Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et M. Benjamin NETANYAHOU, Premier ministre de l'État d'Israël.
Jérusalem, Israël, le mardi 22 octobre 1996
M. BENJAMIN NETANYAHOU - La France et Israël entretiennent des relations étroites et chaleureuses dans tous les domaines et à tous les niveaux. Nous espérons, et je dois vous dire que j'en suis persuadé, que ces relations se resserreront et se multiplieront, grâce aux visites réciproques et au développement continu de nos rapports. Nous avons parfaitement conscience de l'influence de la France et du prestige du Président Chirac dans les capitales arabes, prestige justifié. Nous espérons que cette influence contribuera à introduire les valeurs de la démocratie et bien sûr le pluralisme dans cette région. Mais le plus important, et c'est ce qui nous intéresse le plus, est d'élargir le cercle de la paix.
C'est notre principal objectif. Je suis persuadé que la France et le Président Chirac, pourront nous aider à développer la normalisation et la paix avec nos voisins, ainsi qu'avec les Etats qui ne sont pas forcément limitrophes. Je vois dans la visite du Président Chirac une démarche des plus positives en direction de la paix. Nous avons eu une conversation prolongée et extrêmement constructive. Le Président Chirac m'a fait part de ses impressions sur ses entretiens à Damas. Nous avons échangé des idées sur la manière de contribuer à l'élargissement du cercle de la paix. Et je souhaite tout simplement que le dévouement du Président Chirac à l'égard de la paix et la coopération entre les peuples serve d'exemple à tous les dirigeants de la région. Je remercie le Président pour l'amitié personnelle et les sentiments chaleureux qu'il porte à Israël. Je lui souhaite une bonne continuation, une visite agréable et féconde, et, je dois le dire, je souhaite beaucoup d'autres visites en beaucoup d'autres occasions. Je vous remercie.
LE PRESIDENT -Je serai fort bref, puisque le Premier Ministre d'Israël a dit les choses comme je les vois et comme je les pense.
Je voudrais remercier très chaleureusement l'Etat d'Israël, son Président et mon ami Benjamin Nethanyahou pour l'accueil qu'ils m'ont réservé.
Je voudrais simplement dire que les entretiens que nous avons eus et notamment juste avant le déjeuner et pendant ce déjeuner de travail, ont été, de mon point de vue, extrêmement efficaces, importants en tous les cas pour moi. Je m'en réjouis. Ma seule ambition dans cette région est d'être un soldat de la paix. Je n'en ai pas d'autre évidemment. Tout ce que je pourrais faire pour aider à une meilleure compréhension réciproque entre les différents partenaires de cette région, je le ferai avec tout mon coeur.
J'ai parfaitement compris la position et les sentiments du gouvernement de Monsieur Netanyahou. Je lui ai donné mon sentiment sur les différentes composantes de la paix au Proche-Orient. Je continuerai, pour ma part, à tout faire pour que cette paix assure une sécurité pour tous et un développement pour chacun.
QUESTION - Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de poser une question en hébreu. Tout d'abord, nous savons que le Président Chirac se trouvait à Damas, chez le Président Assad, et nous connaissons les étroites relations entretenues entre les deux Etats. Avez-vous reçu un message quelconque de la part du Président syrien, en regard des tensions qui existent actuellement entre Israël et la Syrie ? Deuxième question si vous le voulez bien : nous comprenons que les négociations avec les Palestiniens sont sur le point d'aboutir. Quand vont-elles donc se terminer ? Quand rencontrerez-vous Arafat ?
