Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant la communauté française à Berlin.
Berlin, Allemagne, le mardi 27 juin 2000
Mes chers compatriotes,
Je voudrais tout d'abord, et avec une grande joie, saluer ici les représentants de l'importante et dynamique communauté française d'Allemagne et dire toute mon estime pour le travail qu'elle y fait et pour l'image qu'elle y donne dans notre pays. Cet hommage, je tiens à vous le rendre, au nom de mon épouse, bien entendu, au nom des ministres ici présents, M. Laurent Fabius, ancien Premier ministre et ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, et M. Hubert Védrine, notre ministre des Affaires étrangères. Au nom aussi des parlementaires et en particulier de M. Jean-Marie Bockel, maire de Mulhouse et président du groupe d'amitié entre l'Allemagne et la France à l'Assemblée nationale, et de M. Daniel Hoeffel, ancien ministre et président du même groupe d'amitié au Sénat. Je le fais aussi au nom des industriels français parmi les plus éminents, qui ont bien voulu nous accompagner dans ce voyage et dont beaucoup, je les vois, sont présents, et qui donnent une image dynamique de l'économie de notre pays en Allemagne. Je voudrais saluer les membres du CSFE et remercier chaleureusement notre Ambassadeur, M. Claude Martin, et son épouse qui font ici un travail très remarquable.
Je suis venu pour une visite d'Etat. Et c'est une visite qui a été à la fois, je crois, réussie et qui m'a beaucoup impressionné. Elle m'a impressionné d'abord parce que c'est seulement depuis la guerre la troisième visite d'Etat en Allemagne, et la première depuis la réunification. Alors, bien entendu, nous avons des contacts permanents au niveau des chefs d'Etat, de gouvernement, au niveau des ministres, au niveau de nos administrations, au niveau de nos entreprises, de nos centres culturels, de nos associations, de nos organisations syndicales et professionnelles. Mais, une visite d'Etat c'est un plus qui permet de marquer, au-delà de l'amitié ou de la convivialité, qu'il y a une vraie volonté d'un accord profond. Et c'est bien ce qui est en cause aujourd'hui, et déjà depuis longtemps, entre l'Allemagne et la France.
Je vous ai dit que je considérais que cette visite avait été très réussie parce que nos discussions ont été excellentes et que la France et l'Allemagne s'apprêtent une fois de plus à partir la main dans la main pour que la présidence française de l'Union européenne, qui débute dans trois jours, soit un succès et qu'ensemble, nous arrivions à donner l'impulsion nouvelle qui est nécessaire pour permettre à l'Europe de poursuivre sa route après son élargissement.
Mais, au-delà, j'ai été très sensible à la façon dont les autorités allemandes ont voulu nous recevoir. A la fois avec beaucoup d'amitié, de chaleur, de confiance. Et ce sont des gestes qui, finalement, comptent dans les relations entre nations comme ils comptent dans les relations entre les personnes.
Et puis j'ai remarqué aussi quelque chose, je l'ai souligné ce matin en m'adressant au Bundestag : je suis frappé de voir lorsqu'on se promène en voiture, la fenêtre ouverte, dans les rues, hier à Hanovre, aujourd'hui à Berlin, de voir que les Allemands qui sont là, dans les rues, ont tous à la fois le sourire et un geste amical, sympathique, voire affectueux et qui indique quelque chose. Ce n'est pas si courant dans les visites d'Etat, qui sont en général plus souvent considérées commes des traumatismes à la circulation que comme des gestes d'affection. J'ai été très frappé de voir ces gestes dans notre direction, y compris le nombre de gens qui criaient : "Allez les bleus !", ce qui m'a fait plaisir. Oui, ça aussi c'est quelque chose qui signifie, qui a une signification, et qui marque tout de même un lien particulier.
Il y a quelques jours a été publié un sondage dans un grand hebdomadaire allemand, qui a été très largement repris par la presse française, et qui avait été fait par un grand institut d'opinion allemand et dans lequel on précisait que 83 % des Allemands interrogés trouvaient les Français sympathiques. Et nous arrivions très en tête de toutes les autres nations. C'est important. C'est important et je suis persuadé que nous le devons, pour une partie, et une partie non négligeable, au comportement des quelque 100 000 Français ou près de 100 000 Français qui vivent en Allemagne, et que vous représentez ce soir ici. Et c'est de cela aussi que je voulais vous remercier.
