Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la remise des insignes de la Légion d'honneur à M. Daniel BARENBOÏM.
Berlin le dimanche 25 mars 2007.
Cher Daniel BARENBOÏM, je tenais à vous dire, au nom de tous nos concitoyens, notre reconnaissance et notre amitié. Et je tenais à vous le dire ici, à Berlin, ville dont l'Opéra vous a élu « Chef à vie », ville à la renommée de laquelle vous avez beaucoup contribué.
Je tenais à saluer tout à la fois l'immense artiste, l'ami de la France, et l'intellectuel engagé pour la paix au Proche-Orient.
Vous êtes un artiste complet, un pianiste et un Chef d'orchestre incomparable. Un de ces génies précoces dont le talent unique ne fait que s'affermir et se révéler pleinement avec le temps. Entre votre premier récital de piano, à l'âge de 7 ans, et aujourd'hui, que de chemin parcouru, dans tant de villes et de tant de pays : Buenos Aires, où vous êtes né ; Israël ; Paris ; Berlin ; la Scala de Milan : autant d'étapes parmi d'autres dans votre recherche de la perfection technique et de la pure émotion musicale. Vous dont, enfant, le Chef d'orchestre allemand Wilhelm Furtwangler disait que vous étiez un « phénomène », vous êtes aujourd'hui, tout simplement, l'un des plus grands Chefs d'orchestre au monde.
Vous êtes, aussi, un ami de la France. A l'âge de l'adolescence, c'est en France que vous venez vous former, chez Nadia Boulanger. Pendant douze années, vous serez un Chef admirable et admiré de l'Orchestre de Paris. Et même aujourd'hui, alors que vous êtes installé ici, à Berlin, vous n'avez jamais complètement quitté Paris, où vous revenez régulièrement pour nous offrir de magnifiques concerts. Et aussi, m'a-t-on dit, pour rendre visite à votre fils, qui a choisi de poursuivre en France de brillantes études de philosophie.
Vous êtes, enfin, un homme de paix. Un homme engagé avec une ardeur inlassable, avec un courage que rien ne peut abattre, pour la réconciliation israélo-palestinienne. Votre arme pour la paix, c'est votre baguette de Chef d'orchestre : qu'est-ce qui, mieux que la musique, sait parler, selon vos propres termes, « à la tête, au cœur et au ventre » ? C'est pourquoi vous avez créé, avec le regretté Edward SAÏD, le « West-Eastern Divan », cet orchestre qui offre à de jeunes musiciens d'Israël et de Palestine la possibilité, précieuse entre toutes, de jouer ensemble, de partager un moment de bonheur. Aucune frontière ne peut arrêter la musique. Et vous avez au fond du cœur cette conviction qu'un jour, Palestiniens et Israéliens apprendront à partager cette terre avec laquelle ils entretiennent une relation si profonde, si spéciale. Une relation faite de déchirements, mais aussi fondée sur une histoire qui plonge jusqu'aux racines de l'humanité.
C'est pour toutes ces raisons, cher Daniel BARENBOÏM – et je souhaite associer à cette décoration votre épouse Jelena BASCHKIROWA, cette grande pianiste, à qui je vous demande de présenter mon amitié et mes respectueux hommages, qui est aussi la compagne de tous vos engagements – que j'ai aujourd'hui le très grand plaisir, de vous faire Commandeur de la Légion d'honneur.
Daniel BARENBOÏM,
Au nom de la République française,
nous vous faisons Commandeur de la Légion d'Honneur.
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