M. BENJAMIN NETANYAHOU - Le Président Chirac m'a fait part, en détail, de ses sentiments suite à deux longues conversations qu'il a eues avec le Président Assad, quatorze heures, si je ne m'abuse à Damas les discussions sont plus longues qu'ici, mais en bref, je pense que le Président m'a transmis l'essentiel. Le message était positif, mais je pense qu'il est préférable de ne pas en dire trop et, bien évidemment, nous apprécions grandement la manière dont la France est disposée à nous apporter son aide dans les efforts que nous déployons pour ne pas différer, et relancer finalement les négociations bilatérales entre Israël et la Syrie. S'agissant des négociations avec les Palestiniens, je l'ai déjà dit, et je pense que le ministre des Affaires étrangères a été le premier à le dire il y a cinq ou six jours, que les pourparlers sont proches de leur dénouement. Cette assertion était vraie à l'époque, et l'est également aujourd'hui. Mais "proches de leur dénouement" et "achevées" sont deux choses différentes. Nous sommes prêts de la fin, mais rien n'est achevé et j'espère qu'elles se termineront bientôt. J'ai la conviction que, dès que nous atteindrons la ligne d'arrivée, une rencontre entre Arafat et moi-même sera possible et même nécessaire afin de conclure tous les détails et permettre évidemment l'annonce officielle de la fin des pourparlers.
QUESTION - Monsieur le Premier ministre, vous n'êtes pas sans savoir que, ce matin, la visite de la vieille ville du Président de la République a été quelque peu mouvementée. Je crois même que vous avez reçu une protestation. Je voudrais savoir ce que vous pensez de cet événement. On a eu l'impression, parmi les Français, que cette visite dans la vieille ville gênait un peu les autorités israéliennes. Est-ce le cas ?
M. BENJAMIN NETANYAHOU - J'ai parlé de cet incident avant le déjeuner mais je vais le refaire en présence des journalistes rassemblées ici. Tout d'abord, le Président Chirac m'a tout simplement raconté l'événement de manière tout à fait directe et ouverte, comme il est d'usage entre amis, et non pas dans le cadre d'accusations, ou d'un acte officiel. Cela s'est fait directement, entre amis, et je pense qu'il est bon que l'on ait tout d'abord procédé aux vérifications. J'ai expliqué que depuis l'assassinat de Rabin, nos forces se sécurité se montraient très exigeantes pour tout ce qui a trait à la protection de personnalités. L'un des responsables des Services de Sécurité m'a confié que la protection de personnalités ou de chefs d'Etat était l'une des deux missions les plus importantes qui leur était confiée.
La première est la lutte contre le terrorisme et la seconde, la protection de personnalités, car un assassinat eut changé le cours de l'histoire. Ainsi, l'intransigeance des services israéliens de sécurité pour tout ce qui a trait à la protection de personnalités, tient à l'importance colossale que nous accordons à la sécurité de chefs d'Etats et autres personnalités dignes de la même protection. Cela partait totalement d'une bonne intention ; le but était de protéger un ami qui nous est cher. Mais je dois vous dire que parfois les bonnes intentions n'empêchent pas les faux-pas, les désagréments, c'est ce qui s'est passé aujourd'hui lors de la visite du Président à Jérusalem.
Je suppose que cela a causé du désagrément à une partie d'entre vous, membres des médias, et je m'en excuse; cela n'était dirigé ni contre vous, ni contre le Président Chirac. Il est important pour moi de le préciser, à vous, ainsi qu'à l'opinion française. Nous n'avions que de bonnes intentions. Je l'ai expliqué également à Monsieur Chirac et je vous le répète. Nous observons le même comportement envers Monsieur Chirac qu'envers le Premier ministre israélien, le même degré de sévérité. Ce problème est donc connu de tous, cela cause parfois du désagrément mais l'intention est bonne.
QUESTION -Monsieur le Premier ministre Netanyahou, le Président de la République française hier, dans son discours à Haïfa, a souhaité la création d'un Etat palestinien en précisant que c'était dans l'intérêt de tous. Est-ce qu'on peut imaginer un tel Etat, vous étant Premier ministre ou est-ce que c'est exclu à échéance plus ou moins longue ?
M. BENJAMIN NETANYAHOU - Ce n'est un secret pour personne qu'il existe des opinions diverses, aussi bien entre Israël et ses partenaires arabes qu'entre Israël et ses amis de par le monde. Nous ne voyons pas les choses de la même manière, ni avec les Etats-Unis, ni avec la France. Mais notre conception est la même sur un point : la solution doit être trouvée par les parties elles-mêmes. Les autres peuvent apporter leur contribution, peuvent même être d'une grande aide, mais en fin de compte le règlement est le résultat de négociations, de tentatives de persuasion, d'un "donné contre un rendu" entre les parties. A mes yeux, je pense que cela est plus important que la question très spécifique de telle ou telle position que chacune des parties aurait aimé voir car le processus, en lui-même, décidera. Dans le cadre du processus engagé avec les Palestiniens, je crois possible de parvenir à une entente avec eux. Ce ne sera pas facile.
