Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner État offert en l'honneur de M. Zine El Abidine BEN ALI, Président de la République tunisienne

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Palais de l'Élysée, le lundi 20 octobre 1997

Monsieur le Président, Madame,

Il y a deux ans, Monsieur le Président, presque jour pour jour, j'effectuais à Tunis l'une de mes toutes premières visites d'État, une visite qui est restée profondément ancrée dans mon coeur comme dans mon esprit. Et vous m'aviez reçu, Monsieur le Président, avec cette chaleur et cette hospitalité qui font partie de l'âme tunisienne.

Aujourd'hui, je suis très heureux, Monsieur le Président, Madame, de vous accueillir à Paris. Heureux d'accueillir un ami de la France, qui est aussi un ami personnel. Votre visite d'État vient couronner deux années au cours desquelles la relation d'exception entre nos deux pays s'est encore, s'il est possible, renforcée.



Tant de choses nous rapprochent : notre longue histoire partagée avec, parfois, comme il est naturel, ses moments douloureux, les combats menés côte à côte, le sang versé pour la liberté au cours des deux conflits mondiaux. Et cet espace euro-méditerranéen qui nous réunit et dans lequel nous voulons, ensemble, construire l'avenir.


La Tunisie, avant tout autre, a fait le choix stratégique de l'ouverture vers l'Europe et sur le monde. Vous vous êtes personnellement engagé pour assurer la réussite de votre pays, en le préparant à la compétition internationale, en réformant son économie, en poursuivant sa libéralisation.

Je tiens à rendre hommage à la réussite exemplaire de l'expérience conduite depuis dix ans, depuis votre accession à la magistrature suprême. Vous avez mené une politique cohérente pour assurer la stabilité de votre pays, promouvoir le progrès et le développement économique, partager avec chacun les fruits de la croissance. Ce qui est fait chez vous, dans chaque ville, dans chaque village, peut et doit être salué.

Ces succès sont aujourd'hui ceux de tout un peuple qui a su relever, avec confiance, les défis de la modernité, dans le respect de ses racines, de sa foi, de ses traditions, bref, de son identité.

Ainsi le système éducatif tunisien a-t-il permis de scolariser la totalité de votre jeunesse, filles et garçons réunis, et à partir de là, former une remarquable élite intellectuelle. C'est suffisamment rare pour être mentionné avec estime.

Ainsi avez-vous sans cesse amélioré, par vos lois, le statut de la femme, aujourd'hui exemplaire, mais aussi celui aussi de la famille et de l'enfant. Ces lois sont la marque de la nouvelle société tunisienne.

L'audace économique et sociale, qui répond aux aspirations de votre nation, s'est toujours appuyée sur la grande tradition de tolérance de la Tunisie. Elle s'est inspirée des valeurs essentielles d'un Islam dont votre pays offre le visage le plus ouvert et le plus moderne.

En engageant la Tunisie dans la voie de la réforme économique, de la justice sociale, de l'ouverture politique, vous avez privé l'extrémisme, le fanatisme et l'intégrisme des frustrations et des rancoeurs qui les nourrissent. Quand le niveau de vie s'élève, quand le chômage, la pauvreté, l'exclusion reculent, alors disparaît la tentation de la violence. Alors l'État de droit et la démocratie peuvent mieux progresser, une société de liberté peut mieux s'épanouir.




Cette Tunisie nouvelle veut tout naturellement, comme la France, faire de la Méditerranée un trait d'union entre les peuples installés sur les rives Nord et Sud. Ensemble, nous militons en faveur d'un partenariat global, dont la Conférence de Barcelone de 1995 a tracé la perspective.

Tout naturellement, encore, la Tunisie, appuyée d'ailleurs par la France, a été le premier pays à conclure un accord d'association de nouvelle génération avec l'Union européenne. Doté de nouveaux moyens avec le programme MEDA, cet accord permettra à votre pays de tirer le meilleur parti de son choix courageux et nécessaire et de sa coopération avec l'Europe.

