paysages.
Par ailleurs, comment accepter qu’il y ait encore des milliers de décharges sauvages, que tant d'installations de traitement de déchets ne soient toujours pas aux normes, que le tri sélectif des ordures ménagères n'ait pas encore été généralisé, malgré les efforts des Français ? Il est temps de mener une politique d’ensemble pour limiter les nuisances, sauver nos paysages, préserver notre patrimoine naturel.
Voilà quelques-uns des grands objectifs que devront s'assigner l'Etat et les collectivités territoriales avec le concours de l'ensemble de nos concitoyens.
Car l'environnement demande l'engagement de tous.
Engagement de tous les acteurs du système éducatif, car l'écologie humaniste doit s'apprendre dans les écoles. Parce qu'elle est respect et souci de l'autre, souci du bien public, souci de l'avenir, elle doit faire partie intégrante d'une éducation civique renouvelée.
Engagement de l'ensemble de la communauté scientifique et des entreprises. Il nous faut un grand programme de recherche sur l’environnement, la santé, les technologies de l’énergie et de l’écologie industrielle. Afin de moderniser notre économie. Afin d'assurer les transferts de technologies vers les pays du Sud. C’est d'ailleurs aussi notre intérêt à court terme car la compétitivité de notre industrie, sa capacité à conquérir de nouveaux marchés s'en trouveront renforcées.
Engagement des collectivités locales, qui sont en première ligne pour tout ce qui concerne, par exemple, l'organisation des transports, le développement énergétique, la gestion des déchets, des ressources et des espaces naturels. Elles devront se doter elles aussi de leur propre stratégie de développement durable. Quant à l’outre-mer, si la richesse écologique de ses forêts, de ses lagons, de son littoral, de sa nature, est gérée sur le long terme, il peut devenir, en terme d'environnement et de tourisme de qualité, exemplaire dans leur espace régional.
Engagement de l'ensemble de notre société. Une politique de l'environnement responsable et audacieuse a nécessairement des incidences sur notre façon de consommer, de nous chauffer, de travailler, de produire, de nous déplacer, d'occuper nos loisirs. L’écologie, parce qu'elle impose des disciplines nouvelles, fait appel à la responsabilité de chacun au nom de la liberté de tous. D'où l'enjeu d'un vrai débat démocratique sur ce sujet. D'où la nécessité d'agir systématiquement par le dialogue, dans la transparence et la concertation. D'où l'importance qui s'attache à ne pas dresser les citoyens les uns contre les autres, à ne pas clouer au pilori, comme nous le voyons avec les chasseurs, certaines catégories de Français. Chacun, à sa place, doit jouer sa partie dans le combat pour l'environnement.
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Mes chers amis,
L'écologie humaniste que je vous propose de vivre participe d'un projet d'ensemble.
C'est un projet pour l'homme.
Il s'agit de le replacer au centre de toute politique, dans le temps long de l'humanité. Il s'agit de comprendre ses craintes, de répondre à ses aspirations, de préparer son avenir et surtout celui de ses enfants.
C'est un projet de protection.
Les Français ont besoin d'être rassurés. La sécurité est un tout. Vivre en sécurité, c'est bien sûr être protégé dans sa personne, dans sa famille, dans ses biens. C'est pouvoir exercer toutes ses libertés.
Mais la sécurité, c'est aussi ne pas risquer la vie de sa famille ou celle d'autrui en prenant sa voiture, ne pas craindre pour la santé de ses enfants, pour leur alimentation, pour l'air qu'ils respirent. C'est ne pas vivre dans la hantise de voir sa maison soudainement inondée. C'est pouvoir habiter non loin d'une usine sans redouter un accident industriel. Parce que la sécurité est un tout, il faut agir sur tous ses fronts.
C'est un projet de progrès.
Il repose sur la conviction que, sur la durée, la protection de l'environnement améliore la compétitivité de l'économie. Sur la confiance dans l'aptitude de l'homme à maîtriser son destin, la confiance dans le progrès scientifique et technique pour apporter de nouvelles réponses à de nouvelles menaces.
C'est un projet de liberté.
L'idée est de convaincre, de mobiliser, d'inciter afin que tous, citoyen, entreprise, collectivité locale, trouvent leur intérêt dans l'exigence écologique. L'idée est d'avancer pour l'élaboration des règles communes par la concertation, le dialogue, le débat public qui seuls permettent des engagements éclairés. Cette liberté de choix, je veux qu'elle s'exerce dans tous les domaines de la vie, donc dans le combat commun pour l'environnement. C'est librement, c'est volontairement que l'on doit choisir d'être un acteur de l'écologie humaniste.
C'est un projet de responsabilité.
Chacun, et d'abord l'Etat doit prendre ses responsabilités. Quand notre patrimoine naturel est en jeu, il ne faut pas hésiter à sanctionner les délits, parce que ce sont des délits contre les hommes. Cela dépasse, naturellement, les frontières des nations. C'est un ordre écologique mondial qu'il faut construire ensemble.
L'écologie humaniste est une éthique. Elle suppose l'amour du bien public et le souci des autres. La priorité donnée au long terme. La contrainte acceptée pour préparer l'avenir. Elle suppose la fraternité et le partage.
Ce sont ces principes, ces valeurs qu'ensemble nous allons faire gagner demain. |