Vous voyez bien que cette voie est accidentée, et est parfois jonchée de crises mais je pense qu'il existe un engagement réciproque pour parvenir à un arrangement de paix qui permette à ces deux peuples de vivre sur ce petit lopin de terre, entre la mer et le Jourdain. Nous exposerons notre position, s'agissant de l'arrangement définitif, elle est certes différente mais nous croyons possible, dans le cadre que nous délimiterons, de parvenir à un équilibre entre les besoins des Palestiniens à gérer leur propre vie et les besoins d'Israël à défendre ses intérêts fondamentaux, et sa sécurité avant tout. Mais, de nouveau, cela se fera dans le cadre de négociations. Il n'y aura aucune coercition d'une part ou de l'autre. Tous nos amis le comprennent et l'acceptent, y compris la France.
QUESTION - Monsieur le Président, lors de votre passage en Syrie, avez-vous demandé au Président Assad d'extrader en France le criminel nazi Aloïs Brunner. Et si oui, qu'a-t-il répondu ?
LE PRESIDENT -J'ai effectivement, et d'ailleurs, dès le premier entretien que j'ai eu avec le Président Assad, demandé la recherche du nazi Aloïs Brunner, dit Georges Fischer, dont nous avions toute raison de penser qu'il habitait en Syrie et il y a d'ailleurs une demande de justice à ce sujet qui a été déposée il y a quelques mois. Le Président Assad m'a dit qu'il n'était pas informé de cette situation, mais qu'il allait immédiatement s'en préoccuper. En tous les cas, j'ai beaucoup insisté.
QUESTION - Monsieur le Premier Ministre, vous donnez l'impression à l'ensemble de la presse, peut-être à l'opinion publique mondiale que vous êtes quelqu'un de très intransigeant. Il y a la sécurité d'Israël, bien sûr, qu'il faut défendre. Mais, qu'est-ce que vous allez faire aujourd'hui pour montrer que vous êtes moins intransigeant et peut-être éviter un conflit armé, un nouveau conflit armé dans la région ? Sur quelle base vous allez traiter ? Qu'est-ce que vous allez proposer ? Est-ce que vous allez faire d'autres concessions ? Est-ce que vous considérez qu'il y en a eu trop de faites jusqu'à présent depuis Camp David ?
M. BENJAMIN NETANYAHOU - Je pense qu'il n'est pas d'erreur plus grossière que de douter de l'honnêteté de nos intentions de paix. Je sais pertinemment qu'il est d'usage de penser, parmi certaines parties de l'opinion publique européenne, et pas uniquement en Europe, que ce gouvernement s'oppose à la paix, que nous avons été élus pour arrêter le processus de paix, sornettes ! Balivernes, dirai-je même en termes diplomatiques. Nous avons été élus pour instaurer une paix véritable, une paix qui ne permette pas au terrorisme de faire la loi dans nos rues, qui protège nos enfants de la peur et, je me permets même de dire, qui protège également les enfants palestiniens et ceux des pays arabes voisins. Nous avons pris l'engagement de parvenir à cette solution. C'est la raison pour laquelle j'ai été élu. Maintenant, le canevas menant à un arrangement avec les Palestiniens a été arrêté par le gouvernement précédent. Notre engagement est de respecter les accords passés par le gouvernement précédent car c'est ainsi que les Etats de droit fonctionnent. Il se peut qu'à sa place, j'aurais mené les négociations différemment.
