Message de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lu par M. Jean-Louis Borloo, ministre de la Cohésion sociale, à l'occasion du centenaire du ministère du travail.

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LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Paris, le 25 octobre 2006.


Mesdames et Messieurs les ministres,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Je regrette de ne pouvoir être parmi vous aujourd'hui pour participer à vos côtés aux manifestations du centenaire du ministère du travail. Je remercie les organisateurs de cet événement, le ministère de l'Emploi, de la Cohésion Sociale et du Logement bien sûr, mais également le Comité d'orientation de la manifestation du Centenaire, présidé par Olivier Dutheillet de Lamothe, qui a accompli un travail remarquable et que je remercie.

Cette journée est l'occasion de saluer tous ceux qui, au fil des ans, ont apporté leur part à la construction de cet édifice. Je veux aussi dire une nouvelle fois toute mon estime et ma confiance à tous les agents qui travaillent dans les directions d'administration centrale, dans les services déconcentrés, les établissements publics et organismes sous tutelle ainsi qu'au sein des services de contrôle.

Cette célébration nous fait retrouver les racines de notre modèle social. Elle fait retentir l'écho du fameux discours du 6 novembre 1906, où René Viviani évoquait avec fougue et espoir les missions du ministère du travail, "cette maison nouvelle", qui n'a pas été fondée "pour préparer la révolution sociale", ni même "pour résoudre la question sociale", mais d'abord pour être le "préparateur des réformes sociales". Une "large fenêtre à travers laquelle le gouvernement tout entier aperçoit pas seulement les travailleurs présents mais aussi les travailleurs futurs".

Un ministère qui apportera au travailleur un surcroît de "liberté sociale", qui est pour l'homme "le pouvoir d'agir, le pouvoir de vivre, la certitude qu'il a que le lendemain sera pareil au jour d'aujourd'hui, la certitude qu'il y aura ce que la Déclaration des droits de l'homme appelle la sûreté de l'individu, ce que les travailleurs appellent la sécurité sociale".

Un ministère, enfin, dont l'invention constituera une première réponse "à l'homme doté du suffrage universel, mais qui compare avec tristesse sa puissance politique à sa dépendance économique, et qui est humilié tous les jours, par le contraste qui fait de lui un misérable et un souverain."

Entre l'évolution heurtée des rapports sociaux, eux-mêmes soumis à l'épreuve des faits, des guerres, des crises, et la continuité du travail des femmes et des hommes qui ont préparé et mis en œuvre les projets de réformes sociales, une alchimie s'est opérée: les manifestations commémorant le centenaire du ministère du travail doivent aussi être un hommage à tous ceux, responsables politiques, syndicaux, représentants des entreprises, qui y ont participé.

Vos travaux vont nous permettre de redécouvrir l'histoire de la construction de ce ministère, par strates successives, une histoire pragmatique qui a accompagné toutes les transformations de la société et de l'économie françaises : depuis la protection individuelle de chaque salarié jusqu'à l'organisation et à la promotion des relations collectives du travail et du dialogue social à tous les niveaux, pour parvenir à la question centrale de notre société depuis vingt-cinq ans: celle de l'emploi.

Pour répondre aux défis du temps présent, il fallait traiter ensemble des enjeux dont l'appréhension a trop longtemps été compromise par des approches parcellaires et cloisonnées. C'est pourquoi j'ai voulu que le ministère du travail embrasse désormais dans leur globalité toutes les questions qui participent à la cohésion sociale. C'est-à-dire non seulement le droit du travail et la gestion des relations du travail, la politique de l'emploi et la sécurisation des parcours professionnels, mais aussi la lutte contre la précarité, le logement, la rénovation urbaine et la lutte contre les discriminations. La question sociale aujourd'hui rassemble tous ces enjeux. La volonté qui doit guider ce ministère, c'est d'y répondre de façon ambitieuse, cohérente et dans la durée.

En 1906, René Viviani mettait en garde, au-delà des responsables politiques et syndicaux, l'ensemble de la société française. Il ne fallait pas, disait-il, se laisser éblouir par l'éclat des droits individuels nés de la Révolution française. Il fallait regarder en face les enjeux d'une autre révolution, "silencieuse, obscure, profonde, qui s'appelle la révolution économique". Une révolution économique engendrée par la concentration des capitaux et le développement du machinisme.

Les révolutions économiques se succèdent, mais l'avertissement de 1906 est toujours d'actualité. Ces révolutions ébranlent les équilibres anciens et menacent toutes les Nations qui n'en prennent pas la mesure ou se crispent en refusant de regarder l'avenir.

Aujourd'hui, avec les formidables bouleversements de la mondialisation, les enjeux liés au travail, à l'emploi, à la formation, à la mobilité, à la place de chacun dans la société, se renouvellent rapidement et en profondeur. Notre défi, le défi de ce ministère, c'est de garder les yeux grands ouverts sur cette réalité. C'est d'anticiper. C'est d'agir pour moderniser notre modèle social, dans le respect de notre histoire et dans la fidélité à ce que nous sommes, en faisant confiance à notre capacité à toujours ressourcer le dialogue social.

Je vous remercie.



Jacques CHIRAC