Le moteur franco-allemand, je l'évoquais à l'instant, marche bien. Nos récentes réunions, pour ne prendre que ce témoignage, à Rambouillet et à Mayence, ont été on ne peut plus positives. Et nous avons une réelle volonté, mais une volonté qui ne tient pas seulement à l'esprit, qui vient aussi du cœur et qui est spontanée, de marcher la main dans la main pour poursuivre ensemble la grande aventure européenne.
C'était ça l'essentiel de ce que je voulais vous dire. Car cela doit vous inspirer confiance, quelle que soit l'activité qui est la vôtre ici. A vous qui, après avoir été nombreux, puis moins nombreux avec le départ de nos forces militaires, à vous qui êtes de nouveau de plus en plus nombreux. L'Ambassadeur, notre Ambassadeur me disait le nombre croissant de Français, notamment de jeunes, venus ici étudier, travailler ou entreprendre en Allemagne, comme on observe d'ailleurs un grand nombre d'Allemands qui viennent aussi en France. Je suis en particulier heureux de saluer les quelques 1 400 entreprises françaises qui sont actuellement présentes en Allemagne et de vous dire que je n'ai pas connu de rencontre franco-allemande sans que l'on évoque aussi les problèmes auxquels sont confrontés les Français en Allemagne ou les Allemands en France et que nous sommes également résolus, Allemands et Français, à essayer, au niveau des Etats et des ministères concernés, de faciliter les conditions de vie de nos compatriotes dans ce pays, deuxième communauté française du monde !
Alors, il y a des sujets plus ou moins faciles à régler. Il en est qui sont encore délicats comme en particulier les enfants de couples franco-allemands séparés mais on a déjà fait les premiers pas et je pense que d'ici peu nos deux ministres de la Justice pourront trouver une solution définitive à ces douloureux problèmes.
Voilà simplement ce que je voulais vous dire. Nos liens se renforcent sans cesse. Notre volonté de créer une Europe moderne est sans cesse réaffirmée. Qu'est-ce que c'est qu'une Europe moderne ? C'est d'abord une Europe en paix. Une Europe dans laquelle les risques de guerre qui nous ont coûté si cher puissent être définitivement écartés. Ce qui suppose une Europe démocratique, une Europe respectueuse des libertés et des Droits de l'homme, l'un n'allant pas sans l'autre. Et à partir de là une Europe qui puisse se consacrer au progrès économique, à la croissance, au développement et, par voie de conséquence, une Europe qui puisse affirmer un modèle social, en croissance permanente, en amélioration permanente.
C'est ça notre grande ambition. Nos pays ne l'assumeront pas individuellement ou seuls. C'est l'Union qui nous donnera la force de poursuivre, une Union qui ne remet en rien naturellement l'identité, la culture, la tradition de chacune des nations qui composent l'Europe mais qui permet à ces nations de mettre ensemble leur potentiel, leur énergie, leur imagination, leur créativité afin, ensemble, de conserver un certain nombre de valeurs et d'assumer un certain nombre de progrès.
Voilà les raisons pour lesquelles je me réjouis d'avoir pu faire ce voyage, cette visite d'Etat en Allemagne. Voilà pourquoi j'ai remercié chaleureusement les autorités allemandes, le Président fédéral, le Chancelier fédéral, le Président du Bundestag, qui nous ont reçus avec tant de gentillesse et, je dirai, de fraternité. Et voilà pourquoi je tenais aussi à remercier la communauté française car je sais bien que c'est parce qu'elle est exemplaire que nos relations peuvent être aussi bonnes. Vous avez votre part de ce résultat et je vous demande de faire savoir à l'ensemble de celles et de ceux de nos compatriotes que vous connaissez et qui sont en Allemagne, mes sentiments à la fois d'estime, de reconnaissance et puis tout simplement d'amitié.
Je vous remercie.
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