J'estime que l'accord d'Oslo comprend de très sérieux défauts dans le domaine de la sécurité, ce qui, malheureusement, a été démontré dans la réalité. Comme vous le savez, de graves attentats terroristes ont été perpétrés ici. Et dernièrement, nous avons dû affronter de sérieux problèmes de violence lorsque les armes remises par Israël à la police palestinienne ont été tournées contre nous. Ces défauts existent et il faut s'y attarder dans le cadre de l'application de l'accord. C'est exactement ce que nous faisons actuellement. Nous sommes en pourparlers sur Hébron. Nous parlons de l'application du redéploiement à Hébron.
Dans le cadre de l'accord qui, en lui, est général et que nous respectons, il y a la place pour un protocole détaillé qui décrive, qui est censé décrire la manière dont cet accord sera concrètement appliqué. A mon sens, sans le travail effectué ces derniers jours, ces dernières semaines, depuis le Sommet de Washington, si nous avions appliqué l'accord dans son esprit général, je pense que des affrontements se seraient produits rapidement sur le terrain. Le travail effectué par nous, a permis de dégager les grandes lignes spécifiques qui nous permettent de nous redéployer à Hébron, réduit les risques de friction entre nous et les Palestiniens, autorise une meilleure collaboration entre les forces de sécurité israéliennes et la police palestinienne, permet à cet accord de résister à l'épreuve du temps car notre objectif n'est pas de faire ce qu'on appelle en anglais une "photo opportunity", de signer un accord, de dire que nous avons rempli notre contrat et de repartir chez nous, pour qu'après tout nous explose en pleine figure. Nous aspirons à quelque chose de véritablement solide, susceptible de limiter les dangers qui, comme vous le savez, se trouvent toujours à nos portes. Le problème du terrorisme n'a pas disparu. Les menaces sont présentes.
Dans ce climat difficile, il nous faut créer des "îlots" de sécurité et progresser pas à pas vers l'application de ces accords. Lors des négociations, l'unique principe qui me guidait à Washington, et en fait depuis mon élection, est le suivant : nous réglons les divergences de vues entre nous autour de la table des négociations. Il est intolérable que nous y cherchions une solution par la violence, ou des menaces de violence, uniquement autour des négociations. Ce principe peut, à mon sens, nous permettre d'atteindre le but recherché, qui est la paix. Tout écart à ce principe met la paix en danger.
C'est pourquoi, nous sommes tenus de progresser dans cette voie, de nous diriger pacifiquement vers la paix. Et ceci est vrai non seulement pour les négociations avec les Palestiniens mais également dans le cadre de nos relations avec la Syrie. La seule voie menant à la paix est celle qui passe par la négociation. Toutes les parties pourront exposer leurs revendications mais nous n'envisageons pas l'option d'obtenir des avantages par la violence, par des menaces, ou par la guerre, une telle option est impensable. La guerre doit être mise de côté, la violence doit être mise de côté. Nous évoquerons les points, tous le points, autour de la table des négociations.
QUESTION - Monsieur le Président, nous sommes contents de constater que vous avez décidé enfin de continuer votre visite en Israël. Est-ce que vous pensez encore que cela a été une provocation israélienne ce qui est arrivé ce matin à la vieille ville ?
Si vous me permettez une deuxième question, est-ce que le problème de Ron Arad a été évoqué pendant votre visite à Damas ?
LE PRESIDENT -Sur la deuxième question, je peux vous répondre que oui et de ma part avec beaucoup de force. Mais je dois dire que cela fait des années que j'interviens avec beaucoup de force pour essayer de savoir la vérité et, le cas échéant, de rendre la liberté à Ron Arad et que, jusqu'ici, mes efforts ont toujours été infructueux, ce qui ne me décourage pas. D'ailleurs, je dois rencontrer, je crois ce soir, la famille de Monsieur Ron Arad.
Sur le premier point, je crois qu'il faut savoir clore un incident. Pour moi il est clos. Ce n'est pas moi qui ait subi les inconvénients d'un excès de zèle, c'est vos confrères. Par conséquent, c'est pour eux que j'ai protesté, pas pour moi en réalité. Enfin, maintenant, je considère qu'après ce qui a été dit par le Premier Ministre, l'incident est clos.
QUESTION - (Inaudible).
