Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'Hôtel de ville de Berlin.
Berlin, Allemagne, le lundi 26 juin 2000
Monsieur le Maire-Gouverneur,
Mon cher Eberhard,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de saluer Monsieur le Président du Parlement de Berlin et de dire à chacune et à chacun d'entre vous mon amitié et celle de la France représentée notamment, ici, par le Ministre français des Affaires européennes, M. Moscovici, et par le Maire de Mulhouse, président du groupe d'amitié de l'Assemblée nationale entre l'Allemagne et la France, M. Jean-Marie Bockel.
Vous avez évoqué, Monsieur le Maire, mon cher ami, nos souvenirs communs. Ils sont anciens et nombreux. Mais ils sont surtout et ont toujours été cordiaux. J'ai toujours appris beaucoup auprès de vous. Nos relations étaient amicales à l'image de ce que doivent être les relations entre nos deux pays. Vous avez évoqué ce pacte que nous avons signé il y a 13 ans. Vous avez évoqué le départ du tour de France que nous avons donné ensemble ici, à Berlin, pour le recevoir ensuite à Paris, où vous avez indiqué que nous avions fait la dernière étape. En voiture... Mais enfin, nous avons vu des choses. Et tout cela, mon cher ami, crée des liens forts et que rien n'a entamé.
Une fois de plus, cher ami, je suis frappé par deux choses : d'abord sur le plan personnel, la chaleur des habitants de Berlin. Je suis toujours frappé, quand on vient ici, de l'accueil qu'on y reçoit. Les gens sourient, disent bonjour gentiment. On n'a pas le sentiment d'être un étranger. Un sentiment que l'on peut avoir dans d'autres villes du monde. Et ceci tient aux liens particuliers, c'est vrai, entre nos deux pays. Et ma deuxième impression, c'est la vitalité de Berlin. Quelle vitalité !
Berlin, ville de toutes les avant-gardes, de toutes les expériences ! Berlin, aujourd'hui capitale du mouvement, véritable laboratoire de l'esprit et de l'art en Europe ! Berlin où les énergies, longtemps brimées, se donnent aujourd'hui libre cours ! Berlin où tout entreprend et bâtit, qui se redessine et qui a ouvert quelques-uns des plus grands chantiers et des plus beaux chantiers de notre temps !
Et tout à l'heure, en déposant une gerbe de fleurs au Monument qui rend hommage à toutes les victimes des guerres et des tyrannies, tout à côté d'ici, je pensais à l'immense bonheur de tous les Européens lorsqu'en cette nuit de novembre 1989, s'est effondré le Mur, cette profonde blessure au cœur de l'Allemagne. Lorsque, parti d'ici, un grand vent de liberté s'est levé sur l'Europe.
C'était déjà la liberté qu'incarnait votre ville, Monsieur le Maire, mon cher ami, aux yeux des 7000 Huguenots, contraints à l'exil, il y a deux, trois siècles, et que vous évoquiez tout à l'heure. Huguenots qui trouvèrent ici un refuge. Et pour en remercier le Grand Electeur, ils participèrent de manière essentielle à l'essor de Berlin. L'enrichissant de leurs talents. Important des techniques, notamment dans les domaines de la tapisserie ou de la porcelaine. Ainsi furent-ils à l'origine de la création de la Manufacture royale de Prusse. Et je voudrais leur rendre hommage à ce sujet aujourd'hui ici.
Plus près de nous, lorsque la nuit se fut emparée de votre pays, beaucoup de Berlinois menacés furent accueillis chez nous. En 1948, la France, avec les Etats-Unis et la Grande Bretagne, a répondu, vous l'avez aussi évoqué, à l'appel de votre illustre prédécesseur, Ernst Reuter. Comme en témoigne l'aéroport de Tegel, construit par les Français pour que Berlin, à ce moment crucial, demeure libre.
Monsieur le Maire, je suis heureux et fier de pouvoir rappeler aujourd'hui nos liens étroits, par delà même la grande déchirure de notre continent, et notre solidarité dans les épreuves. Aujourd'hui, Berlin se reconstruit. Elle engage d'immenses et admirables transformations qui bouleversent chaque jour son paysage. Elle redevient ce qu'elle fut si souvent : le lieu de tous les possibles.
Et, très bientôt, la France jouira ici, dans le nouveau Berlin, avec l'ambassade qu'elle y construit, d'une représentation digne de l'amitié franco-allemande et du prestige de votre capitale.
Je voudrais après vous, Monsieur le Maire, mon cher ami, au-delà du lien entre nos deux capitales, du lien entre nos deux pays, dire à quel point ce lien entre l'Allemagne et la France est important pour l'avenir, pour la paix, pour la démocratie, pour le progrès.
Tout à l'heure, j'évoquai le monument proche d'ici, et je pensais au nombre de morts, au nombre de douleurs, et finalement pour rien.
Et, bien sûr, ceux qui ont conçu au lendemain de la guerre l'idée européenne avaient d'abord et avant tout pour ambition d'instaurer, d'enraciner la paix dans notre vieux continent et, par là même aussi, la démocratie et puis également de participer au progrès économique et social.
Nous avons suivi cette voie, elle est la bonne et elle a porté ses fruits, au point qu'aujourd'hui nous élargissons, à l'ensemble des pays de la vieille Europe l'organisation commune qu'ensemble nous avons créée, et dont l'Allemagne et la France sont le moteur essentiel.
Et je crois que nous devons, aujourd'hui, mettre tout notre cœur pour avoir à la fois la proximité nécessaire dans la construction européenne avec l'ensemble de nos concitoyens, pour avoir l'audace indispensable sur le plan intellectuel et culturel pour sortir des idées du passé et concevoir un avenir meilleur. Et, enfin, il faut que cet avenir soit celui de l'union de notre Europe. Chacun conservera et gardera, bien sûr, sa force et son identité. Les nations ne disparaîtront pas, mais ensemble, elles auront la force d'imposer à ceux qui pourraient avoir des tentations malsaines, la paix, la démocratie et le développement, c'est-à-dire le progrès économique et donc le progrès social. Et je souhaiterais beaucoup que Berlin et Paris continuent par leur lien amical à montrer la voie dans cette direction.
Je vous remercie.
J'ai l'honneur, mon cher Eberhard, de vous remettre de tout cœur la médaille commémorative de la République française.
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