Au-delà du monde euro-méditerranéen, c'est aussi la francophonie qui nous rapproche. Ensemble, nous participerons, dans trois semaines, au sommet de Hanoi. Il sera marqué par l'élection du premier secrétaire général de notre organisation. Nous donnerons ainsi - quarante neuf pays, ce qui compte - une voix et un visage à cet espace politique qui doit s'affirmer et marquer sa différence.




Monsieur le Président, nous avons tout à l'heure évoqué ensemble tous les contours d'une relation bilatérale dense et diversifiée.

La France est et restera le premier partenaire culturel, économique et financier de la Tunisie.

Prolongeant notre décision de bâtir entre nos deux pays - une idée qui vous revient et que vous aviez le premier exprimée lors de mon voyage il y a deux ans dans votre pays - un partenariat économique moderne, et sur la base des travaux accomplis pendant deux ans, nos deux gouvernements viennent de signer un accord de long terme, novateur, volontaire, ambitieux, le premier de ce type que la France signe avec un pays tiers. Il marque le changement de nature de nos rapports économiques. Il donne un nouveau souffle à notre relation. Il symbolise notre volonté de lui conserver son caractère d'exception.

Dans le domaine culturel, les échanges d'enseignants, de chercheurs, d'experts, d'étudiants attestent la proximité de nos élites. Mais nos liens humains s'incarnent d'abord dans la communauté tunisienne de France.

Vous allez, Monsieur le Président, la rencontrer demain. Je souhaite ce soir lui rendre hommage. Active, dynamique, bien intégrée tout en conservant des liens très forts avec la Tunisie, elle est, en quelque sorte, le ciment de notre amitié. Nous ferons en sorte que vos filles et vos fils se sentent chez eux en France, dans la fidélité à leurs origines, à leurs traditions, à leur culture.

Et pour les Français qui vivent chez vous, qui y construisent leur avenir, je sais pouvoir compter sur votre compréhension et sur votre soutien. Je suis convaincu que leur pays d'adoption saura répondre, avec bienveillance, à leurs éventuelles difficultés. Vous m'en avez déjà donné maintes fois la preuve. Je me réjouis que, grâce à nos efforts conjoints, le douloureux dossier des biens immobiliers est trouvé maintenant sa solution.




Mais nous avons aussi évoqué, lors de notre entretien, les grands problèmes du monde, notamment ceux de l'Afrique et bien sûr ceux du Proche-Orient. Nous déplorons tous les deux la crise très grave que connaît le processus de paix. C'est aujourd'hui le découragement qui l'emporte, la tentation du repli, le refus du dialogue. Nous pouvons enrayer ensemble cette spirale de l'échec. Poursuivons nos efforts avec les États-Unis, l'Union européenne, la Russie et avec toutes les parties régionales intéressées, afin que se confirme la fragile reprise qui s'esquisse aujourd'hui !




Vous le voyez, Monsieur le Président, le champ qui s'ouvre à notre amitié, à notre coopération est sans limite. Pendant votre séjour en France, vous éprouverez le sentiment profond d'estime et de respect que mes compatriotes portent à votre pays et à votre personne. Vous mesurerez la confiance que leur inspire votre peuple et ses dirigeants. Vous percevrez leur volonté de bâtir, avec les vôtres, un avenir partagé de paix et de prospérité.

C'est confiant dans notre relation exemplaire, dans ses succès à venir et dans notre capacité à faire vivre et grandir le partenariat euro-méditerranéen que je voudrais maintenant lever mon verre.

Je le lève en l'honneur de Son Excellence, Monsieur Zine Abidine BEN ALI, Président de la République tunisienne.

Je le lève, Madame, en votre honneur et en vous exprimant notre joie que vous ayez pu accompagner le Président BEN ALI, vous demandant aussi de dire une affection à HALIMA.

Je le lève, enfin, en l'honneur de la Tunisie et de son peuple auquel je souhaite bonheur et prospérité. Je bois à l'amitié entre la Tunisie et la France.