LE PRESIDENT -Je n'ai pas entendu le début de votre question, mais je pense que vous m'avez demandé si j'avais eu des échos d'une volonté belliqueuse de la part de la Syrie, ce que d'ailleurs j'ai pu lire ici où là, dans la presse européenne et peut-être dans la presse israélienne. Non, je n'ai retiré de mes entretiens à Damas, aucun sentiment de ce genre. Pour être franc, je crois que ces informations, et je le souhaite naturellement, soient dépourvues de tout fondement, car il s'agirait d'une sorte de folie à tous égards. Donc, je ne crois pas qu'il y ait de véritable fondement à ce genre d'information. Vous savez, nous sommes dans des temps où l'intoxication va vite et l'interprétation des choses est un peu rapide. En tous les cas, moi je n'ai ramené de ma visite à Damas aucune information de cette nature.
QUESTION - Monsieur le Premier Ministre israélien, je voudrais vous poser une question. Vous savez que le processus d'Oslo a suscité beaucoup d'espoir en France et ailleurs dans le monde. On dit que ce qui vous distingue du processus, c'est l'idéologie du grand Israël. Qu'est-ce que c'est que cette idéologie du grand Israël ? Est-ce que c'est encore un projet politique d'actualité ? Est-ce un projet mystico territorial ? Est-ce que c'est au nom de cette idéologie que vous êtes contre la création d'un Etat palestinien ?
M. BENJAMIN NETANYAHOU - Je vais vous répondre. J'ai une approche très étrange et j'espère que vous me permettrez de la présenter. Cette approche est que ces montagnes qui entourent Jérusalem, ne sont pas des terres étrangères pour moi. Mon approche est que les Juifs et la Judée ne me sont pas étrangers. Mon approche est que les sites dans lesquels se sont rendus les ancêtres de mes ancêtres ne sont pas "terra incognita". Mon approche est que les versants des montagnes de Judée, les oueds, les oliviers au milieu desquels les prophètes d'Israël, les ancêtres de mes ancêtres se sont promenés, ainsi d'ailleurs que mes ancêtres d'il y a cent ans, arrivés ici alors que la population était infime, tout ceci n'est pas pour moi une terre étrangère.
Je vous le dis, non pas à un niveau idéologique abstrait, je vous le dis simplement, clairement, nous considérons que cela fait partie intégrante de notre histoire, de notre identité. Je ne crois pas que l'idée selon laquelle les Juifs ne seraient pas autorisés à vivre en Judée puisse être acceptée par quelqu'un ici, comme d'ailleurs personne ne tolérerait que je dise que les Juifs ne sont pas admis dans un endroit quelconque, à Londres ou à Paris, cela vous révolterait. Ainsi la question qui se pose est de savoir comment concilier le fait que dans la partie historique du peuple juif, un autre peuple a également vécu. Ceci est également un fait. On ne peut feindre de l'ignorer. Je pense que nous ne pourrons pas nous expulser les uns les autres, il est interdit de rechercher une telle solution aussi bien moralement que concrètement. Sous ces deux aspects, cette possibilité est condamnable.
Il faut donc trouver une solution afin de vivre en coexistence, trouver comment coexister. Nous devons coexister de manière à ce que l'Etat d'Israël puisse véritablement vivre en sécurité et par ailleurs, de manière à ce que les Palestiniens qui vivent ici, en plein coeur de la patrie juive, sur cette montagne, qui est également le mur de protection de l'Etat juif, puissent administrer leur quotidien sans intervention de notre part. Je crois possible de trouver un tel équilibre.
Et je pense que cet équilibre sera également présenté à l'opinion internationale ; notre intention n'est pas d'instaurer une situation dans laquelle nous dominons les Palestiniens. Telle n'est pas mon intention. Je veux qu'ils désignent leurs élus, qu'ils élisent leurs institutions, qu'ils gèrent leur quotidien dans tous les domaines. Mais par ailleurs, je veux m'assurer que cette entité palestinienne que nous nommons "Autonomie" ne puisse menacer notre vie quotidienne.
