ALLOCUTION
DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
À L'OCCASION DE LA SIGNATURE DU TRAITÉ DE NICE
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PRÉFECTURE DE NICE - ALPES-MARITIMES
LUNDI 26 FÉVRIER 2001
Monsieur le Président du Conseil européen, Monsieur le Premier Ministre, Madame la Présidente du Parlement européen, Monsieur le Président de la Commission européenne, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs,
C'est un très grand plaisir pour moi de vous souhaiter la bienvenue à l'occasion de la signature du Traité de Nice.
Lorsque je me remémore les quelques jours que nous avons passés ensemble dans cette ville, il y a deux mois et demi, je me dis que l'un des moments les plus éclairants fut sans doute notre réunion avec les treize pays candidats. Ils nous ont exprimé leur confiance. Ils nous ont investis d'une responsabilité. Et je crois que, pour nous tous, les dés étaient alors jetés. Nous n'avions pas le droit d'échouer.
C'est pourquoi je ne partage nullement le sentiment de ceux pour qui "l'esprit européen" n'aurait pas soufflé à Nice. Bien sûr, les chefs d'Etats et de gouvernement ont veillé, dans les débats, à leurs intérêts nationaux et il n'y a rien de choquant à cela puisque nul ne remet en cause l'existence de nos Nations. Bien sûr, la négociation a été parfois difficile. Ce n'est pas anormal puisqu'il s'agissait de revoir des équilibres d'influence inchangés depuis plus de quarante ans et destinés à durer des années encore. Mais il est tout aussi vrai que les Etats membres ont accepté de faire les efforts nécessaires au nom d'intérêts supérieurs, ceux de la poursuite de l'aventure européenne et de l'élargissement.
C'est cet esprit européen qui a permis de conclure la négociation à la date fixée, sans laisser aucun reliquat et sans prévoir de dérogation en faveur de certains Etats membres, comme cela avait été le cas à Maastricht ou à Amsterdam.
Les dispositions du traité ont suscité des commentaires divers. Et je ne résiste pas, à cet égard, à la tentation de vous rappeler les mots de Jean-Claude Juncker, qui présidait le Conseil européen, lors de la cérémonie de signature du Traité d'Amsterdam : "Avec le recul du temps, disait-il, chacun constatera que ce traité constitue une importante étape dans le processus d'unification. Méfions-nous des jugements hâtifs et sommaires aux lendemains de compromis toujours difficiles à cerner".
Le bons sens. On ne saurait mieux dire à propos de Nice. L'objectif de cette CIG n'était pas de refondre l'architecture de l'Union mais de trouver des réponses aux questions institutionnelles nécessaires pour remplir nos engagements envers les candidats, sans défaire l'Union. Et ces réponses, nous les avons très largement trouvées.
L'assouplissement des coopérations renforcées nous donne la garantie que l'Europe pourra, en toute hypothèse, continuer à s'approfondir. Les effectifs de la Commission sont plafonnés et les pouvoirs de son président, désormais élu à la majorité qualifiée, sont accrus. C'est l'assurance qu'elle restera ce qu'elle doit être, l'institution supranationale et centrale de notre Union. La repondération des voix permet de renforcer la légitimité des décisions prises par le Conseil. Le champ de la majorité qualifiée s'est encore étendu. Toutes les institutions, et notamment le Parlement européen, dont les pouvoirs sont renforcés, et la Cour de Justice, qui a fait l'objet d'une réforme ambitieuse, sont prêtes au grand élargissement. Et n'oublions pas les autres acquis du traité : la mise en place des nouvelles institutions de l'Europe de la Défense ; la création d'une procédure d'alerte en cas de risque de violation des droits fondamentaux ; et bien d'autres sujets encore.
Au total, Mesdames et Messieurs les ministres, c'est un traité cohérent et équilibré que vous allez signer. Parce qu'il est, comme tout accord européen, le fruit d'un compromis, il ne répond pas, bien sûr, aux ambitions de certains. Mais c'est le meilleur traité possible compte tenu des contraintes qui existaient et il permettra à l'Europe de demain de continuer à fonctionner avec efficacité.
Pour autant le Traité de Nice ne sera pas le dernier traité européen. Il clôt un cycle et crée les conditions du passage à la prochaine étape, celle du grand débat démocratique sur l'avenir de l'Union, que nous avons lancé à Nice et qui devra aboutir d'ici à 2004. Quelle vision de l'Europe avons-nous pour demain et pour après-demain ? Quelles sont les valeurs qui la fondent ? Comment s'assurer du fonctionnement transparent, démocratique, décentralisé de ses institutions ? Tel est le grand chantier que nous sommes en mesure d'ouvrir aujourd'hui grâce à l'accord conclu le 11 décembre.
Ce traité est le fruit d'une oeuvre commune. Et je voudrais remercier les présidences finlandaise et portugaise pour le travail de préparation qu'elles ont accompli ; le Parlement européen et la Commission européenne qui, tout au long de ces négociations, n'ont cessé de nous appeler, selon la belle formule de Romano Prodi, à ne pas oublier le "fil conducteur de la construction européenne". Merci également au secrétariat du Conseil pour son soutien de tous les instants. Merci à Göran Persson qui nous fait l'honneur de sa présence, aujourd'hui. Et merci, enfin, à tous les négociateurs.
Il appartient maintenant à chacun de nos Etats de procéder à la ratification du traité, selon les règles qui lui sont propres. La France, pour ce qui la concerne, va engager très rapidement le processus de ratification. Et je ne doute pas que tous les Etats membres respecteront la date limite du 31 décembre 2002, fixée à Helsinki. Alors, nous pourrons vraiment considérer que Nice est le traité de l'élargissement et qu'en conséquence nous avons rempli notre contrat. Je vous remercie. |