C'est pourquoi, il est nécessaire de trouver un équilibre entre le besoin de liberté des Palestiniens et nos besoins les plus fondamentaux, et en tout premier lieu notre sécurité. Ainsi, par exemple, ceux qui ont de profondes divergences de vues opposent à première vue la droite et la gauche israélienne. La droite est contre la création d'un Etat palestinien, alors que la gauche l'approuve. Mais lorsqu'on leur demande si cette entité palestinienne pourra signer des alliances militaires avec l'Iran ou l'Irak, ils répondent non, c'est hors de question. Lorsqu'on leur demande si elle pourra amener ici des chars, des avions et des missiles, ils répondent non, c'est hors de question. Pourra-t-elle contrôler l'espace aérien ici, au-dessus de nos têtes ? Non, c'est hors de question et ainsi de suite.
Ainsi, au sein de l'opinion israélienne, parmi ceux qui s'opposent à la création d'un Etat palestinien et ceux qui se prononcent en sa faveur, il existe en fait une entente beaucoup plus large : tous s'entendent pour accorder la liberté de gestion de la vie quotidienne, des institutions, de ce qui s'appelle en anglais "enfranchissement", le droit de vote et d'éligibilité à l'autorité palestinienne. Et nous le reconnaissons, cela fait partie d'Oslo. Mais pour ce qui est de l'arrangement définitif, je pense qu'il existe une large entente au sein de l'opinion israélienne selon laquelle, dans le cadre de l'arrangement définitif, l'Etat d'Israël bénéficie des mêmes protections qui nécessitent, comment dirai-je, une délimitation des compétences de cette Autorité palestinienne. Et je préfère à ce stade me concentrer sur la poursuite du processus, nous aurons tout le temps d'examiner ces questions.
Mais je l'ai déjà dit aux Israéliens et je le répète pour l'opinion française. En vue de l'arrangement définitif, mon intention est de proposer un règlement qui soit avant tout agréé par la majorité de l'opinion israélienne. Je pense que si la paix règne entre nous, à l'intérieur de nos frontières, il sera plus facile pour nous d'instaurer la paix avec les Palestiniens. Cette paix ou les arrangements définitifs que nous présenterons, de par leur nature, ne permettront pas d'obtenir tout ce que nous voulions ou rêvions. Tout d'abord, il y a Oslo. Par ailleurs, il y a la présence des Palestiniens ici, comme je l'ai déjà dit. Et je pense que la gauche israélienne, également, acceptera les revendications de sécurité exprimées par la majorité de l'opinion israélienne, et qui ne feront que s'amplifier suite aux événements de ce dernier mois. Ainsi je crois possible de parvenir à un large consensus parmi l'opinion israélienne en faveur d'un arrangement définitif. Et j'ajoute que ceci contribuera grandement à l'obtention d'un accord stable, qui remporte l'adhésion de la majorité de l'opinion israélienne, et ceci est important pour conclure de tels arrangements.
QUESTION - Vous a t-il été demandé d'intervenir entre Monsieur Arafat pour l'amener à signer les propositions d'accord sur Hébron, et si vous en avez eu connaissance, est-ce que vous pensez que ces propositions sont équitables aujourd'hui ?
Une petite question subsidiaire, j'entendais Monsieur Netanyahou s'adresser à vous comme son grand ami. Il y a deux jours, c'était Monsieur Assad qui s'adressait à vous comme son très cher ami. Est-ce que vous pensez un jour pouvoir réunir tous vos amis ?
LE PRESIDENT -Sur la première question je n'ai pas de commentaire à faire. C'est une affaire qui intéresse l'Etat d'Israël et l'Autorité palestinienne. J'aurai probablement l'occasion d'en parler avec Monsieur Arafat, et, j'en ai parlé naturellement avec le Premier Ministre israélien. Moi, vous savez, je suis favorable à tout ce qui peut faire progresser la paix. Je suis pour les grands pas, mais quand c'est un petit pas, je suis également favorable. Donc, tout ce que je peux faire, pour essayer d'inciter tout le monde à progresser sur la voie de la paix, je le fais.
Je crois qu'on peut avoir des amis de diverses origines. Je souhaite effectivement, un jour, le plus rapidement possible pouvoir les réunir tous pour un entretien convivial et un bon dîner.
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